Détours, premier EP d’Écho Fantôme : le souffle de la coldwave rennaise

2990
Cyril et JB d'Echo fantôme
Cyril et JB d'Echo fantôme

Il arrive que la musique naisse dans un hall d’immeuble, un ascenseur, un quartier en chantier. Avec Détours, premier EP du duo rennais Écho Fantôme, la coldwave se réinvente au coin de la rue Baud-Chardonnet, quelque part entre les ombres urbaines et les reflets d’un fleuve à marée basse, voire sec… Une musique qui sent le bitume humide, la solitude des grandes barres, mais aussi la beauté fragile d’une lumière au néon vacillante.

Formé en 2024, le duo composé de Cyril (chant, guitare, textes) et JB (basse, claviers, programmation) fait une entrée remarquée sur la scène post-punk et synthétique française. Leur univers : un mélange de rythmes minimaux et de textures brumeuses, traversé de tensions sourdes et de surgissements mélodiques. Avec Détours, ils livrent un premier essai aussi concis que cohérent : quatre morceaux, dix-sept minutes, et un monde qui prend forme.

Tout est parti d’une conversation d’ascenseur dans un immeuble de Baud-Chardonnet, ce nouveau quartier rennais en plein essor. Deux voisins, Cyril et JB, se découvrent une fascination commune pour les musiques sombres et sensibles, celles qui font danser la larme à l’œil.

De cette rencontre naît Écho Fantôme, duo de coldwave vaporeuse aux accents électroniques, porté par une esthétique à la fois mélancolique et physique. Une musique de contrastes, où s’agrègent ténèbres synthétiques et lueurs post-punk, influences eighties et sensibilité contemporaine.

Cyril (chant, guitare, textes), passé par le groupe Hall21, place Interpol, Bowie, The Soft Moon ou Suède parmi ses repères intimes. JB (basse, claviers, chœurs, programmation),
puise dans les brumes numériques de Depeche Mode, Boy Harsher, Cold Cave, etpartage aussi le goût du minimalisme tendu de Martin Dupont ou Deux.

rennes Echo fantôme

La force du projet Détours tient à cette capacité rare à créer une atmosphère immersive dès les premières secondes.  

L’EP démare avec « Wicked Game », reprise inattendue du tube de Chris Isaak, ici totalement réécrite : ralentie, fantomatique, comme filtrée à travers un brouillard industriel. Un hommage paradoxal, qui fait émerger une sensualité nouvelle dans un paysage de ruines.

« Blanc Bleu » évoque des entrepôts désaffectés, des souvenirs confus de fête et de fuite. Le morceau déploie une boucle hypnotique sur laquelle la voix de Cyril, à la fois fragile et affirmée, vient tracer ses contours — comme un cri contenu dans une cathédrale de béton. La filiation avec des figures comme Martin Dupont ou KaS Product est là, bien sûr, mais Écho Fantôme ne tombe jamais dans la citation facile : il s’agit d’une réappropriation sensible, urbaine, actuelle.

« Je me relève la nuit » est sans doute le morceau le plus personnel : tempo plus lent, progression lente et angoissée, et un texte d’une simplicité désarmante. Le morceau joue sur les non-dits, les tensions intimes, les vertiges du réveil nocturne. Enfin, « Deux vies » clôt l’EP sur un motif plus lumineux, presque dansant — une boucle qui hésite entre libération et renoncement. Comme si les deux fantômes du titre trouvaient enfin à cohabiter.

Ce qui frappe, au fond, c’est la justesse du ton. Loin des poses trop sombres ou des affects surjoués, Écho Fantôme réussit à capter l’humeur d’un temps, d’une génération quadragénaire lucide et marquée par la fatigue mais encore debout. La production est sobre, tendue, parfois rugueuse, mais toujours au service du propos. Une musique des nuits blanches et de l’écoute mutuelle.

En autoproduisant leur premier EP, en assumant un ancrage local fort (Rennes, ses mutations, ses marges), Jb et Cyril signent une œuvre honnête qui devrait résonner chez tous ceux qui aiment les formes hybrides entre synthèse et émotion brute. Détours n’est pas une simple déambulation musicale, c’est une trajectoire passée à l’acte.

À écouter ici : https://linktr.ee/echofantome
En concert le 11, 12 et 13 septembre 2025 (Dinan, Rennes, Baud)