Dans le cadre de sa thématique de saison “Faire Corps”, l’Antipode accueille Juliette Mancini pour l’exposition Éveils, une sélection de planches originales de sa BD éponyme ainsi qu’une série de gravures et de sérigraphies. Divers ateliers auront également lieu au cours de cet événement à découvrir du 8 février au 7 mars 2024. Rencontre avec l’illustratrice.
Juliette Mancini est autrice de bandes dessinées, illustratrice et éditrice de la revue Bien, monsieur. Issue d’une formation de graphiste à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs à Paris, l’artiste a toujours souhaité raconter des histoires. Son premier ouvrage De la chevalerie (2021) ainsi que son second, éveils (2021), sont parus aux éditions Atrabile. Ses récits se démarquent par leurs traits figuratifs, parfois remplis de symbolique. En replongeant dans ses dessins d’enfance dans le cadre d’une rencontre pour la maison Fumetti à Nantes, l’illustratrice s’amuse à décrire un de ses vieux dessins redécouvert : « J’avais fait une forme au crayon noir, sur une grande feuille et j’avais intitulé ce dessin “Mickey” ». Peut-être y décèle-t-on déjà l’imaginaire de Juliette Mancini ?
La BD éveils donne son titre à l’exposition qui aura lieu à l’Antipode du 8 février au 7 mars 2024. Cet ouvrage est une analyse non-chronologique illustrant aux crayons de couleur les moments déterminants du trajet d’une jeune fille ; des « révélations » précise Juliette Mancini. On devine la silhouette de la dessinatrice dans celle du personnage principal qui nous narre avec douceur et pudeur son récit autobiographique. « À la base, j’écrivais à la première personne sauf qu’à un moment, ça m’a bloquée : ça me semblait trop intime, parce que j’avais du mal à me décaler par rapport à cette histoire », se rappelle Juilette Mancini. Ce n’est donc pas le « je » qui nous dépeint ces histoires, mais le « tu ».
« Paradoxalement, ça m’a permis de dire des choses beaucoup plus intimes. J’ai pu écrire ce que je n’arrivais pas à énoncer à la première personne et en dire davantage sur moi, ou en tout cas sur le personnage à différents moments de sa vie, tout en me sentant plus en dehors ».
Juliette Mancini
Dans éveils, les corps, notamment le corps féminin, sont au cœur du récit et dialoguent avec notre perception des autres et de nous-mêmes. Aussi la thématique « faire corps » choisie cette année par l’Antipode a-t-elle tout de suite résonné en Juliette Mancini : « Il est question d’accepter son corps, de grandir, de le voir changer, de voir les regards que peuvent poser les autres sur ce corps. Il y a aussi la question d’émancipation, de construction personnelle. “Faire corps”, c’est aussi l’idée de se regrouper, de pouvoir faire un contre-poids face à un pouvoir ». En écho à ces interprétations, l’artiste a sélectionné des planches originales de sa dernière bande dessinée ainsi que des gravures qui évoquent la vision d’un corps malade et des sérigraphies sur le thème de la mémoire, intitulées Temps morts.
Dans ses travaux, les corps dessinés ne se meuvent pas seulement suivant l’action du récit, ils se déploient suivant les impressions ressenties. « Suivant les images, je vais avoir envie de dessiner quelque chose de très réaliste ou au contraire de très symbolique », explique-t-elle.
Si les œuvres de l’illustratrice s’accordent avec « Faire corps », la manière dont Juliette Mancini s’emploie à créer ses dessins l’est aussi. Sans propos ni ordre défini à l’origine, elle use de ses crayons de couleurs, tantôt légers, tantôt nerveux, et entreprend un travail de déconstruction afin de voir émerger une idée. « Il y a un rapport finalement avec l’idée des “révélations” : je découvre le livre en même temps que je l’écris » soulève l’artiste. Dans une forme de lâcher prise, Juliette Mancini part de thématiques ou d’impressions et les explore jusqu’à ce qu’un sujet se dévoile petit à petit. S’ensuit un travail de montage et de tissage de ces morceaux dessinés.
« Dans éveils, il y a un personnage principal, mais on passe d’une époque à une autre, d’un âge à un autre, ce n’est pas du tout chronologique. Il fallait le moyen de rendre ça compréhensible pour le lecteur, que ça ne soit pas trop perturbant. Ce qui fait le lien et la structure dans éveils, ce sont plutôt les associations d’idées. »
Juliette Mancini
Des double-pages mystérieuses ponctuent également la BD de Juliette Mancini : de temps à autres, des scènes de rêves troublants apparaissent. « Ce sont des rêves que je trouvais pertinents, qui racontaient quelque chose de l’élaboration du personnage, comment – même inconsciemment – il y a des choses qui sont se transforment en lui » raisonne-t-elle. Laissant place au « je » dans une narration simple, mais aux aspects presque cauchemardesques, l’ultime rêve retire un poids des épaules du personnage ; celui de l’héritage.
Exposition Éveils à l’Antipode du 8 février au 7 mars 2024
Parvis Agnès Varda, 75 avenue Jules Maniez, Rennes 35000 / Gratuit / Informations et accès
Les mercredis discu’thé le mercredi 7 février 2024, Atelier sur l’appropriation du corps en s’inspirant de Juliette Mancini à 15h30
Création de fanzines avec Juliette Mancini le mercredi 7 février 2024 à 18h (Gratuit sur inscription)
Vernissage de l’exposition le jeudi 8 février 2024 à 18h30
Finissage de l’exposition le jeudi 7 mars, suivi du spectacle Amazones de la Compagnie Marinette Dozeville à 20h30 (Plus d’informations ici)