La légèreté : les attentats de Charlie n’ont pas seulement marqué la mémoire collective, mais ont atteint de plein fouet des hommes et des femmes survivants. Après Luz, la dessinatrice Catherine Meurisse raconte ses souffrances et son retour à la vie dans une superbe BD, la légèreté, véritable hymne à la culture et à la beauté.

Pour vivre Catherine a besoin d’amour et on devine que de ce côté-là, la chose n’est pas totalement réussie avec un chéri qui ne veut pas quitter sa famille et son épouse. Comme Luz, avec qui il est difficile de ne pas établir un parallèle, Catherine Meurisse va connaître un dérèglement total de sa personnalité. Quand Luz met dans le four des quantités énormes de papier journal, l’auteure connaît notamment le symptôme de la dissociation qui peut provoquer la mort, ou à tout le moins une anesthésie sensorielle, émotionnelle ou mémorielle. Elle n’arrive plus à dessiner, à trouver les proportions, à placer ses personnages dans l’espace. La feuille blanche reste immaculée. Et le désespoir s’incruste. Même la lecture de Proust à Cabourg ne lui parle plus. Le monde n’est que laideur et obscurité.

Ce qui m’a paru le plus précieux après le 7 janvier c’est l’amitié et la culture
Et « la beauté » ajoute son amie. De formation littéraire et artistique, avant l’attentat, elle avait déjà dessiné la fréquentation des musées comme celui d’Orsay. C’est donc logiquement en marchant au milieu des œuvres d’art, comme dans le forum romain, qu’une forme de joie va renaître. Pour cela il faudra préalablement que les œuvres retrouvent avec son regard perturbé une bonne distance. Quand elle regarde dans les jardins de la Villa Médicis, des statues racontant le massacre des Niobides, elle n’y voit qu’une répétition du massacre de Charlie. La guide lui dit que ces mêmes statues, qui disparaissent selon les saisons derrière la végétation, évoquent pour elle une forme pleine et entière de poésie : des morceaux de corps qui se dévoilent plus ou moins, laissant place à l’imaginaire. Comme si l ’œuvre d’art n ’exprimait que ce que le spectateur en attend, ou souhaite voir.

Voir. Voir la mer, des arbres, des ciels, une peinture, de la lumière

Si au début du récit, l’âme de Catherine Meurisse est lourde, son dessin demeure plein de légèreté. Les dernières pages à l’aquarelle sont lumineuses. Le ciel a retrouvé sa clarté bleue. Le sable est jaune d’or. On le devine crisser sous les pieds. Les couleurs de Rothko ont laissé la place à des couleurs nuancées. Le Beau est revenu. Une forme de légèreté avec.
BD La légèreté Catherine Meurisse, Dargaud, 136 pages, 20€
Genre : Autre regard Documentaire / Biographie
Public : Ado-adulte – à partir de 16 ans


