« Ce n’est pas un film sur quelqu’un qui meurt mais sur ceux qui restent » affirme Loïc Paillard. Pour son premier long-métrage, Les étoiles restantes qui sort au cinéma le 7 mars, le réalisateur aborde des sujets sombres avec tendresse et bienveillance dans un univers sensible et poétique.
Seul sur les toits de Paris la nuit, Alexandre (Benoît Chauvin), le personnage principal, enregistre la lecture d’un passage de Sur la route de Jack Kerouac. Seul dans une gare, il regarde les photos de son ancienne amie. « On s’est regardé pour la dernière fois, rien derrière et tout devant, comme toujours sur la route ». Amour, rupture, voyage… C’est dans une ambiance qui fait penser au slam Les voyages en train de Grand Corps Malade que commence ce premier long-métrage.
Très vite Alexandre nous évoque Xavier joué par Romain Duris dans L’auberge espagnole de Cédric Klapisch. Un travelling arrière d’Alexandre en costume, cheveux mi-longs marchant dans la rue ne peut que nous évoquer l’étudiant en voyage Erasmus de Klapisch. Cette scène n’est pas l’unique point commun entre les deux personnages. Perdu, en plein questionnement, Alexandre a fini ses études, ne semble pas avoir fait grand-chose pendant deux ans, si ce n’est aimer, et cherche un travail pour donner un semblant de stabilité à sa vie.
Alexandre représente bien une partie de la génération Y, jeunes diplômés – sur-diplômés- qui peinent à trouver du travail et un travail qui leur plaît. Ce qu’on propose à Alexandre ? Un « contrat découverte », un stage en somme ! Le jeune homme s’entraîne comme beaucoup d’autres à paraître motivé pour ces entretiens. Le petit vide de deux ans sur son curriculum vitae après ses études supérieures interroge un chargé de recrutement qui ne manquera pas de nous surprendre jusqu’à la fin du film. La répartie sincère d’Alexandre rend la scène inattendue et intéressante.
Mais en fait, pourquoi ne pas voyager ? Dans ce film, ce n’est pas tant le jeune adulte qui prône haut et fort son envie, son besoin ou même la nécessité de voyager mais son père, Patrick (Jean Fornerod), qui est malade. « Trouves-toi un truc qui te plaît au lieu d’une fiche de paie qui te dit combien de temps tu as passé à gâcher ta vie » dit-il à son fils.
Les deux hommes et le colocataire d’Alexandre, Loris (Sylvain Mossot), apparaissent comme des personnages qui font face à leurs faiblesses. Ils se battent contre leurs défauts, leurs doutes et la maladie. Les femmes, l’ancienne amie d’Alexandre et Manon (Camille Claris) donnent, elles, une image de femmes plus fortes et sûres d’elles. Manon, n’est pourtant pas dans une situation facile ni dénouée d’émotions : elle se prostitue et parle, non pas de ses clients, mais de ses patients à qui elle apporte du réconfort.
Alexandre va d’ailleurs apprendre par surprise que Manon est « l’ostéopathe » de son père et ils vont partir tous les trois en week-end au bord de la mer. Il ne va pas y avoir de conflits ou même de scènes gênantes. Les personnages sont sincères, vrais, sans artifices et respectueux. Cet intermède en Bretagne sera comme tout le film, empreint de poésie. Les couleurs pastel d’une balade sur la plage accompagnée d’une bande-son de Soko est un réel appel à la rêverie.
La jolie Camille Claris, dans le rôle de Manon sublime le film par son charme naturel, son air innocent qui cache un passé quelque peu compliqué. Loic Paillard arrive à rendre les scènes dans un supermarché poétiques. Et un instant, avec son bonnet, ses cheveux bruns et le rouge qui dessinent ses lèvres nous avons l’impression de voir Norah Jones dans My Blueberry Nights, sauf que nous sommes avec Manon et Alexandre dans un supermarché parisien.
Le film provoque tristesse et nostalgie mais le rire est également largement présent dans ce long-métrage. La musique participe à rendre des scènes magiques comme lorsque Loris et Alexandre parlent de la prostitution en écoutant la comptine « Les petits poissons dans l’eau ». L’absurdité et le décalage avec la réalité nous font souvent vraiment sourire.
Loris, le colocataire complètement perché d’Alexandre tient un rôle important dans la dimension humoristique de ce film. Il ne cesse de nous surprendre dans des scènes improbables toutes aussi drôles les unes que les autres. A la fois touchants et attachants, Loris et la voisine des trentenaires, Mathilde (Marica Soyer), rendent le film aussi délirant que drôle.
Les étoiles restantes aborde des sujets violents de façon libre, sincère et onirique. Ce film parle ainsi aux jeunes face aux réalités du marché du travail aujourd’hui et en quête de sens. Les thèmes universels des relations père-fils et des relations amoureuses seront des thèmes qui toucheront tous les publics adultes. Loïc Paillard pose ainsi délicatement sa caméra sur ses personnages, transformant à certains moments son film en un clip indie pop, oscillant parfois entre slam et rap. Un film séduisant.
Film Les étoiles restantes, Loïc Paillard, Sortie le 7 mars 2018, durée : 1h20, avec Benoît Chauvin Camille Claris, Jean Fornerod, Sylvain Mossot, Marica Soyer, Zack Zublena, Clément De Dadelsen, Etienne Beydon, Ludovic Berthillot.