Sous-titrée 1000 ans d’histoire au Japon, l’expo Samouraï mérite un salut pour son intérêt et un détour au château de Nantes. L’occasion de remettre vos fiches à jour sur le pays du Soleil levant. Jusqu’au 9 novembre 2014.
Source de fascination depuis un siècle et demi, quand le Japon se réouvrit à l’Occident, le samouraï fait aujourd’hui partie de notre imaginaire. Rien d’étonnant quand on découvre l’histoire de cette classe guerrière, qui a accompagné celle du pays depuis les 11e et 12e siècles et qui a produit un style spectaculaire autant que raffiné. Quand notre époque a la vision d’un guerrier violent, adepte de la mort volontaire et obéissant à un strict code moral, le bushidô (la Voie du samouraï), les grands voyageurs du 16e siècle les décrivaient comme
« des gens peu cupides et très affables… les plus nobles vous invitant chez eux pour dormir et manger, comme s’ils vous voulaient dans leur cœur ». Après ces premiers contacts, le Japon et l’Europe entretiendront des relations diplomatiques et cordiales jusqu’à la fermeture du pays en 1636. Imaginez l’intérêt produit par la réouverture des contacts au 19e siècle ! A peine créée une ambassade française en 1855, Goncourt et, dans son sillage, Millet, Rousseau, Manet, achètent des albums d’estampes japonaises. En 1867, deux armures de samouraï font sensation à l’Exposition universelle de Paris. Le Japon, désireux de se débarrasser des « vieilleries » d’une époque révolue, fait l’affaire des grandes salles de ventes qui dispersent ces trésors. Cette exposition en rassemble 450, issus de collections privées et de musées européens (au premier rang desquels la musée Guimet bien sûr, mais aussi le musée de l’armée de Paris et le musée des beaux-arts de Nancy) et également de château-musée d’Osaka et du musée Stibbert de Florence… Présentés en six séquences selon une scénographie élégante et judicieuse (signée Franck Fortecoëf) ils offrent au visiteur une déambulation axée sur deux grands axes : le temps de la guerre et le temps de la paix.
Accueilli par un guerrier en armure namban se détachant sur un disque solaire rouge, on entre dans la phase de la rencontre, initiée en 1543. La séquence 2 nous plonge dans la construction d’une classe et de sa culture en rupture avec celle de la cour impériale. Un immense paravent évoque l’épisode de la bataille de Yashima en 1185. Des rouleaux, des lames, des arcs et des flèches et une extraordinaire cuirasse de fer laqué et de soie restituent l’esprit guerrier lors de la naissance des samouraïs. La séquence 3 nous plonge dans leur âge d’or, à grand renfort d’objets, de casques et d’armures au garde-à-vous. La séquence 4 résume l’époque Edo, la pax Tokugawa qui voit le samouraï se transformer en administrateur des intérêts du seigneur. Il devient protecteur des arts, amateur de théâtre nô et pratique la Voie du thé. Son art de vivre atteint un niveau qu’un nécessaire à pique-nique en bois laqué incarne sublimement – il contient la cantine, une bouteille de saké, des coupes, des assiettes et un rangement à cure-dents ! Loin de l’anecdote, le rôle de cette « élite sous contrôle » est palpable dans une scène de parade avec une dizaine de guerriers en armure, campant sur un nuage qui marque la fragilité de cette caste.
Le glas sonne pour elle à partir des années 1860-1862. Un ordre nouveau apparaît. Vous imaginez : les gens du peuple portent désormais un nom de famille et les sabres sont interdits ! Des tentatives de rébellion sont écrasées par les forces gouvernementales. Des samouraïs posent pour la postérité dans leurs kimonos. On reste saisi devant la photo de groupe du clan Chòshû, prise par un certain Felice Beato vers 1867. La force du regard du chef perçant l’objectif tandis que celui de ses affidés converge vers un document (un plan d’attaque ?) ! Même avec leurs chignons rigolos, on se dit : respect ! Si vous avez envie de vous marrer, passez à la dernière séquence, qui décline l’usage de l’image du samouraï dans le monde moderne. Décalée avec le samouraï Chanel (si, si, il y a les deux C entrelacés !). Kitsch avec une video de ninjas en combi fluo. Tarentinesque avec un extrait de Lady Snowblood.
Manga plus que Dark Vador… Ah bien justement, c’est lui qui frime au sortir de l’expo. Banzaï !
Exposition SAMOURAÏ, 1 000 ans d’histoire du Japon. Du 28 juin au 9 novembre 2014. Château des ducs de Bretaggne, Nantes.
. Bâtiment du Harnachement. Du 28 juin au 31 août : tous les jours de 10h à 19h, Du 1er septembre au 9 novembre : du mardi au dimanche de 10h à 18h. Exposition reconnue d’intérêt national. Plein tarif : 7 € Tarif réduit : 5 €. Musée + Exposition Samouraï Plein tarif : 9 € Tarif réduit : 6 € billet couplé valable deux jours.
Catalogue
SAMOURAÏ – 1 000 ans d’histoire du Japon, par Pierre-François Souyri – ancien directeur de la Maison franco- japonaise à Tôkyô, professeur à l’université de Genève. Aux Éditions Château des ducs de Bretagne en partenariat avec les Presses universitaires de Rennes 39,50 € – 22 x 30 cm 264 pages et 260 illustrations. Tirage limité et numéroté, à 94 exemplaires, d’un ouvrage de collection Dans un format qui rappelle celui de l’estampe japonaise (ôban), il est accompagné d’une planche originale de Morii Kusuo représentant l’un des quarante-sept rônin, imprimée sur un papier traditionnel japonais produit à Arles et signée de l’artiste. Il est complété par un livre de photographies, Samouraï, autour des collections particulières. Ensemble inséré dans un coffret marqué d’une calligraphie du maître Kakushô. Imprimé sur des papiers de création italien et japonais. Façonnage intégralement réalisé à la main, en France. 249 €, 272 pages. Pierre-François SOUYRI Samouraï. 1000 ans d’histoire du Japon
Thé des samouraïs
Spécialement créé par les thés George Cannon pour l’exposition Samouraï, ce thé aux notes délicatement fleuries sur base de sencha s’inspire de la tradition japonaise du « hanami » qui signifie « regarder les fleurs » et vous transportera sous les cerisiers en fleurs, comme les Japonais ont coutume de le faire, fin mars, début avril.
Estampe
La galerie UKI-GA et L’Atelier 2728 présente une estampe co-éditée à l’occasion de l’exposition, réalisée par Beno, xylographe né en 1978. L’artiste bordelais a créé un hommage graphique aux derniers samouraïs photographiés dans les années 1860, en empruntant la technique d’impression manuelle couleur par couleur et feuille à feuille de l’ukiyo-e.