Blanka, le titre du premier film du réalisateur japonais Kohki Hasei, c’est un prénom, celui d’une fillette de onze ans. Sans misérabilisme outré, Blanka évoque une réalité d’une dureté sans pareil et Kohki Hasei, sans mièvrerie, met en scène la possibilité du rêve au cœur même de l’insondable cruauté de la vie.
Alors que le soleil de l’été ne semble pas vouloir se calmer et rendre plus douce la rentrée, qu’elle soit scolaire ou professionnelle, que déjà les salles obscures nous rappellent à la fraîcheur climatisée de leur apaisante pénombre. Nous y avons fait connaissance de Blanka, gamine de 11 ans délurée et cynique, s’épanouissant sur les trottoirs de Manille, comme les fleurs les plus délicates poussent sur les immondices.
C’est un exercice plutôt périlleux que s’est imposé pour un premier film le réalisateur Japonais Kohki Hasei issu du monde de la photo de mode. Parler des trottoirs de Manille, c’est s’exposer immédiatement à tomber dans le cliché misérabiliste, l’inévitable évocation de la prostitution enfantine et la mise en évidence de l’extrême pauvreté. Difficile de faire original sans courir un risque considérable, celui d’être indécent. Si le film n’est pas totalement une réussite, il n’en bénéficie pas moins d’atouts de qualité. Kohki Hasei a su prendre de la distance et tout ce grouillement de population n’apparaît qu’en demi-teinte, comme un décor, bigarré, vivant et d’une inépuisable énergie, mais pas comme un premier plan. Le principal, c’est l’histoire qui se déroule sous nos yeux. Celle de Blanka, obligée de mendier et surtout de voler pour subvenir à ses besoins, puisqu’elle n’a aucun parent et se trouve complètement abandonnée à elle même. Elle a fini par s’imaginer qu’en rassemblant une importante somme d’argent elle serait même en mesure d’acheter une mère. Comment pourrait-elle ne pas trouver cela logique, elle l’exprime d’ailleurs avec un cynisme désarmant : « J’ai vu plein d’adultes payer pour des enfants, pourquoi une enfant ne pourrait-elle payer pour un adulte… », cela se passe de commentaires.
Les hasards de la rue la conduisent à faire connaissance de Peter, vieux guitariste aveugle, portant sur une humanité qu’il ne peut que percevoir, un regard plein de bonté. Cet exemple, déroutant pour Blanka, va la conduire petit à petit à modifier son propre regard sur la vie et sur les autres. Le vol et son corollaire, la violence, ne sont pas l’unique voie. L’énormité que représente l’achat d’un être humain lui apparaît peu à peu. Mais Peter pense, sans doute avec raison, qu’elle serait mieux dans un orphelinat où elle pourrait recevoir de l’instruction. Se sentant, une fois de plus, trahie par les adultes, Blanka s’éloigne de son ami et retombe dans ses travers. Ils finiront par se retrouver, mais bien des questions restent en suspens. C’est sans doute ce qui pèche un peu dans ce film, on en retire un sentiment d’incomplétude, il y a quelque chose d’inachevé.
Pourtant la poésie est présente, les personnages attachants et pas mièvres sont agréablement interprétés par des acteurs non professionnels, ce qui apporte une indiscutable touche de spontanéité. Si les rôles de Blanka (Cydel Gabutero) et de Peter (Peter Millari) fonctionnent sans problème, la palme de l’authenticité revient sans conteste au couple de petits voyous, Sébastian et Raul c’est à dire Jomar Bisuyo et Raymond Camacho. Ils sont juste formidables et d’un naturel confondant.
En résumé ne soyons pas inutilement sévère, pour un premier film, c’est plutôt une jolie réussite et donne envie de garder un œil sur ce metteur en scène au talent prometteur. En évitant les clichés, il nous a entraînés dans un comte poétique auquel nous nous attendions assez peu. Blanka dure une heure et quart, nous en aurions bien pris un petit quart d’heure de plus.
Film Blanka, Kohki Hasei, sortie nationale 31 août 2016, 1h15
Film italien, japonais, philippin
Production : Dorje Film
Distributeur France (Sortie en salle) : ASC Distribution
Cydel Gabutero : Blanka
Peter Millari : Peter
Jomar Bisuyo : Sebastian
Raymond Camacho : Raul