Tandis que les impatients se languissent à l’idée de pouvoir sortir dans les festivals bretons, ces derniers réparent déjà les pots cassés. D’ailleurs, nombre d’entre eux ont vu leur affiche reportée ou annulée. D’autres attendent encore des réponses.Tous vont perdre gros.
Le Covid 19 a bouleversé notre agenda 2020. Pour les festivals, c’est tout un projet qui tombe à l’eau. La première victime majeure en Bretagne : Panorama à Morlaix. Programmé du 10 au 12 avril, le festival électro a annoncé l’annulation de son édition le 6 mars. À cet instant, le gouvernement n’en était qu’à ses débuts dans ces mesures de distanciation sociale. Un temps, l’organisation a imaginé se replier dans une salle avec une capacité maximale de 800 personnes avant que la situation sanitaire se dégrade tout comme la situation économique du monde du spectacle.
Un conflit envers les assurances
Le 17 mars, La France part pour quinze jours de confinement. Dans le milieu des gestionnaires des festivals, l’inquiétude grandit. Pour ceux programmés en juin comme le Hellfest, on sait que la situation sanitaire, même si elle s’améliore d’ici là, ne sera pas pleinement rétablie. Alors on tente de faire jouer les assurances.
Mais quand celles-ci lâchent l’organisation, un nouveau problème intervient. Le Hellfest s’est retrouvé dans cette situation. Ben Barbaud, président du festival de Clisson, a souscrit, le 17 décembre 2019, à la société Albingia un contrat de 175.000€ pour pallier une potentielle annulation en cas d’épidémie.
Or, comme le confirme l’assurance le 17 avril 2020, elle refuse de faire jouer le contrat. L’équipe du festival s’en était insurgée dans un communiqué paru le 9 avril, en même temps que la confirmation de l’annulation de sa 15e édition anniversaire.
« Nous contestons évidemment cette lecture et cette prise de position. Pour Albingia la solidarité c’est pour les autres, quitte à mettre en péril économiquement leurs assurés (…). Une attitude que nous dénonçons aujourd’hui publiquement afin de faire la lumière sur ces pratiques que nous trouvons honteuses, surtout par les temps qui courent (…)
Quoiqu’il en advienne dans la suite de cette histoire, le fondateur Clissonnais estime déjà ses pertes à 2 millions d’euros.
Un casse-tête dans l’organisation
Le verdict couperet pour de nombreuses associations est proclamé par Emmanuel Macron le lundi 13 avril : « pas de grands festivals avant la mi-juillet ».
Les annonces officielles tombent. Outre le Hellfest à Clisson, pas de Tombée de la Nuit à Rennes, pas de Fête du bruit à Saint-Nolff, report de Brest 2020, pas de Bobital, pas d’Astropolis, report du festival de Cornouaille… on continue ? On en oublie plein d’autres rien que pour les mois d’avril, mai, juin et juillet.
Pour les événements du mois d’août, la guillotine pourrait aussi couper la tête du festival interceltique à Lorient, des Escales à Saint-Nazaire ou encore du Motocultor à Saint-Nolff. Dans ce festival, la préparation de la 13e édition se poursuit presque comme d’habitude nous confie son directeur et fondateur Yann Le Baraillec :
« Toutes les nouveautés que l’on veut mettre en place on le refera l’année prochaine si l’édition de 2020 est annulée. Ce ne sera pas du temps perdu ».
Il émet plusieurs hypothèses : « il se peut qu’il n’y ait aucun changement tout d’abord ». Peu de chance. Alors il envisage déjà une autre solution. « On peut imaginer un plan B avec un festival plus petit avec 5000 par jour et deux scènes au lieu de trois et faire des entrées par palier ». L’autre hypothèse serait de proposer une affiche complètement différente de celle déjà en cours de programmation.
« Beaucoup d’artistes vont annuler des tournées. L’Allemagne et la Belgique ont par exemple interdit les concerts jusqu’à la fin du mois d’août. Leur organisation est chamboulée et certains ne feront pas de déplacement pour un concert. Cela concerne surtout les groupes étrangers. On peut imaginer une affiche uniquement française.
Sa plus grande crainte serait de devoir suivre scrupuleusement les recommandations d’un conseiller de l’OMS, partagé par d’autres spécialistes qui stipulent un retour dans les festivals pas avant l’automne 2021, date à laquelle un vaccin pourrait être trouvé d’ici là. En revanche, l’OMS n’a elle rien confirmé à ce sujet.
Financièrement, le Motocultor va lui aussi perdre de l’argent. « On a payé des acomptes on est encore dans l’attente. Ça devrait se préciser en juin ». En attendant, Yann Le Baraillec espère toujours le maintien de son festival. « On ne veut pas l’annuler. Dans tous les cas j’ai besoin d’un arrêté préfectoral pour pouvoir confirmer son annulation ». Là encore pour les assurances.
Une grande solidarité et un public qui suit
Entre organisateurs on se serre les coudes. Surtout pour ceux dont le maintien de l’événement ne tient qu’à un fil. Un comité du monde du spectacle s’est d’ailleurs réuni ce lundi 20 avril pour tenter de faire face économiquement à l’épidémie. Pour soutenir l’industrie du spectacle, festivals et artistes ont appelé les spectateurs à ne pas rembourser leur billet dans la mesure du possible :
« Garde ton ticket ! » pic.twitter.com/OXzOXM4PQh
— LAST TRAIN (@BandLastTrain) March 18, 2020
Autre mouvement de solidarité, les cagnottes en ligne. Profitant de sa popularité, le Hellfest a lancé sa cagnotte à destination des soignants. Objectif atteint avec 66.666€ récoltés pour le CHU de Nantes.
Et les festivaliers dans tout ça ? Par exemple, le Hellfest ou les Charrues, tentent de reporter leur affiche à l’année suivante. Tout comme les billets. D’ailleurs, Yann Le Baraillec nous conte une amusante anecdote après l’annulation du Hellfest :
Le Motocultor est considéré comme le petit cousin du Hellfest de par sa proximité musicale et géographique. Aussi on a eu un pic de vente de billet record en avril malgré le virus.
Preuve que les festivals auront toujours leur festivalier. Mais les festivaliers auront-ils encore les mêmes festivals ?