Brian Wilson, l’éclaireur solaire du son californien, s’est éteint à 82 ans

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Beach Boys Brian Wilson
Brian Wilson (au centre) avec les Beach Boys en 1967.

Il y avait dans ses mélodies quelque chose de l’éternel été. Brian Wilson, génie torturé et visionnaire lumineux, s’est éteint ce 11 juin 2025 à l’âge de 82 ans. Avec lui s’efface une voix qui avait su capter l’âme du rivage californien, les promesses de l’innocence, les fêlures de l’extase. Brian Wilson est un genre à lui seul — une sorte de Mozart de la pop psychédélique solaire, passé du surf à l’élévation spirituelle en musique. Plus qu’un musicien, Wilson fut un architecte de l’harmonie moderne, l’inventeur d’un langage pop à la fois hédoniste et métaphysique, porté par les Beach Boys sur les vagues d’un rêve américain en Technicolor.

Co-fondateur des Beach Boys en 1961, Brian Wilson est le créateur de chansons devenues la bande-son de la jeunesse dorée : Surfin’ U.S.A.I Get AroundWouldn’t It Be NiceGood Vibrations… Mais derrière les harmonies vocales limpides, se cachait une complexité émotionnelle rare. Wilson écrivait le bonheur comme d’autres implorent le ciel, avec une sincérité bouleversante, un désespoir silencieux toujours en embuscade. Dans Pet Sounds (1966), œuvre charnière de la pop occidentale, il grava cette ambivalence : un disque à la beauté fragile, considéré aujourd’hui encore comme l’un des plus grands albums de tous les temps.

La Californie lui doit autant que le rock lui est redevable. Le sable, les vagues, les cheveux salés, les décapotables au coucher du soleil… C’est lui qui a fixé ces images dans notre imaginaire collectif. Pourtant, la vie de Brian Wilson ne fut pas qu’un long été. Rongé par la maladie mentale, soumis aux pressions d’une industrie et à ses propres perfectionnismes, il connut le silence, l’effondrement, l’exil intérieur. Il s’en releva dans les années 2000, fragile mais debout, publiant de nouveaux albums (Smile, enfin reconstitué en 2004), et continuant à se produire sur scène.

Il avait cette voix douce, à la fois juvénile et cassée, une voix qui murmurait l’amour et la peur, la plage et la perte. Elle appartient désormais aux anges, comme l’a écrit John Stamos : « Sa voix fait désormais partie du chœur divin. » Bob Dylan, Paul McCartney, Carole King, Brian Eno, David Bowie, Thom Yorke… tous ont reconnu en lui un maître. Un alchimiste des sons, un poète du studio, un frère en fragilité.

Sur X (anciennement Twitter), ses enfants ont écrit simplement : « Love & Mercy. » C’était le titre de l’une de ses plus belles chansons solo, et la prière silencieuse de toute sa carrière. Un appel à la tendresse dans un monde trop bruyant.

Aujourd’hui, les planches de surf restent dressées sur le sable, immobiles. Les harmonies célestes de Brian Wilson, elles, roulent encore. Elles voguent dans l’air du Pacifique, dans la mémoire de nos étés, dans la douceur d’un monde rêvé qu’il a su créer — un monde où la beauté sauve, même quand elle pleure.

My Dear Brian, May God let you surf forever in the radiant swells of paradise.

Brian Wilson à la croisée des genres :

Rock californien

Il en est un emblème majeur : avec les Beach Boys, il a défini le « California sound » des années 1960 — un mélange de surf music, de rock vocal harmonisé, d’insouciance solaire et de nostalgie adolescente. Ce son évoque les plages, les voitures décapotables et la jeunesse dorée de la côte ouest.

Surf music

Bien que les Beach Boys aient été souvent associés à la surf music (comme Dick Dale ou Jan & Dean), Brian Wilson a rapidement transcendé ce style pour proposer des compositions plus complexes, introspectives et orchestrales.

Baroque pop / Chamber pop

Avec Pet Sounds, Wilson entre dans une dimension orchestrale, influencée par la musique classique, le jazz, et le studio comme instrument. Il devient un pionnier de la baroque pop, aux côtés de Phil Spector ou des Beatles période RevolverSgt. Pepper.

Psychedelic pop / art rock

Des morceaux comme Good Vibrations ou le projet avorté Smile l’inscrivent dans la lignée de la psychedelic pop, voire de l’art rock, avec une recherche sonore et émotionnelle avant-gardiste.

Pop expérimentale

Sa manière de produire, son obsession des textures sonores, sa maîtrise du studio font de lui l’un des premiers expérimentateurs de la pop moderne, ouvrant la voie à des artistes comme Todd Rundgren, Sufjan Stevens ou Animal Collective.

Image de une : Par Capitol Records — ebayback, Domaine public

Rocky Brokenbrain
Notoire pilier des comptoirs parisiens, telaviviens et new-yorkais, gaulliste d'extrême-gauche christo-païen tendance interplanétaire, Rocky Brokenbrain pratique avec assiduité une danse alambiquée et surnaturelle depuis son expulsion du ventre maternel sur une plage de Californie lors d'une free party. Zazou impénitent, il aime le rock'n roll dodécaphoniste, la guimauve à la vodka, les grands fauves amoureux et, entre deux transes, écrire à l'encre violette sur les romans, films, musiques et danses qu'il aime... ou pas.