Le collectif Contrefeux s’est installé dans une des salles de l’Hôtel Dieu pour une exposition en co-organisation avec l’association Ad-hoc et The Roof / Origines, autour de la thématique du déplacement. Jusqu’au 23 juin 2021, l’exposition collective Déplacements présente différentes subjectivités et observe le rapport au monde et/ou aux autres ainsi qu’à l’espace de six photographes locales.
« Se déplacer, c’est se mouvoir dans l’espace, tandis que déplacer quelque chose équivaut à en modifier la position. Celui ou celle qui se déplace est ainsi mobile, mais iel est peut-être aussi, par conséquent, déplacé·e ; c’est-à-dire pas là où on l’attend, faisant autre part acte de présence intrusive ou simplement inattendue. »
À l’instar de nombreuses expositions reportées en raison de la situation sanitaire, Déplacements était initialement prévue en 2020. « Lucie Smith du Roof nous avait proposé, à Louise Quignon et moi, d’exposer nos photographies à l’Hôtel Dieu », déclare Clémence Lesné. Toutes deux photographes et membres du collectif Contrefeux, ce sont également elles qui sont en charge du nouvel l’espace dédié à la création photographique La Chambrée, avec Laurence Perron, doctorante québécoise en lettres et en sémiologie de l’image.
L’exposition a été co-organisée par The Roof / Origines et l’association Ad hod, association de doctorant·e·s et jeunes chercheur.e.s en littérature française, étrangère et comparée rattachés au CELLAM (Centre d’études des langues et littératures anciennes et modernes de l’Université Rennes 2).
Ne souhaitant pas exposer seulement leur pratique respective, les deux jeunes femmes ont pensé une exposition collective, un moyen de « se faire plaisir et s’éclater ». Pour ce faire, elles ont invité des photographes dont elles connaissaient le travail à participer au projet. « On a choisi des pratiques auxquelles nous sommes sensibles. En plus de Louise et moi, toutes sont de la région et ont une pratique photographique développée. » Seules des femmes photographes sont exposées, un élément primordial à leurs yeux, en adéquation avec les valeurs du collectif dont la sensibilité est résolument queer et féministe.
« Femmes photographes et photographiées, devant et derrière l’objectif »
Ainsi, les photos de Louise Almar, Adèle Ensior, Paulin.e Goasmat, Clémence Lesné, Louise Quignon et Eva Zimmer s’affichent dans une des salles de l’Hôtel Dieu et révèlent différentes esthétiques et subjectivités autour de la notion de déplacement. L’exposition fait suite à une journée d’étude autour de la subversion, initialement prévue à l’université Rennes 2 en 2020, mais réalisée en ligne en raison de la pandémie. « Dès les premières réunions de travail qui ont mené à la tenue de la journée d’étude Subversion, l’idée de tenir l’évènement hors des murs de l’université s’est imposée aux organisatrices », souligne Laurence Perron. « L’idée était de s’extraire en partie du cadre académique, et une exposition telle que Déplacements, qui pensait aussi la manière de bousculer les cadres (politiques et spatiaux), s’est imposée comme un choix évident de prolongement et de dialogue. »
En regardant les créations respectives, le déplacement est naturellement apparu comme le fil rouge de l’exposition. Il peut être physique ou symbolique. Tantôt photographes, tantôt photographiées, l’exposition interroge aussi la place des photographes dans la photo.
« Comment l’occupation d’un lieu peut-elle être problématique ou soulever la question d’un découpage préalable de l’espace? Comment le déplacement – de quelqu’un, de quelque chose – peut-il être productif et investi d’une charge critique ? » Le public se meut dans l’espace aux murs blancs, son regard se déplace de photographie en photographie. Il suit les errances photographiques d’Eva Zimmer, Louise Quignon et Clémence Lesné. Il observe leur traversée dans l’espace urbain, parfois vide de toute présence humaine. Puis, il s’abandonne aux corps meurtris de la série « Faits divers » d’Adèle Ensior et à ceux absorbés par l’espace privé de Louise Almar. La sobriété photographique de la série « Ipséité », de Paulin.e Goasmat, s’étale sur la totalité du mur du fond. Un mur blanc pour des portraits sur fond noir qui questionnent « le traitement du corps en tant qu’espace politique mais surtout politisé (volontairement ou non). »
L’idée de narration se profile dans chaque cliché. Chacune, avec leur sensibilité et leur subjectivité, raconte quelque chose. Chaque image possède un sens, visible ou non, interroge ou délivre un message, politique ou social. La diversité des travaux proposés, et leur engagement, se fait le reflet d’une dynamique artistique et militante bien présente à Rennes.
Laurence Philomene et Marie Rouge prochainement à la Chambrée
Le collectif Contrefeux n’a pas fini de renouveler l’offre photographique dans la capitale bretonne. Avec innovation et militantisme. Un vent estival soufflera prochainement sur le désert mauve de La Chambrée afin de laisser la place à la nouvelle exposition, à partir de juillet 2021. Cette fois, l’espace accueillera les autoportraits aux couleurs pop de la Montréalaise Laurence Philomene et les portraits de la Parisienne Marie Rouge, autour de la thématique de la transidentité. Laurence Philomene est une personne qui a commencé sa transition il y a plusieurs mois maintenant et iel a décidé de documenter son parcours trans en photo. » Depuis janvier 2019, le projet d’autoportraits autographiques « Puberty » « examine le processus intime et vital de prendre soin de soi en tant que personne transgenre non binaire subissant un traitement hormonal substitutif (THS) », comme nous pouvons le lire sur son site Internet. L’artiste célèbre ainsi la transition comme un espace d’exploration sans objectif final fixe. « On avait toutes les trois flashé sur sa pratique, notamment cette série qui était encore à ses débuts. On s’est un peu faites rêver en se disant pourquoi pas ? On l’a contacté et iel a accepté », déclare Clémence, totalement enthousiaste à l’idée de la prochaine exposition.
Cherchant à mettre deux pratiques photographiques en regard l’une de l’autre, la pratique de Laurence Philomene rencontrera celle de Marie Rouge « C’est une photographe engagée et féministe. Elle réalise des portraits studio de personnalités plus ou moins publiques qui font partie de la communauté LGBTQIA+. »
Le collectif poursuit son chemin et s’ouvre à l’international avec cette nouvelle exposition, une volonté qui avait émergé dès la création de l’espace. À n’en pas douter que le lieu, et son équipe, réserve de belles surprises photographiques aux Rennais.e.s dans les mois qui viennent.
Jusqu’au 23 juin 2021, exposition Déplacements, The Roof – Maison d’escalade (Hôtel Dieu)
INFOS PRATIQUES
2 rue de l’Hôtel Dieu, 35000 Rennes
Tous les jours de 11H à 23H
Accessibilité
Accès PMR
Métro Bus / Sainte Anne
The Roof – Maison d’escalade Rennes
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