Climat. Pourquoi le dépassement des +1,5°C est une alarme et non un simple seuil

2643
réchauffement climatique

Un nouveau rapport accablant de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), publié le 28 mai 2025, vient confirmer ce que la communauté scientifique redoute depuis plusieurs années : nous avons 86 % de chances que l’une des cinq prochaines années franchisse le seuil symbolique de +1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle. Et 70 % de probabilités que toutes les années de 2025 à 2029 s’inscrivent au-dessus de ce seuil. La trajectoire actuelle ne laisse aucun doute : la planète s’éloigne rapidement de ses engagements climatiques. Mais ce que ces chiffres annoncent, ce ne sont pas des courbes : ce sont des conséquences humaines, écologiques et géopolitiques d’une ampleur inédite.

Un seuil non politique, mais physique

La barre des +1,5°C, fixée lors de l’Accord de Paris, n’est pas une lubie diplomatique. Elle marque un point de bascule pour de nombreux écosystèmes. À +1,5°C, certaines régions connaîtront déjà une multiplication des vagues de chaleur mortelles, une réduction drastique des rendements agricoles, une acidification accrue des océans, et un effondrement irréversible des récifs coralliens tropicaux. Et au-delà, les effets s’aggravent exponentiellement : à +2°C, des centaines de millions de personnes seront exposées à la pauvreté climatique, à la migration forcée, aux pénuries d’eau et à l’instabilité politique liée aux ressources.

2023-2024 : des années de tous les records

L’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée, avec une anomalie de température allant jusqu’à +1,41°C selon les estimations de l’OMM. Les océans ont connu des températures record, les glaciers suisses et alpins ont fondu de manière dramatique, et les incendies ont ravagé le Canada, l’Australie et l’Amazonie. Le rythme d’accélération est alarmant : ces événements extrêmes sont désormais plus fréquents, plus intenses, plus étendus… et moins prévisibles.

Les “limites planétaires” déjà franchies

Le dépassement du seuil de 1,5°C ne doit pas être vu comme un futur lointain mais comme une alerte immédiate. Selon le Stockholm Resilience Centre, six des neuf “limites planétaires” ont déjà été franchies, notamment celles concernant le climat, la biosphère et les cycles biogéochimiques. Le dépassement de ces seuils crée des boucles de rétroaction : plus la planète se réchauffe, plus elle libère de gaz à effet de serre (permafrost, forêts brûlées, océans saturés), accélérant encore le processus.

Réduire les émissions ou subir l’irréparable

Les scientifiques insistent : il est encore temps d’agir, mais la fenêtre d’opportunité se referme rapidement. Pour rester sous les +1,5°C de manière structurelle, il faudrait réduire nos émissions mondiales de gaz à effet de serre de 43 % d’ici à 2030 (par rapport à 2019). Pourtant, les émissions continuent d’augmenter en 2025, tirées par les énergies fossiles, le transport aérien, et la surconsommation globale.

Vers une adaptation forcée ?

Face à l’inaction politique généralisée, le monde glisse lentement vers une logique d’adaptation forcée : renforcer les digues, climatiser les bâtiments, déplacer des populations, modifier les cultures agricoles… Mais ces stratégies, souvent coûteuses et inégalement accessibles, ne remplacent pas une réelle réduction des causes. Pire, elles renforcent parfois les inégalités entre Nord et Sud, riches et pauvres, urbains et ruraux.

La vigilance scientifique comme boussole collective

Le rôle des scientifiques, face à cette dérive, reste fondamental : alerter, mesurer, modéliser, proposer. Leurs rapports ne doivent pas rester lettre morte. Chaque dixième de degré compte. Et chaque année perdue rend l’effort plus difficile. L’appel lancé par l’OMM en mai 2025 est une injonction à la lucidité collective : l’avenir climatique se joue maintenant, pas dans vingt ans.

Pour aller plus loin :

  • Organisation météorologique mondiale (2025) – Rapport sur l’état du climat mondial.
  • GIEC – Rapport de synthèse 2023.
  • Stockholm Resilience Centre – Planetary Boundaries Framework, 2023 update.

Eudoxie Trofimenko
Et par le pouvoir d’un mot, Je recommence ma vie, Je suis née pour te connaître, Pour te nommer, Liberté. Gloire à l'Ukraine ! Vive la France ! Vive l'Europe démocratique, humaniste et solidaire !