Film Jurassic World, l’échec du cinéma à l’os

Il aura été attendu ce nouvel opus, saison, numéro, retour ou film Jurassic World. Enfin ! Le parc ouvre ses portes et les dinosaures reviennent sur les écrans. Mais 14 ans plus tard, le fallait-il vraiment ?…jurassic world

 

C’est l’histoire d’un rêve devenu réalité. Le rêve de John Hammond : offrir au monde entier le plus grand parc à thème du monde avec les créatures les plus fantastiques qui aient pu exister sur terre. Un rêve apocalyptique qui a inspiréjurassic world l’une des sagas les plus marquantes du cinéma contemporain – Jurassic Park (1993), Le Monde Perdu (1997) et Jurassic Park III (2001) – et un rêve inespéré pour les fans dont l’attente de 14 ans est enfin récompensée. Toutefois, Ian Malcolm – l’excentrique scientifique des films de Spielberg – n’aurait pas approuvé l’ouverture de ce Jurassic World  : ce nouveau, encore une fois nouveau, parc d’attractions. Et après avoir vu ce nouveau nouveau film, il bien difficile ne pas lui donner raison…

jurassic wolrdEn pratique, Jurassic World fait table rase du passé. Oubliés les petits incidents des précédents opus, les actionnaires ont décidé de réinvestir dans le projet, les scientifiques se sont remis au travail et les dinosaures repeuplent paisiblement les vastes contrées de l’autrefois redoutée Isla Nublar. Le plus grand parc à thème au monde, rien que ça ! Dans lequel on rentre comme un spectateur lambda, porté par la musique de John Williams à travers la désormais mythique porte d’entrée. Instant frisson garanti. Mais le frisson sera de toute autre nature une fois pénétré dans l’enceinte du parc
Assurément, tous les rêves de Mr. Hammond ont été réalisés. Toutes les créatures qui devaient faire le faste de son entreprise ont repris vie – brachiosaures, tricératops et consorts – pour le bonheur de tous, des plus petits comme des plus grands. À défaut dejurassic world vivre dans le meilleur des mondes, les 20000 visiteurs journaliers pénètrent ainsi dans le meilleur des parcs. Mais c’est un huis clos terriblement angoissant dans lequel on pénètre avec eux où le divertissement est devenu une fin en soi, où toute initiative a disparu, où il n’y a d’autre alternative que le spectacle suivant, la boutique de souvenirs et le restaurant. Colin Trevorrow nous offre alors ans Jurais World un parc aseptisé, minutieusement ordonné, quasi carcéral. Les attractions, les spectateurs, les membres du personnel – tous sont soigneusement dénombrés, sondés et uniformisés.

Bryce D. HowardLa directrice du parc, Claire Dearing (Bryce D. Howard), ne s’en cache pas, vantant à ses actionnaires comme aux spectateurs, de parvenir à attirer toujours plus de visiteurs, leur proposant sans cesse de nouvelles attractions ; le divertissement à tout prix, quitte à créer de toute pièce de nouvelles espèces, toujours plus surprenantes, toujours plus effrayantes. Une course à la distraction qui entraînera la perte du parc lorsque l’ultime création en date, l’Indominus Rex, échappera au contrôle de ses créateurs. Une course au divertissement qui courra aussi à la perte du film.

Un échec ? Oui. La prévisibilité du scénario n’en est pas tant la raison que l’absence d’innovation de la mise en scène. indominus rex jurassicComme pour les visiteurs de Jurassic World, le divertissement du spectateur se fera à tout prix – quitte à renoncer à l’originalité. La fascination et l’émotion ne saisissent que dans la référence explicite, si ce n’est le pillage, de l’œuvre de Spielberg ; jusqu’à reprendre plan pour plan des séquences qui nous ont fait frissonner il y a maintenant plus de vingt ans sans pour autant leur rendre leur dimension poétique et dramatique.

L’univers de Jurassic World devient vite prétexte à un film-catastrophe frénétique et impersonnel dans lequel se dilue tout le génie de Jurassic Park. L’horreur se crée, non plus dans le suspense et la dramatisation, mais dans l’exhibition de la violence du monstre. Evaporés l’insupportable tension liée aux apparitions préhistoriques comme les discours philosophiques sur le rapport de l’Homme à la nature, disparue même la fascination pour les dinosaures devenus monstres ou bêtes de foire. Il ne reste plus qu’un tourbillon chaotique, digital et surréaliste qui peine à convaincre et à faire vibrer.

Mais c’est peut-être tout l’intérêt de Jurassic World justement que de nous mettre devant l’impasse de la sérialisation cinématographique à outrance et de l’absurdité de l’industrie du blockbuster dont le parc pourrait se lire comme la métaphore, vide de tout sens si ce n’est d’un sens commercial périmé.

Jurassic World, film américain, Réalisation Colin Trevorrow
Scénario : Colin Trevorrow, Derek Connolly, Rick Jaffa, Amanda Silver
Avec : Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Vincent D’Onofrio, Omar Sy, Nick Robinson
Durée: 124 minutes, Sortie 10 juin 2015

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Thomas Moysan
Thomas Moysan est rédacteur en chef des Décloitrés, revue biannuelle de Sciences Po.

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