L’homme et l’animal, c’est le titre – et plus qu’un titre – le sujet passionnant du cycle ouvert en janvier aux Champs libres de Rennes. Conférences, projections, débats, ateliers, de nombreux rendez-vous pour questionner les relations et les responsabilités. L’occasion, à travers une série d’articles, de poser les jalons de ce débat qui, bien qu’ancien, ne fait que commencer…
(2e des 3 parties consacrées au cycle des Champs libres L’homme et l’animal, question éthique avec Élisabeth de Fontenay et Georges Chapouthier.)
Homme, animal : éthique et dérives contemporaines
L’éloignement radical

Cependant, nous vivons une époque dans laquelle le lien entre les hommes et les animaux d’élevage (de même que celui avec les animaux sauvages) est rompu, et où la domination et l’exploitation ont pris une ampleur sans précédent. Alors que l’abattage industriel atteint des paroxysmes d’abomination, trop nombreux sont ceux qui préfèrent ignorer ce que sous-tend la consommation de hamburgers et autres foies gras. Ces horreurs sont une véritable « irresponsabilité vis-à-vis de notre proximité et parenté avec le monde animal, avec les subjectivités animales », s’indigne Élisabeth de Fontenay. « Il faut bien prendre acte que nous sommes marqués en France par nos traditions culinaires […] Étant donné que nous sommes un pays catholique et latin, nous sommes beaucoup plus obtus par rapport à la question que ne le sont les pays anglo-saxons. Ce n’est pas le cas pour l’Autriche, qui pourtant est catholique, mais c’est vrai pour les Espagnols, les Portugais, les Français et les Italiens, qui sont effroyables par rapport aux animaux. Ils choquent les autres pays d’Europe. » Une bien belle illustration est le cas des poussins broyés, dénoncé par l’association L214.
Comparer l’abattage industriel aux camps d’extermination ?
Le parallèle avec la Shoah est volontiers établi par de nombreux défenseurs de la cause animale, surtout parmi les anti-spécistes. Une comparaison à avancer avec énormément de réserves toutefois : « L’industrialisation au niveau de l’élevage est ce contre quoi il faut se battre de toutes les façons en étant végétarien ou végétalien – en effet, on tue par exemple des veaux pour pouvoir prendre le lait, ce qui une douleur terrible pour la vache. Ce qui est très intéressant, c’est que tous les grands écrivains et penseurs juifs de la deuxième moitié du Xxème siècle ont fait des comparaisons eux-mêmes avec l’abattage industriel », explique Élisabeth de Fontenay, faisant ainsi référence à Adorno (Juif allemand) et à Vassili Grossman.

« On a un cœur ou on n’en a pas » : respecter l’humain, c’est respecter l’animal

