CIVILIZATIONS, D’UN Z LAURENT BINET REFAIT L’HISTOIRE

Professeur de lettres, Laurent Binet fait une entrée fracassante en littérature avec son premier roman, HHhH (Grasset, 2010, Prix Goncourt du premier roman) et ce n’est que le début de nombreuses récompenses. Méritées, car l’auteur communique son plaisir d’écrire à ses lecteurs grâce à une liberté d’expression, des thèmes originaux, un ton humoristique allié à une profondeur de réflexion.

BINET CIVILIZATIONS

Civilizations n’échappe pas à la règle. Avec cette uchronie, Laurent Binet s’amuse à refaire l’histoire du XVIe siècle en faisant débarquer les Incas en Europe, contrariant au préalable la découverte de Christophe Colomb.

Le roman se compose de quatre parties de longueur inégale. Tout d’abord, nous partons pour une courte saga islandaise avec Freydis, fille de Viking, partant toujours plus au sud jusqu’à faire naufrage en Amérique du Sud. Ce qui explique pourquoi les Indiens se retrouvent un peu mieux armés pour recevoir Christophe Colomb.

Christophe Colomb
Dessin de Jan van der Straet 1575

La seconde partie regroupe des extraits de son journal, une histoire un peu différente où le conquistador finit ses jours, prisonnier du roi Taïnos, Cahonaboa, enseignant le castillan à sa fille, Higuénamota.

Atahualpa
Atahualpa a été le dernier grand empereur Inca légitime. Il fut attrapé et exécuté par le conquistador Francisco Pizarro. Portrait d’Atahualpa. Musée national d’archéologie, d’anthropologie et d’histoire du Pérou

Nous entrons alors dans le coeur du sujet avec la troisième partie qui compose les trois-quart du roman, Les chroniques d’Atahualpa.
Dans l’empire des quatre quartiers, le territoire des Incas, Huascar siège à Cuzco. Il déclare la guerre à son demi-frère, Atahualpa qui règne sur les territoires du nord. Huascar, jaloux et sanguinaire, repousse l’armée de son frère toujours plus au nord. Atahualpa trouve refuge à Cuba. Là, il récupère les deux bateaux laissés par Christophe Colomb pour faire route vers le Portugal, accompagné d’Higuénamota.

L’axe du monde n’était-il pas en train de se déporter ?

Atahualpa, adorateur du dieu Soleil débarque dans un pays ravagé, en pleine Inquisition. Qui sont ces tondus qui, au nom du dieu cloué, persécute les hérétiques ?

Grâce au commerce avec l’empire des quatre quartiers, à la force de son armée qui capture Charles Quint, sa tolérance envers toutes les religions, tant qu’on vénère le Soleil, Atahualpa devient populaire et régent du royaume d’Espagne.

La sagesse d’un païen, s’il est guidé par Dieu, quand bien même à son insu, peut faire davantage pour l’humanité qu’un chrétien assoiffé de sang.

Guerres de religion, début du capitalisme, réforme de Luther, Atahualpa part à la conquête de l’Europe jalousant le titre d’Empereur impérial à Ferdinand de Habsbourg. Un empire qu’Atahualpa devra ensuite partager avec les Mexicains débarqués en Normandie puis installés à Bordeaux.

Cervantes Civilizations

La dernière partie raconte un épisode de Cervantes fuyant l’Espagne, condamné pour une aventure avec une femme mariée. Durant la bataille de Lépante, il fraternise avec un Grec, élève du Titien. Ils trouvent refuge au château de Michel de Montaigne. Cervantes tombe amoureux de la femme de Montaigne et les trois amis discutent de religion en étudiant les livres qui content les métissages des souverains entre Européens, Incas et Mexicains.

L’imagination, nourrie des grandes étapes de notre Histoire, n’a pas de limite pour cet écrivain qui noircit des feuilles qui parlent. Avec lui, on s’amuse de la naïveté de ces guerriers incas qui refont le monde à leur manière. Inutile de vous dire que l’on ne s’ennuie pas une seconde et que sous l’aventure et l’amusement, il y a aussi matière à réfléchir.

C’est la porte qui s’ouvre enfin à cette Europe de tolérance dont nous désespérions et, peut-être même, si Dieu le veut, la voie vers la paix universelle.

Civilizations de Laurent Binet, parution le 14 août 2019 aux Éditions Grasset, 384 pages, Prix : 22 euros, EAN : 9782246813095

LAURENT BINET

 

Laurent Binet est l’auteur de HHhH (Grasset, 2010 – prix Goncourt du  premier roman) et de La septième fonction du langage (Grasset, 2015, prix du roman Fnac, prix Interallié). Il a été professeur de lettres pendant dix ans en Seine-Saint-Denis.

 

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Marie-Anne Sburlino
Lectrice boulimique et rédactrice de blog, je ne conçois pas un jour sans lecture. Au plaisir de partager mes découvertes.

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