Le film C’est magnifique de Clovis Cornillac sort en salle le 1er juin 2022 bien que le tournage se soit achevé en 2019. La talentueuse et délicieuse Alice Pol est la complice à l’écran du réalisateur qui incarne également le personnage principal, Pierre, petit prince adulte des temps modernes. Clovis Cornillac n’avait pas pensé initialement à jouer le rôle lui-même. Le résultat est plus que bluffant.
Clovic Cornillac est venue la semaine dernière au contact du public dans les salles bretonnes. Avec la même passion qu’il nourrit pour la réalisation depuis sa première expérience avec Un peu, beaucoup, aveuglément, en 2015. Les amateurs de films rares auront aussi apprécié sa présence aux côtés de Bouli Lanners dans L’ombre d’un message.
« Je ne fais pas du cinéma pour rester dans ma cave. Ce qui m’anime, c’est le partage avec l’idée que pour faire passer l’essentiel, tout est langage. Rien ne justifie le cynisme sinon cette posture prise dans certains cercles comme s’il fallait être condescendant, négatif, agressif, pour exister socialement.» Clovis Cornillac
Son long-métrage C’est magnifique est aux antipodes d’un cinéma du réel qui se voudrait miroir des travers du genre humain, parfois dans ses pires excès. Le film ne tombe pas pour autant dans l’excès inverse. Il n’échappe pas au monde réel, là où la tentation de recourir à la fable ou au conte aurait pu être une option. La fantaisie pour Clovis Cornillac se goûte avec la même délicatesse qu’un miel à la fleur d’hibiscus cultivée dans les sommets alpins de son Pierre. Ce n’est pas le réel le problème, mais notre regard.
Pierre est cet autre, différent, étrange, décalé, ni poète, ni d’ici ni d’ailleurs, et pourtant tout cela à la fois. C’est aussi cette figure symbolique de cette part d’intime ou d’enfance en nous qui ne trouve plus à s’exprimer quand elle est cadenassée dans des relations sociales formatées par la compétition, la productivité, le statut, l’argent.
La vieillesse, c’est quand les regrets prennent plus de place que les rêves, répond à Alice Pol une des femmes que Pierre croise sur sa route. Et dans le silence qui suit, sur ce visage respirant de simplicité et de générosité, accueillant, bienveillant, tout est dit.
Ce travail de composition nous happe pendant tout le film C’est magnifique dans un rythme assumé, souvent drôle, avec un regard qui ne se veut ni outrancièrement décalé, distancié, ni critique voire moralisateur. L’ensemble fonctionne avec justesse, légèreté.
Clovis Cornillac tient son cap en partageant un parti pris autour de la différence, de la bienveillance, avec pour prétexte un choc culturel sans qu’il soit besoin d’aller chercher la figure de l’étranger, ou d’une minorité maltraitée. Pierre n’a d’autre handicap que son innocence créative adaptée au monde vivant, celui des fleurs et des abeilles, d’heures qui s’écoulent à leur rythme, mais inopérante quand le destin l’amène à Lyon.
Le tout est pesé dans un subtil équilibre qui se passe de bavardage et de superflu. Sans être sobre, le film nous renvoie à une forme de dénuement joyeux et généreux, calme, simple, lumineux. Une histoire d’essentiel avant que l’actualité postérieure au tournage de C’est magnifique ne mette ce terme sur le devant de la scène (au sens figuré, puisque scènes, écrans, spectacles, librairies, étaient relégués comme non essentiels).
Le récit narratif laisse toute sa place à ce qui fait cinéma : ambiances, situations, personnages croqués dans leur singularité sans jamais tomber dans la caricature ou le burlesque, du mouvement. Des trouvailles, de la poésie, de la retenue pour mieux laisser parler l’énergie propre à l’écoute. Et quelques belles pépites.
Comme toujours au cinéma, la musique occupe une place de choix aux côtés du jeu des acteurs et du travail des équipes techniques.
La musique dans le film C’est magnifique s’étale déjà en gros sur l’affiche. Les différentes versions de la chanson qui donne son nom au long métrage nous accompagnent bien après avoir quitté la salle obscure, emportant dans nos « la la la » des images du film et des sensations agréables.
Cet air populaire, Clovis Cornillac l’a entendu à l’âge de 10-11 ans sur un disque de Dario Moréno après avoir découvert l’artiste dans un vieux film en noir et blanc des années 50 Oh que Mambo !. Depuis, C’est magnifique fait partie de la bande son originale de sa vie jusqu’à donner aujourd’hui sa couleur swing et généreuse au propos du réalisateur qui a passé la cinquantaine.
Les morceaux créés pour C’est magnifique sont signés par Guillaume Roussel, installé à Los Angeles depuis qu’il a eu l’opportunité de rejoindre Hans Zimmer, la référence en matière de musique de film, et sa pépinière de jeunes talents triés sur le volet.
Au détour de la discussion pour Unidivers au cinéma Rex de Pontivy, en amont de l’avant-première, Clovis Cornillac a évoqué le tournage d’un de ses prochains films dans le Morbihan. « C’est bath ! », dirait Pierre. Va falloir être un peu patient pour savoir ce que le réalisateur a déjà couché sur le papier pour aller au bout de ce nouveau projet. M’enfin, c’est vrai que la Bretagne, c’est magnifique.*
C’est magnifique, de Clovis Cornillac. Avec Clovis Cornillac, Alice Pol, Manon Lemoine.
En salle le 1 juin 2022 / 1 h 37 min / Comédie, Fantastique