La jeune carne Sandrine Roche incarne la chair à Mettre en scène

 Dans le cadre du festival Mettre en scène, qui se déroule à Rennes du 4 au 27 novembre 2013, Sandrine Roche présente à partir de ce soir l’une de ses œuvres, Carne. À la fois auteure, metteuse en scène et comédienne, cette artiste polymorphe a un parcours atypique. Il y a à peine quatre ans, elle parcourait les bars pour montrer ses performances devant quelques personnes ; c’est là que le rédac’chef d’Unidivers l’avait rencontrée et encouragée à persévérer eu égard à son talent. Elle se retrouve aujourd’hui à l’affiche d’un grand événement théâtral de l’Ouest. 

Sandrine Roche
Sandrine Roche lors d’un entretien au Théâtre de la Paillette

 Le regard que porte Sandrine Roche sur la vie comme sur le théâtre est à la fois désabusé et porteur d’espoir. Une énergie paradoxale se dégage de cette femme, faite de nuances et d’intelligence. Passée par Science Po, productrice pour des compagnies de théâtre, elle a un pied dans le spectacle depuis le début de sa carrière. Elle ne s’immerge totalement dedans qu’en reprenant, à Bruxelles, l’école Jacques Lecoq afin de devenir comédienne. Immigrée à Rennes depuis un lustre, elle est actuellement en résidence au théâtre de la Paillette.

Son parcours artistique se mêle étroitement à ses choix de vie. La vie et le théâtre sont deux aspects inextricables d’une même manière de regarder le monde. Elle compare la vie au théâtre : « C’est la même chose, on joue à être et finalement on devient. ». Son premier grand succès, la pièce neuf petites filles, a été primé à Lyon en 2011, mais a aussi été critiqué, par certains, pour son manque de dramaturgie. Sandrine Roche confie à ce propos : « Ça m’énerve, en France on a un gros problème en théâtre, on est en pleine régression. Il y a plein de pièces contemporaines qui sont écrites chaque année, mais, dans un mouvement schizophrénique, ce qu’on monte le plus, c’est du théâtre classique. Molière c’est très bien, mais il faut s’ouvrir à de nouvelles formes de théâtre. » D’autant que, selon elle, neuf petites filles est l’une de ses pièces qui respectent le plus le théâtre classique.

L’auteure, puisque l’écriture est sa vocation première, est une femme de théâtre, mais qui s’ouvre à d’autres univers artistiques. La danse fait entièrement partie de sa conception de l’art théâtral. Elle veut mettre en scène des espaces, des corps. Pour elle : « La matière physique est très importante ». Ses textes sont remplis d’indications sur les mouvements et sont finalement une partition à deux niveaux : l’une pour la voix, l’autre pour le corps. Ses soutiens viennent souvent plus du monde de la danse que du monde du théâtre, et elle est souvent entourée de danseurs pour ses représentations. Elle s’intéresse également beaucoup au rendu sonore de ses textes : « Les voix faut qu’elles sonnent. », confiant qu’elle s’isole pour prononcer ses textes afin de vérifier qu’ils ont la sonorité attendue.

La pièce jouée à Mettre en scène à Rennes du jeudi 7 au vendredi 9 novembre est Carne. Un titre choisi car il provenait de l’expression « vieille carne ». « C’est une volonté de ma part de revenir aux racines, à quelque chose de plus animal », explique Sandrine Roche. La pièce est un diptyque qui s’inspire directement de deux moments de la vie de l’artiste. Un voyage en Iran qui l’a marqué et puis sa rencontre avec un mode de vie totalement différent. En effet, de retour à Paris après ce long voyage en Perse, elle se retrouve confrontée à la lutte de l’association Don Quichotte pour le droit au logement. Un des protagonistes de cette lutte avait improvisé un véritable appartement à ciel ouvert dans un parc parisien, sous une affiche de Marilyn Monroe. Le décalage entre le SDF et l’icône sexy rendait l’image puissante. Elle s’en empare pour l’écriture de Carne. C’est autour de ces deux histoires que se joue la pièce.

Pour la mise en scène de Carne au théâtre de la Paillette, Sandrine Roche s’est entourée de musiciens. Eric Doria l’accompagne pour former un duo scénique. Quant au compositeur Fred Costa, il a apporté sa vision très musicale de l’écriture pour donner au texte une dimension plus lyrique. Carne est une pièce très noire, d’ailleurs Sandrine Roche confie qu’au départ elle ne l’aimait pas. « J’ai appris à l’aimer grâce au travail des autres sur mon texte. »

L’artiste n’en revient toujours pas d’être programmée à Mettre en scène. « Une aventure improbable. C’est la première fois que j’ai de l’argent pour payer les répétitions. » Dans la continuité de ce beau succès, Neuf petites filles est également programmé au TNB en avril. Sandrine Roche n’en oublie pas pour autant d’où elle vient et livre une vision très critique de l’état du monde du spectacle. Elle reproche le peu de prise en compte des œuvres nouvellement créées et une vision faussement moderniste, voire réellement passéiste du théâtre. En France, personne ne soutient les artistes avant qu’il n’ait fait leurs preuves à moins qu’ils soient épaulés par des réseaux institutionnels. Elle conclut par ce constat un soupçon saumâtre : « Aujourd’hui pour se lancer dans le spectacle, il faut vraiment y croire. » Sandrine Roche, pour sa part, a bien fait d’y croire.

 Le résultat est à voir jusqu’à vendredi dans le cadre de Mettre en scène ; quant à Neuf petites filles, la pièce est programmé mois d’avril 2013 au TNB. A ne pas manquer.

CARNE
partition pour voix, cordes et semples, texte, mise en scène Sandrine Roche

RÉSERVER CE SPECTACLE

par téléphone au 02 99 31 12 31
et à la billetterie du TNB
Informations générales
Théâtre La Paillette, durée 1h10
jeudi 07 novembre 2013 à 21:00
vendredi 08 novembre 2013 à 21:30
samedi 09 novembre 2013 à 21:00

 

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