De Nicolas Winding Refn (Etats-Unis), avec : Ryan Gosling, Bryan Cranston, Carey Mulligan, Ron Perlman – 1h38. Un jeune homme solitaire, « The Driver », conduit le jour à Hollywood pour le cinéma en tant que cascadeur et la nuit pour des truands. Ultra professionnel et peu bavard, il a son propre code de conduite. Jamais il n’a pris part aux crimes de ses employeurs autrement qu’en conduisant – et au volant, il est le meilleur ! Shannon, le manager qui lui décroche tous ses contrats, propose à Bernie Rose, un malfrat notoire, d’investir dans un véhicule pour que son poulain puisse affronter les circuits de stock-car professionnels. Celui-ci accepte mais impose son associé, Nino, dans le projet. C’est alors que la route du pilote croise celle d’Irène et de son jeune fils. Pour la première fois de sa vie, il n’est plus seul. Lorsque le mari d’Irène sort de prison et se retrouve enrôlé de force dans un braquage pour s’acquitter d’une dette, il décide pourtant de lui venir en aide. L’expédition tourne mal… Doublé par ses commanditaires, et obsédé par les risques qui pèsent sur Irène, il n’a dès lors pas d’autre alternative que de les traquer un à un… Voilà deux avis divergents sur le film : Nicolas et Ice.
Nous avions beaucoup apprécié la trilogie de Pusher du réalisateur danois Nicolas Winding Refn : une étonnante plongée réaliste et crue dans les bas-fonds de Copenhague et de ses gangsters locaux ou en provenance des Balkans (âme sensible s’abstenir ; notamment, la scène de découpe dans le troisième volet est rude). Valhalla rising nous avait laissé un peu circonspect, une conjugaison de Terence Malick et Werner Herzog peu convaincante. Mais là, oui ça marche. Imaginez une fusion réussie des univers de Reservoir dogs, Dexter et In the Mood for love – voilà le champ stylistique de Drive. Certes, il y a quelques longueurs, mais la relation sentimentale des héros et héroïne se déploie avec subtilité et, surtout, un souffle réaliste (d’une profonde violence sociale et psychologique) anime ce polar américain. Paradoxalement, ce réalisme souffle d’une telle manière que l’aspect fictif s’en retrouve renforcé – le spectateur se retrouve ainsi dans une dimension intermédiaire qui couple réalité et fiction. Cette dimension nous laisse croire que Drive va rapidement devenir un classique du polar américain de cette dernière décennie. A ne pas manquer. Pas avant 16 ans.
Nicolas Roberti
Selon beaucoup de cinéphiles, ce fut un des films phare de la fin 2011. Mais parfois il faut savoir raison garder et prendre le temps de comprendre l’engouement et de penser tant à la forme qu’au fond.
Sur le fond, il s’agit d’un film de genre, c’est à dire un film de braquage avec des voitures. Oh, je vous vois venir, vous trouvez cela réducteur de mettre Drive dans la même catgorie que 60s Chrono ou le premier Fast and Furious ou encore Le Transporteur, pour ne citer que les plus récents. On pourait élargir à Bullit ou à L’or se barre (The Italian Job) repris plus tard dans Braquage à l’italienne mais est-ce forcément mieux ? Car l’un des problèmes de ce film est son sujet plutôt basique : Un mystérieux conducteur spécialiste des braquages qui pour l’amour d’une femme va aider le mari de celle-ci à rembourser une dette de prison et … Aucune surprise : cela tourne mal et sent le coup monté.
L’autre problématique du film est de savoir ce que l’on vient chercher au cinéma. Certains diront simplement de la distraction, d’autres du rêve et d’autres de l’émotion…. et j’en passe. De ce point de vue là, Drive ne remplit pas toutes ces fonctions. Pour la distraction, il est plutôt lent, sur un faux rythme, pour mieux mettre en valeur la poursuite de voiture. Celui qui attend ce moment s’endormira (véridique, il y en a ….) car le film ne suit pas la forme des films de voitures modernes déjà cités. Pour le rêve, on ne peut pas dire que Ryan Gossling fasse rêver beaucoup de monde (si si, je vous assure, j’ai interrogé des spécialistes féminines ) avec son air de anti-héros, même s’il joue très bien l’impassibilité et le mystère. Pour l’émotion, on ne peut pas dire que ce soit le but du film et c’est plus dans la violence que l’on ressent l’émotion avec même un sentiment de malaise lorsque le héros frappe et menace une jeune femme coupable de trahison.
Le film aurait pu rester une simple série B si le réalisateur n’avait pas soigné la forme (pour le coup, il mérite son prix de la mise en scène à Cannes). Il la soigne tout d’abord par la photo, pas trop saturée ni retouchée tout en mettant en valeur le visage des acteurs. Il soigne également la musique qui n’est pas sans rappeler l’ambiance de la série Miami Vice, chère aux années 80 de Michael Mann. Mélant pop et electro, elle donne une atmosphère branchée mais beaucoup moins clipesque que son modèle du fait du rythme plus lent. Car le secret du film est dans ce rythme. La recette est parfaite pour retranscrire la tension de l’attente pendant le braquage. La rupture de rythme après le braquage est une bonne trouvaille également. Mais le problème vient aussi de ce que le spectateur a le temps de réfléchir à l’intrigue et donc voit arriver bien à l’avance le coup fourré. N’attendez donc aucun suspens de ce film au scénario simpliste.
Si le héros intrigue, on ne sait rien de son passé, de ses failles mais on devine qu’il y a quelque chose. Le film n’apportera rien sur le sujet et la fin du film en rajouterait même. Au final, on ne peut nier que le film est un ovni dans sa catégorie. Mais pour celui qui recherche plus le fond que la forme, il reste décevant. Par ce manque d’émotion, cette froideur et cette lenteur il se fait une place à part, à rapprocher parfois du cinéma hongkongais lorsqu’il ne sombre pas dans l’hyperviolence. Du déjà vu dirions nous mais c’est très rare dans le cinéma américain. Pas sur donc que l’histoire du cinéma en retienne grand chose dans 20 ou 30 ans (un peu comme Bullit qui reste célèbre pour sa poursuite) contrairement à d’autres petits chefs d’oeuvres du cinéma de genre.
Ice