England’s hidden reverse retrace l’histoire de Whitehouse, Nurse With Wound, Current 93, Coil, ces projets musicaux qui ont pour point commun majeur d’être anglais et d’être devenus, au fil des ans et des créations, des références majeures d’une culture musicale avant-gardiste et populaire (au sens social). Quelques noms qui sont les pivots de ce maelstrom borderline, souvent provocateur, créatif à l’infini…


Bien avant l’explosion punk et ses contorsions nihilistes il existait des pionniers de la musique déstructurée, du jeu trouble avec les images comme processus de contrôle, des performances artistiques brouillant les frontières entre avant-garde et sous-culture populaire exprimant et exorcisant ce « cœur noir »… C’est ce genre d’artistes que regroupait Coum Transmissions, « collectif de performance artistique conçu comme une cellule de guérilla médiatique par Genesis P-Orridge… » (p. 39)
C’est autour de ce personnage charismatique et extrême (futur fondateur de Psychic TV et de son Temple of thee Psychic Youth) que nombre des agitateurs de la scène underground prolifique des années 80-90 vont évoluer et se rencontrer. Car Coum Transmissions « limitait » l’audience au public des galeries d’art, aux passionnés d’événements étranges… Avec la création en 1975 de Throbbing Gristle puis du label Industrial music for industrial people, Genesis P-Orridge et quelques autres allaient révolutionner la manière de faire et surtout de penser la musique…

La lumière – l’illumination – vient de l’obscurité, non pas de l’éclairage électrique. Je pense que la société chrétienne n’a pas compris cela. On pense que dès que la Grande-Bretagne s’éclaire, elle devient un lieu plus sûr – si tu peux la voir, tu peux la capturer, la contrôler – et c’est complètement faux. C’est le contraire. Si nous plongeons dans l’obscurité, tout le monde sera sauvé. (John Balance, Coil, p. 17)

C’est de cet athanor artistique que vont émerger des styles, des éléments de langages, des référents symboliques qui continuent à irriguer certaines franges de la culture musicale underground actuelle. Néo-folk, dark folk, apocalyptic folk (Current 93, Death in June, Sol Invictus, Fire+Ice…) quel que soit les termes, émergent et s’affinent en côtoyant les pionniers de la noise (Throbbing Gristle, Whitehouse), du collage bruitiste , de la réactivation du kraut rock et du rock progressif le plus obscur (Nurse with Wound). Le projet Coil restant à ce titre le plus emblématique en pratiquant un art alchimique de l’amalgame sublimatoire.
C’est cette histoire peu commune que retrace England’s hidden reverse, l’histoire contemporaine de cette face cachée de l’Angleterre dont les racines remontent à bien avant les années Tatcher. 
La musique industrielle et noise dans ses formes les plus abouties est au final une rédemption. Elle représente la descente implacable dans les ombres souterraines de notre passé, dans les abysses de nos désirs sexuels aveugles, dans les profondeurs de nos peurs, de nos terreurs cachées et de la violence terrible et de l’insignifiance de notre existence quotidienne. Et tout comme dans le mythe où la déesse de la beauté, de l’amour, de la guerre et du sexe, Ishtar, ressurgit du monde souterrain, peut-être pouvons-nous nous-mêmes, en tant qu’humains, sauver cette étincelle de beauté et d’espoir, nous tenant, sans peur aucune, dans nos propres territoires obscurs. (David Keenan, p. 20)
Entaché par des polémiques sur son objectivité lors de sa parution en Grande-Bretagne (certains intervenants regrettant l’importance accordée à la vision des événements de David Tibet de Current 93, d’autres évoquant les distorsions ou les indiscrétions de l’auteur…) England’s hidden reverse demeure pour le lectorat français un guide, agréable, et une source d’informations utiles sur un vaste mouvement. Lequel, polymorphe et changeant ne pourra guère être avant longtemps un sujet traité de manière encyclopédique.

Quant on lit Erik Orsenna, ses romans, ses opus sur la grammaire et la langue, ses essais (l’eau, le coton, le papier) ses récits sur la mer, on peut penser que le « Portrait d’un homme heureux » c’est le sien!!!!