À Brest, les Ateliers des Capucins abritent une vie culturelle intense, reflet du dynamisme urbain actuel de la ville. Unidivers est allé explorer ces gigantesques hangars réhabilités qui surplombent la rive droite du port de commerces et y a rencontré Nolwenn Rocher, chargée de production événementielle et de communication. Entretien et reportage photos.
UNIDIVERS – Les Ateliers des capucins ont été cédé à la mairie de Brest en 2009. Après réhabilitation, ils sont devenus un centre d’activités culturelles et commerciales. Comment est assurée la gestion de ce lieu par rapport aux pouvoirs publics ?
NOLWENN ROCHER – La gestion du lieu a été confiée à une société publique locale (SPL) appelée Les Ateliers des Capucins, créée à cette occasion et dont l’unique mission est l’animation de ce tiers-lieu. Ses actionnaires sont les collectivités de la ville de Brest et de la métropole. Nous sommes une équipe de six personnes qui assurons la gestion, toujours en relation avec la métropole sur le parti qui a été pris pour les Ateliers des Capucins, celui de l’accessibilité. Ils nous font confiance, et le résultat est à la hauteur puisqu’on a dépassé les 3 millions de visiteurs depuis l’ouverture au mois de décembre, avec une moyenne de 20 à 25 000 personnes par semaine. C’est un succès qui a été au-delà des espérances de la métropole.
La valeur fondamentale des Ateliers des capucins est l’accès à tous. C’est un lieu dont l’accès est gratuit, ouvert sur des grandes plages horaires, où il n’y a que très peu d’interdits parce que tout le monde arrive à vivre ensemble sans souci. On a cette volonté de dire à tout le monde « venez, vous êtes les bienvenus ».
UNIDIVERS – Quand est-ce que les ateliers ont fait leur ouverture au public ?
NOLWENN ROCHER – En novembre 2016, avec l’arrivée du téléphérique. À l’époque, il n’y avait qu’une grande place brute. C’était volontaire de laisser l’espace complètement nu et vide, pour que les Brestois puissent venir découvrir ce lieu, l’architecture, les machines qui ont été laissées en place, avant de commencer à occuper la place par des événements et l’arrivée des commerçants.
UNIDIVERS – Historiquement, le plateau des Capucins a d’abord accueilli un couvent, puis un hôpital, une caserne, des ateliers de la marine, pour finalement devenir le vaste espace culturel qu’il est aujourd’hui. Que penser de cette transformation ?
NOLWENN ROCHER – Ce bâtiment a suivi le temps, les différentes guerres, les différentes activités économiques de Brest. Il a connu une baisse d’activité dans les années 2000, et il a eu le mérite d’être rendu aux Brestois.
C’était une place interdite autrefois, alors même qu’un grand nombre de Brestois ont quelqu’un de leur famille qui y a travaillé. C’était donc très important de rendre ce lieu aux habitants et de leur faire découvrir ce qu’il s’y est passé au cours de son histoire. C’est le travail que fait la métropole sur la mémoire et l’archive.
À l’intérieur des Ateliers, certaines machines ont été conservées dans la réhabilitation du bâtiment. Ce sont des objets de curiosité pour le public. Elles permettent de faire découvrir les différentes vies du bâtiment. De même, avons mis en place des bornes interactives qui se trouvent sur la place des machines. Elles mettent en avant des travailleurs de l’arsenal, des vidéos, des témoignages, des photos, elles transmettent au public une mémoire des lieux.
UNIDIVERS – À quel moment ont débuté les nombreuses activités des Ateliers des Capucins ?
NOLWENN ROCHER – La première grande ouverture au sein des Ateliers a été la médiathèque François Mitterrand, en janvier 2017.
L’arrivée des premiers commerçants s’est faite en décembre 2018, avec l’ouverture de la brasserie Fabrik 1801.
Ont suivi assez rapidement l’ouverture du Cosmonaute, de La Brûlerie du Léon, de Lalibee Créations, du We Art Minds, de En bières inconnues et Climb Up. Ce sont nos sept colocataires pour le moment, la deuxième vague de travaux va commencer début septembre pour l’accueil de nouveaux commerçants aux univers très variés. Nous les appelons nos « colocataires », parce que c’est un grand lieu où on vit tous, où on travaille tous ensemble pour le même but, l’accueil du public, qu’il soit Brestois ou touriste, des jeunes, des moins jeunes, des familles.
UNIDIVERS – Sur quelle base s’est faite la sélection de ces « colocataires » commerçants ?
NOLWENN ROCHER – On a laissé les commerçants venir vers nous. Le premier critère est qu’il n’y a pas de franchises. Ce sont des acteurs locaux qui ont proposé des projets accordés au bâtiment en lui-même. On n’est pas du tout un centre commercial, et on ne le sera jamais. Un des buts de ce lieu est de proposer de l’offre, de la diversité, à l’image du concept store Le Cosmonaute, situé à l’étage, qui fait découvrir plein de nouveautés et de nouveaux artistes locaux. Il y a de tout, depuis la vaisselle jusqu’aux bijoux et autres objets de décoration, et il y a aussi un espace restauration où ils proposent toujours des produits locaux. Cette valorisation du local était notre objectif quand nous avons sélectionné nos colocataires.
UNIDIVERS – L’enceinte des Capucins a encore la place d’accueillir de nouveaux colocataires, à quoi peut-on s’attendre ?
NOLWENN ROCHER – Un cinéma va ouvrir au premier trimestre 2020. Ce sera un cinéma porté sur les technologies de pointe, complémentaire des offres qu’on trouve déjà en ville et installé pour la première fois de ce côté-ci de la rive. Le Fourneau nous rejoindra plus tard, en 2023. Il y aura aussi une salle de réalité virtuelle, Imagis, et d’autres projets en cours qui devraient aboutir prochainement.
UNIDIVERS – Pouvez-vous nous parler du projet urbain plus vaste dont sont porteurs les Ateliers des capucins ?
NOLWENN ROCHER – Le quartier des Capucins fait partie du projet de renouvellement urbain de Brest. C’est un nouveau quartier, conçu comme un éco-quartier, il se veut modèle dans le domaine des énergies renouvelables. Par exemple, il y a un très grand nombre de panneaux photovoltaïques sur les toits des Ateliers. Ce renouvellement urbain va se prolonger avec le fond de Penfeld, un quartier militaire qui va être cédé à la ville et dans lequel il y a un projet, nommé Coeur de métropole, co-construit avec les habitants.
UNIDIVERS – Pour accéder aux Ateliers des Capucins directement depuis l’autre côté du port, le premier téléphérique urbain de France a été construit. D’où vient cette idée peu commune ?
NOLWENN ROCHER – L’idée était de relier les deux rives simplement sans avoir à faire le tour. La métropole a cherché une manière de relier les Ateliers des Capucins avec le bas de Siam (centre-ville de Brest). Comme un pont n’était pas vraiment imaginable, l’idée est venue de ce téléphérique urbain. On est maintenant un modèle pour pas mal d’autres villes puisqu’il y a quinze autres projets de téléphériques urbains actuellement. Ce n’est pas un gadget, mais vraiment un outil d’attractivité et un point de vue panoramique sur la ville qu’on ne trouve nulle part ailleurs.
UNIDIVERS – Dans quelles mesure cette idée d’attractivité a-t-elle joué dans la reconstruction des Ateliers des capucins ?
NOLWENN ROCHER – La métropole avait cet atout. Paris a son 104, Bordeaux son Darwin, Marseille sa Friche la Belle de mai, Brest a à présent ses Ateliers des Capucins, qui sont un véritable outil d’attractivité par la rénovation archictecturale qui a été faite et la réappropriation de ce bâtiment autrefois zone interdite au public, à présent zone de liberté. C’est une place publique couverte, une aire de jeux de 10 000m² pour les enfants, et un outil d’attractivité pour les touristes. On a vu le circuit touristique se modifier, avant il y avait Océnaopolis, le musée de la Marine, maintenant les gens font un crochet, prennent le téléphérique pour venir aux Ateliers. Ça élargit le centre-ville et le parcours touristique à Brest.
UNIDIVERS – Les Ateliers des Capucins accueillent et produisent des événements. Quel genre d’événements sont organisés directement par les Ateliers ?
NOLWENN ROCHER – L’exemple majeur a été l’événement Chahu Capu ! les 29 et 30 juin dernier, où on trouvait aussi bien un grand concert avec carte blanche donnée à Miossec que des animations en intérieur pour un public familial, manèges, cirques, ou encore une scène amateurs pour mettre en avant les talents brestois. C’est un weekend qui a bien fonctionné chez les Brestois, et qui montre à quel point ils se sont appropriés le lieu.
UNIDIVERS – Cette appropriation passe aussi par la mise à disposition du lieu aux acteurs culturels de la ville pour l’organisation d’événements…
NOLWENN ROCHER – La réappropriation du bâtiment par les Brestois passe d’abord par laisser l’espace vivre librement. C’est un lieu où il n’y pas de règlement, où quasiment tout est autorisé, beaucoup de jeunes viennent danser, faire de la musique, du roller, du twirling, des familles viennent apprendre à leurs enfants à faire du vélo, ou célébrer des goûters anniversaires. C’est un lieu où on trouve de tout et où tout le monde se réunit, la définition même du tiers-lieu. Cela passe aussi par l’accueil d’événements, par exemple le festival de BD Brest en bulles courant septembre. Ou différentes animations, comme la Fashion Week, une patinoire au mois de décembre, le forum de l’économie en octobre. On peut aussi accueillir des job dating, des galas, etc. On accueille vraiment tout type d’événement, que ce soit privé, public, événement d’entreprise, grand public, de tout et pour tout le monde.
UNIDIVERS – Comme se déroule la mise à disposition de cet espace, y a-t-il une location payante ?
NOLWENN ROCHER – Cela dépend des projets, s’il y a une visée grand public ou si c’est un événement privé, si c’est un événement qu’on fait en co-production, c’est à dire qu’on accueille une association mais qu’on l’aide aussi sur l’organisation, plein de critères rentrent en jeu pour définir si on loue l’espace ou si on le met à disposition, si on accompagne l’événement ou s’il est assez autonome pour se gérer tout seul. On accueille tellement d’événements différents que chaque cas est particulier.
UNIDIVERS – Et durant l’été, que peut-on faire aux Ateliers ?
NOLWENN ROCHER – Il n’y a pas de gros événement estival, on laisse respirer le bâtiment. Il y a tout de même notre grande exposition estivale de juin à septembre. Cette année, l’exposition Arctic Blues, réalisée en collaboration avec le laboratoire BeBest et FOVEARTS et à l’occasion des 80 ans du CNRS, fait découvrir le monde de l’Arctique. On a aussi plein de petites animations ponctuelles proposées par des associations, des concerts, des représentations de théâtre, de la salsa. Il se passe toujours quelque chose !
UNIDIVERS – Et que se prépare-t-il pour la rentrée ?
NOLWENN ROCHER – Nous reprenons nos activités par le festival de BD Brest en bulles, qui aura lieu le troisième weekend de septembre. C’est un rendez-vous incontournable pour les amateurs de BD, où on peut rencontrer des dessinateurs et des écrivains. C’est la troisième année que ce festival se déroule aux Ateliers des Capucins, ce qui lui a permis une expansion et un changement de modèle économique. C’est un festival qui avait une entrée payante, mais aux Ateliers, aucune animation n’est payante, c’est un des critères pour pouvoir proposer un événement ici.
Une des grandes valeurs des Ateliers des capucins est l’accès à la culture pour tous.
UNIDIVERS – Merci, Nolwenn Rocher, et une bonne fin d’été aux Ateliers des Capucins !
Cet article s’inscrit dans une série dédiée à la vie culturelle brestoise, Un été à Brest :
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LES ATELIERS DES CAPUCINS. UN NOUVEAU POUMON CULTUREL A BREST
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