2013. Déjà 4 ans que le 42 école atypique fondée par Xavier Niel (Iliad/free) et Nicolas Sadirac (Epitech/Webacademie) a ouvert ses portes à Paris. Trois ans plus tard, leur deuxième école ouvrait à Frémont en Californie, ville toute proche de la fameuse Silicon Valley. Les prérequis ? Avoir entre 18 et 30 ans, être ultra-motivés, aimer le travail collaboratif, avoir été présélectionnés sur internet, ne pas avoir coulé dans la « piscine » et pouvoir se loger à proximité de l’école pendant la durée de sa formation.
A l’école 42, il n’y a pas de sélection par l’argent ou les diplômes : ce qui compte est non seulement la motivation des étudiants, mais aussi leur intelligence et leur créativité (parfois en sommeil depuis longtemps). Une intelligence « hors-norme » qui a parfois mené ces étudiants à une exclusion du système scolaire traditionnel. En un mot, une école atypique pour des cerveaux neuro-atypiques.
On peut être en échec scolaire et pourtant correspondre à ce qui est un génie en informatique. On peut ne pas avoir le bac et pourtant devenir le développeur le plus brillant de sa génération. Xavier Niel
Le campus Heart of Code a donc ouvert ses portes en 2013 dans le 17e arrondissement parisien grâce au travail conjoint de Xavier Niel et Nicolas Sadirac, lequel n’est en pas à son coup d’essai puisqu’il est le fondateur d’Epitech (payante) et de la Webacadémie (gratuite). Accessible en permanence, le campus est à la fois lieu d’apprentissage et de vie pour chacun des étudiants de l’école 42. L’amphithéâtre et les salles informatiques côtoient ainsi les salles de jeux vidéo, de billard… La double dimension du campus répond à la volonté de révolutionner la conception de l’école et de l’enseignement. Plus d’horaire fixe ni de présence obligatoire aux cours. Tous organisent leur vie estudiantine selon leurs possibilités et leurs choix durant les trois années de formation : une durée estimative qui sera adaptée à chaque étudiant et à son potentiel, plus courte pour certains, plus longue pour d’autres. Les modules d’apprentissage de l’école 42 sont pensés à la manière d’un jeu vidéo, chaque niveau réussi ouvrant l’accès au niveau supérieur.
Le numérique va nous permettre d’intégrer tous les profils. C’est souvent parmi les jeunes qui ne sont pas reconnus par le système actuel (les « ascolaires ») que l’on trouve les talents les plus importants. Aujourd’hui les qualités pour réussir dans le monde du numérique sont différentes de celles validées par le système scolaire traditionnel. Nicolas Sadirac
L’école le 42 se distingue par la pédagogie qu’elle soutient : elle repose sur le peer-to-peer learning ainsi que par l’individualisation de l’apprentissage. Il convient, d’une part, de partager ses connaissances (les étudiants doivent s’aider, s’évaluer, s’instruire réciproquement) tout en progressant à son propre rythme ; d’autre part, laisser libre cours à sa créativité pour résoudre les problèmes rencontrés. Les projets que chacun mène sont évalués par d’autres étudiants. Cinq grands thèmes sont au programme de l’école le 42, chacun se divise ensuite en différentes compétences que les élèves doivent travailler et développer au cours de leurs années de formation. Chaque élève module les compétences qu’il souhaite développer et l’ordre par lequel il désire les acquérir. On retrouve, bien évidemment, du code et de la programmation avec pour objectif de faire réfléchir les étudiants sur des algorithmes susceptibles de faire fonctionner des applications de jeu. Ils travaillent également sur la création et le fonctionnement des réseaux numériques, des clouds, des virus afin de comprendre et sécuriser ces infrastructures. À côté, les thématiques de l’innovation, de l’entrepreneuriat et de l’expression personnelle sont aussi abordées afin d’aider au mieux les développeurs de demain.
A travers cette pédagogie se dessine une volonté d’adapter le contenu de l’enseignement à l’étudiant et non l’inverse, mais aussi de favoriser la créativité, l’autonomie ou encore la réactivité, qualités indispensables dans le domaine du numérique. Xavier Niel, Président de l’école 42, insiste particulièrement sur cette volonté d’innover en terme d’éducation : « Il fallait changer les choses, envisager un mode de formation différent et abandonner la structure classique de l’enseignement tel qu’il est fait en France ».
Les compétences propres à chacun sont les moteurs de l’école. Aucun diplôme, formation ou connaissance n’est exigé, seule une limite d’âge de 18 à 30 ans restreint les candidatures ainsi qu’un pré-test sur internet qui ressemblent fort aux tests de logique utilisés dans les tests de QI (dès 2013 il y a eu 70000 préinscriptions). Les 3000 candidats ainsi sélectionnés passent ensuite les épreuves de la “piscine” lors de 3 sessions différentes. Durant un mois, jour après jour, tous sont confrontés à des exercices qui sont par la suite évalués par d’autres candidats (et vice-versa) afin d’analyser le potentiel de chacun. Cette période permet également aux étudiants de saisir le mode de fonctionnement spécifique de l’école. À l’issue de ce mois, c’est plus ou moins 1/3 des participants de chaque piscine qui intègre l’école selon la direction de l’école 42. Certains ne sont pas admissibles, d’autres choisissent de ne pas intégrer l’école, celle-ci ne répondant pas à leurs attentes ou à leurs façons de travailler.
L’ambition derrière la pédagogie développée par l’école 42 peut être mise en lien avec les études récentes portant sur l’échec scolaire. Nombre d’entre elles démontrent que trop d’élèves avec de hauts potentiels intellectuels sont en difficulté dans le système français, voire souffrent de phobie scolaire. Selon la psychologue et psychothérapeute Jeanne Siaud-Facchin (l’enfant surdoué, l’aider à grandir, l’aider à réussir, Editions Odile Jacob), près de 45% de ceux qu’elle nomme “les zèbres” redoublent et 20% n’obtiennent aucun baccalauréat. Par sa pédagogie centrée sur l’étudiant et ses réelles capacités (et non ses notes ou son passé scolaire), la formation proposée par le 42 permet à ces élèves de développer leur potentiel en leur redonnant confiance. Il s’agit en contrepoint d’apporter aux entreprises du numérique des ressources ou des compétences dont elles ont réellement besoin.
La formation de l’école 42 est donc axée sur les métiers du numérique. Ce choix résulte des réalités du marché du travail, mais aussi des compétences spécifiques de Xavier Niel qui, depuis plus de 15 ans, est un acteur essentiel dans ce domaine. Selon l’équipe de l’école, le marché du numérique est en pleine effervescence ; pourtant, la France ne forme pas assez de développeurs. Miser sur le numérique est un pari sur le long terme afin de former des professionnels qualifiés susceptibles de pouvoir innover et assurer la pérennité de la croissance économique française.
La formation est véritablement tournée vers le milieu de l’emploi et l’insertion professionnelle. À deux voire trois reprises au cours de leur cursus, les étudiants réalisent des stages au sein d’entreprises. Ils sont également invités à mettre en œuvre des projets liés à des sociétés existantes. Cette spécificité démarque l’école 42 des formations proposées dans les universités françaises. De qualité, ces dernières ne sont cependant pas toujours suffisamment tournées vers le milieu professionnel et peinent parfois à répondre aux besoins réels.
Après la formation
Aujourd’hui, le 42 ne délivre pas de diplôme d’État, un choix parfaitement assumé par les cofondateurs Xavier Niel et Nicolas Sadirac. Un contrat avec l’Etat serait contre-productif puisqu’il signifierait des contraintes pédagogiques et un enseignement classique. Pour autant, les compétences que les élèves développent au sein de l’école sont reconnues par les professionnels du secteur et c’est cela l’essentiel. Nombreux sont les témoignages des “anciens” de l’école 42 sur internet qui vantent les mérites de l’école et décrivent leur embauche rapide. Cette année, la plateforme informatique ludique CodinGame a évalué les performances de 13 000 étudiants issus de 700 écoles. Résultats les élèves du 42 ont été les plus performants. On attend avec impatience les résultats des étudiants américains de l’école 42. Voici le classement des 15 premiers :
1. Le 42, Paris
2. Ensimag, Grenoble
3. INSA, Toulouse
4. University of West Bohemia Pilsen, République tchèque
5. RWTH University Aachen, Allemagne
6. University of Wroclaw Wroclaw, Pologne
7. ENS Cachan Paris
8. North Carolina State University Raleigh, USA
9. Kano Saules Gimnaziya Kaunas, Lituanie
10. Polytechnique Montréal, Canada
11. Tokyo institute of technology Tokyo, Japon
12. Universität zu Lübeck Lübec, Allemagne
13. UTCN Cluj-Napoca Cluj-Napoca, Roumanie
14. Belarusian State University Minsk, Biélorussie
15. San Jose State University San Jose, USA
On laissera le mot de la fin à cet ancien de l’école 42 au pseudo de GodOfMacro résumant son expérience :
Tu ne peux pas connaître tes limites avant de les avoir atteintes, GodOfMacro (6’50 environ)
https://www.youtube.com/watch?v=yiHCf4vApZ4
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Toutes les infos :
- Pour la France, il faut se préinscrire ici.
- Les prochaines dates des “piscines” ici.
- Projet d’extension (logements, épicerie solidaire etc ..) ici.
- Recherche de logements proches de l’école ici.
- Pour les États-Unis, c’est par là.
Les illustrations de cet article viennent de l’excellent blog de Chloé sur la zébritude avec son aimable autorisation.
Mais au fait, pourquoi ce nom d’école le 42 ? (cliquez sur l’image ou trouvez tout seul…)
Un article signé Caroline Morice et Laura Brassier.