DÉRACINÉS, UN RECUEIL DE NOUVELLES SUR L’EXIL

« 7 auteur.e.s dont un homme » ont accepté de penser, réfléchir et travailler le thème de l’exil afin d’aboutir à treize nouvelles regroupées dans le recueil Déracinés paru aux Éditions Goater. Le nom de l’ouvrage évoque ce sentiment partagé par Gaëtan, Elsa, Hilina, Naïma, Mariam ou Christine : des « étrangers déracinés […] qui peuvent reprendre racine dans une autre terre » (p.128).

Les 13 nouvelles du recueil Déracinés mettent en lumière des moments de vie partagés ou solitaires, des personnages qui vivent et ressentent l’exil. Chacune des nouvelles est l’occasion d’une compréhension de ce qui rend un exil subjectif, particulier et souvent douloureux pour les personnages. Rennes, la Bretagne, Dublin et la Méditerranée deviennent des lieux de la mémoire où l’on recherche ses racines familiales, l’amour, une vie meilleure ou des souvenirs de chez soi. Le résultat, un recueil de nouvelles vivant et singulier qui vous plonge dans les yeux de ceux qui vivent l’exil, en sont les témoins ou retrouvent la mémoire de l’avoir vécu.

La réalisation de ce recueil de 167 pages résulte d’une double intelligence, individuelle et collective : grâce à l’atelier d’écriture Ille Elles, les auteur.e.s se sont rencontrés puis régulièrement réunis afin d’œuvrer ensemble sur leurs propres textes, s’offrant ainsi à une critique constructive leur permettant de cerner au mieux les sentiments complexes liés à l’exil. Leurs écrits rendent compte de ce phénomène dans toute sa largeur, abordant aussi bien l’exil loin de chez soi que l’exil que l’on peut ressentir auprès des siens.

Peut-être ne suis-je pas né au bon endroit. On se serait trompé à la naissance, une erreur de livraison. Peut-être aurais-je dû naître ailleurs, dans un pays plus vaste où les villes s’enroulent dans un dédale de ruelles sans nom ni plaques inutiles d’hommes oubliés. J’ai longtemps cru que c’était pour tout le monde ainsi, un sentiment étrange de ne pas être à ma place. Depuis toujours. (p.9) Etrangeté, Dominique Alba

Les tranches de vie qui nous sont racontées nous offrent une vision du quotidien de l’exil. L’écriture subtile de certaines nouvelles souligne l’impossibilité du retour chez soi et amène à l’imbrication des paysages de là-bas et d’ici, des vestiges personnels d’hier et d’aujourd’hui. Derrière ces récits, on retrouve souvent la question du souvenir et l’évocation de la mémoire du passé. Il est parfois difficile pour les personnages de se remémorer. Dans certains cas, l’exil lui-même est refoulé, notamment chez Christine dans « Une femme d’intérieure » de Thérèse Testot. Parfois il est extériorisé pour y survivre comme pour Hamid dans la nouvelle éponyme de Norbert Maudet.

Les rencontres apparaissent comme des moments clés de l’œuvre, la façon par laquelle les exilés se créent de nouveaux souvenirs ou par le biais desquels le passé ressurgit. Dans « Ailleurs » de Michelle Anne, c’est la proximité lexicale entre le prénom d’Anna, amie rennaise du personnage principal, et d’Awa, une amie malienne, qui ramène le héros à ses souvenirs du Mali. Parfois déconcertantes, d’autres fois revitalisantes, les rencontres permettent aux personnages d’évoluer, de se questionner sur leur exil et leurs conséquences et les poussent parfois à agir dans le but d’y mettre fin.

À l’heure où des milliers de migrants tentent de traverser des mers ou des montagnes au péril de leurs vies, il est important de souligner le lien de certaines nouvelles avec ces réalités ainsi que la dimension parfois politique du recueil. Dans « Partir » de Thérèse Testot, l’histoire d’Hilina, passagère clandestine des bateaux de fortune de la Méditerranée, trouve une résonance particulière avec la situation actuelle, nous permettant de ressentir ne serait-ce qu’une infime part de l’angoisse de ces exilés. L’exil prend également une dimension politique lorsqu’il est question des difficultés que chacun peut rencontrer à le vivre au sein de nos sociétés. Les préjugés, le racisme ou la xénophobie sont des thèmes sous-jacents de certaines nouvelles, comme « Étrangeté » de Dominique Alba ou « Naïma » de Françoise Tyrant : « la vie ici n’est pas toujours facile : trouver du travail, se faire respecter, faire oublier sa couleur de peau… » (p.128) Déracinés permet d’épouser les visions de ceux qui vivent l’exil, de partager leurs expériences fictives et subjectives, mais plus que jamais porteuses de sens.

La lecture de Déracinés est accessible à tous d’abord grâce à l’écriture fluide des auteur.e.s et à l’imaginaire partagé entre les personnages et les lecteurs. Il est question de lieux bretons, de rues ou de places de Rennes qui parleront à ceux qui y vivent, y ont vécu ou connaissent la ville et sa région…

Déracinés, Dominique Alba, Michelle Anne, Annie Gautier, Norbert Maudet, Mona, Thérèse Testot et Françoise Tyrant, Éditions Goater, Collection Littérature, mai 2017, 167 pages, 13 €.

Éditions Goater
12 rue Gaston Tardif – 35000 Rennes
jeanmariegoater[@]no-log.org

DÉRACINÉS GOATER

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Laura Brassier
Laura Brassier est étudiante en 3e année à Sc. Po. Elle réalise son stage de web-journalisme à Unidivers.

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