Redanserons-nous la gavotte ? – Reine des festoù noz, la gavotte est le symbole de tout ce que nous ne pouvons plus faire depuis bientôt un an : nous retrouver dans une salle pour danser, se tenir par la main et former la ronde, emportés dans la transe par le chant et la musique. Danseurs, chanteurs, musiciens attendent avec impatience la reprise des festoù-noz, le plaisir des retrouvailles, celui de reformer la chaine de danse, cette chaine qui les relie aux autres danseurs.
Le terme de gavotte est devenue l’appellation de différentes danses : danse en chaîne, danse de couple, ronde au bouquet, danse militaire, voire quadrille, allant même jusqu’à devenir un terme générique pour la danse. Un usage du terme de gavotte, attesté dès la fin du xviiie siècle dans la région de Quimper est de désigner ainsi la danse bretonne initialement appelée dañs tro en breton. Les gavottes bretonnes forment en fait une grande famille de danses avec de nombreuses variantes correspondant aux anciens terroirs (bro en breton) : gavotte de l’Aven, gavotte des montagnes, dañs fisel, gavotte glazik, gavotte kernevodez, etc. Gérard Nédellec évoque, dans D’Armor et d’Argoat, l’année 1945 : « Après un bon repas pris en commun, quelques gavottes terminent la soirée ».
Depuis près d’un an, les centre Bretons sont privés de festoù-noz. Autant dire que tout le monde attend de retrouver ces moments de rassemblement communautaire et de pouvoir danser la gavotte, à laquelle un film de Philippe Guilloux nous fait comprendre à quel point elle est indispensable !
C’est l’histoire d’un manque. Profond. Celui de l’absence des festoù-noz. « Quand j’ai des amis qui viennent en Bretagne, confie le réalisateur Philippe Guilloux, je les amène au fest-noz. Ils sont toujours étonnés de voir ça : un rassemblement de tous âges et de toutes classes sociales dans une grande convivialité. Cela n’existe plus beaucoup ailleurs. »
Autant dire que les festoù-noz ont vraiment manqué en 2020 et qu’on espère avec impatience pouvoir s’y remettre, d’où l’idée de Philippe Guilloux de réaliser un documentaire – son treizième film – sur la gavotte. Un film, tourné avec des Smartphones au moment du premier confinement qui nous parle de cette danse emblématique du centre Bretagne et de beaucoup d’autres choses. Un film plein d’humanité, d’émotion et d’humour. « J’ai été étonné de ce que les gens ont réussi à faire avec leurs téléphones, explique Philippe Guilloux. Et surtout de leur intelligence face à la situation. La gavotte représente tout ce qu’on ne pouvait plus faire avec la pandémie : se tenir la main, être ensemble dans une salle, danser ou aller boire un coup avec les copains pour refaire le monde ou juste plaisanter… »
La dañs tro, dañs a-dro ou gavotte, est une famille de danses traditionnelles de Basse-Bretagne.
La famille des gavottes présente une grande variété de danses qui diffèrent tant par leur forme que par le style. La forme de la danse peut être une ronde ou une chaîne, longue ou courte, mais des gavottes se dansent aussi en quadrettes ou en cortège de couples. Les styles varient considérablement, entre par exemple le maintien très serré par le bras des danseurs de dañs fisel, et la tenue aérée, avec mouvement de bras, de la gavotte kernevodez. De même, le style de la “montagne” est-il rebondissant, avec une suspension verticale des danseurs, tandis que la gavotte de l’Aven se caractérise au contraire par un pas souple et allongé, au ras du sol, avec une progression importante. C’est donc dans la structure de la formule d’appuis que réside l’unité des gavottes : toutes présentent une phrase de huit temps avec une subdivision du pas, le plus souvent aux temps 3-et-4 ou en 4-et-5.
L’accompagnement musical traditionnel de la gavotte est le chant sous la forme particulière du kan ha diskan ou le couple de sonneurs. La pratique de la gavotte en Basse-Bretagne est une pratique qui a intégré l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel en France en 2020.
La gavotte se dansait à l’origine en rond, d’où son appellation dans le Poher de dañs tro. Mais dans de nombreux terroirs, elle est devenue une chaîne (gavotte mod Bidar, gavotte Dardoup des circonstances ordinaires. En pays Pourlet, la forme est mixte, associant ronde et chaîne. Quelques-unes enfin se dansent en quadrettes comme la gavotte de l’Aven ou celle du pays Rouzig (Châteaulin). Dans le pays Dardoup, aux environs de Châteauneuf-du-Faou, à côté de la chaîne utilisée dans les circonstances ordinaires, coexiste une forme en quadrette pratiquée lors des noces, pour l’honneur. Dans le pays glazik, on trouve aussi des quadrettes, et, autour de Quimper, une forme en couple, surtout pratiquée lors des concours de danse. Dans le pays bigouden, la forme habituelle est un cortège de couples.
La deuxième partie de la suite est une balade entrecoupée d’un bal sur le refrain. Il existe plusieurs types de bals :
- le bal dit ancien, en appuis alternés où cavalier et cavalière se tournent l’un vers l’autre et effectuent une série de posés croisés alternativement vers l’intérieur et vers l’extérieur,le bal en va-et-vient dit de Poullaouen, collecté par Jean-Michel Guilcher et Loeiz Roparz, utilisé en pays Dardoup et dans le Poher, où cavalier et cavalière se tournent l’un vers l’autre puis effectuent un pas de quatre vers la cavalière puis vers le cavalier sur la ligne de danse,
- le bal dit moderne, qui est une évolution apparue dans l’entre-deux-guerres et reprise par le cercle de Berrien dans les années 1950, qui voit les danseurs poser légèrement le pied en avant en accompagnant le geste d’un léger mouvement de bras, avec ou sans changements d’appuis (dans sa version originelle la plus simple les pieds peuvent même restés immobiles, seuls les bras scandent la danse),
- le bal fisel, qui est une évolution complexe du bal ancien en appui alterné,
- le bal du pays de Plourac’h, Calanhel, etc.,
- le bal de la gavotte du pays Bidar, (gavotte du pied droit), figure en pas de quatre vers le centre du rond qui est une forme collective ancienne du bal en va-et-vient.
- le bal bigouden, de forme similaire au précédent, dansé entièrement en ronde ou par couple sur le second mouvement (seule variante connue dans le Haut Pays Bigouden).
D’autres gavottes ont des bals plus complexes, à figures simples ou successives issues d’évolutions plus ou moins élaborées du bal en va-et-vient (pays de l’Aven, de Fouesnant, de Quimperlé, du Faouët, de Gourin…) ou comprennent une succession de figures, appelées bal, jabadao ou contredanse suivant les terroirs, rondes avec mouvements d’en-avant en-arrière ou avec permutation de danseurs issues des formes les plus simples de contredanses anciennes (bals de la suite de Châteauneuf-du-Faou, bals de la suite glazik, bals à quatre du Cap Sizun [archive], bals à huit, etc.).
L’accompagnement musical varie selon les terroirs.
L’accompagnement le plus remarquable est le kan ha diskan (chant alterné), originellement pratiqué dans la ronde. Un “ton” simple ou double durait le temps de la chanson et il n’y avait pas de changement d”air” en cours de route, l’intérêt résidant dans les paroles et bien sûr dans le tempo.
Il existe des pratiques similaires de chant orchestrant la danse dans les territoires qui ne pratiquent plus la ronde. Dans toutes les zones où des contredanses (ou des danses en couple) ont été collectées, une tradition de chanson à danser a également été retrouvée. Toute la Haute Bretagne est concernée par ce type de répertoire et parmi les zones de contredanses, l’avant-deux a fourni le plus d’exemples de cette pratique. On retrouve l’expression « gavotter l’avant-deux » en Loire-Atlantique.
En pays fisel et fañch, la clarinette (treujenn gaol ou tronc de chou) est utilisée en couple sur le modèle du kan ha diskan, les instrumentistes se répondant l’un l’autre. La clarinette permet de s’approcher assez finement des subtilités du chant.
Le couple biniou-bombarde accompagne également les danseurs de gavottes. Dans la montagne, ou le kan ha diskan règne en maitre, les sonneurs n’étaient invités que rarement, principalement en raison de leur coût. On pouvait néanmoins les faire venir pour les grandes occasions comme les mariages. Au contraire, biniou et bombarde sont l’accompagnement privilégié dans le sud de la Cornouaille. Dans toute cette région, les sonneurs ont développé une grande virtuosité. Les morceaux sont alors souvent des pots-pourris, enchainant quantité d’airs, comme dans le cas de la gavotte Pourlet, dans les gavottes de l’Aven ou la suite bigoudène.
Dès son introduction en Bretagne, l’accordéon a été adopté. C’est ainsi que dans les années 1930, Yves Menez de Scrignac invente le swing gavotte à l’accordéon chromatique !
Aujourd’hui, on trouve tous les instruments que le revival a apporté : accordéon diatonique, guitares, flûte traversière et autres, joués plutôt en formation.
Redanserons-nous la gavotte ? Un film de Philippe Guilloux (2021, 55 min) produit par Carrément à l’Ouest.
Philippe Guilloux :
Né en 1960 à Aulnay-sous-Bois, Philippe Guilloux débute son parcours comme animateur-programmateur de salles de cinéma Art et Essai. Ce poste qu’il occupe pendant 20 ans lui permet d’acquérir une solide culture cinématographique et il lui donne envie de passer de l’autre côté du projecteur. Le hasard des rencontres lui a permis de démarrer une carrière de monteur. Il est le fondateur de la société Carrément à l’Ouest, sise à Carhaix, en Centre Bretagne.