Érik Orsenna s’est rendu à Saint-Pol-de-Léon afin de donner une conférence dans le cadre des célébrations du 50e anniversaire de Kerisnel (groupement de producteurs de plantes d’ornement du Léon). Le moment opportun pour livrer aux lecteurs d’Unidivers les raisons de sa relation heureuse avec la Bretagne… et les plantes ! Rencontre avec un homme heureux.


Érik Orsenna – Ah non, pas du tout ! Je maintiens. Quand la Chambord de mes parents dépassait Rennes sur la RN 12, je respirais mieux. Pourtant, je n’ai pas de sang breton, mais s’il est une région envers laquelle j’ai une dette, c’est la Bretagne.
U. – De quel genre de dette parlez-vous ?

U. – Avec qui vous avez écrit un « Salut au Grand Sud »…


U. – Revenons sur la terre ferme, et racontez-nous la raison de votre présence à Kerisnel pour les 50 ans de la coopérative éponyme.

Érik Orsenna – Plusieurs facteurs l’expliquent. Tout d’abord, lorsque j’étais conseiller culturel de François Mitterrand, j’ai eu du mal à convaincre les architectes qu’il fallait une articulation entre le bâti et le vivant. Vous imaginez le château de Versailles sans son parc ? Il se trouve que par un heureux hasard de la vie administrative, j’ai été élu à la présidence de l’École du Paysage de Versailles. Quel plaisir de visiter le Potager du Roy avec son directeur – il s’est bien fichu de moi quand il a vu ma surprise à propos des poiriers qui se greffent sur des cognassiers ! J’ai découvert les vertus écologiques, économiques et philosophiques du jardin et décidé de m’engager auprès des professionnels des jardins et du paysage, à travers le Cercle Cité verte et dans l’interprofession avec Val’hor.
U. – Un écrivain académicien qui passe au vert, ce n’est pas banal.

U. – Vous êtes un homme qui cultive plusieurs jardins…
Érik Orsenna – Je suis avant tout un citoyen qui voyage et qui observe. Le jardin nécessite deux valeurs essentielles : l’humilité et l’obstination. Quel bonheur j’ai eu à transformer mon lopin de

terre proche de l’estuaire du Trieux (après avoir visité mes voisins de Kerdalo, de Pellinec…) ! J’ai compris qu’un jardin, c’est une histoire ; une plante, un personnage. Il faut être du côté de la nature tout en la forçant. Voilà pourquoi André Le Nôtre me fascine. Avec Louis XIV, il a écrit le plus grand livre du monde – mille hectares – le roman du Soleil incarné. La seule histoire occidentale qui impressionnait Quian Long, l’empereur de Chine, le créateur du Jardin de la Transparence parfaite.

Érik Orsenna – Louis XIV le voyait comme çà ! Et moi aussi.
