Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain présentait ses premières impressions sur divers films en compétition du festival de Cannes 2018. Résumé en forme de toile.
Mes films préférés
- En compétition officielle : Le Livre d’image de Godard, Une affaire de famille de Hirokazu Kore-Eda, Burning de Lee Chang-dong, Leto de Kirill Serebrennikov, Capharnaüm de Nadine Labaki.
Dans une moindre mesure : Trois visages de Jafar Panahi, Yomeddine de A.B. Shawky, Cold War de Pawel Pawlikowski, Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré, Ayka de Sergey Dvortsevoy. - Hors compétition : The House that Jack built de Lars Von Trier.
Dans une moindre mesure : Le Grand bal de Laëtitia Carton. - A Un certain regard : Un grand voyage vers la nuit de Gang Bi.
Dans une moindre mesure : Girl de Lukas Dhont, Mon tissu préféré de Gaya Jiji, Sofia de Meyem Benm’Barek, Manto de Nandita Das. - A Cannes Classics : Les Diamants de la nuit de Jan Nemec.
Dans une moindre mesure : Cinq et la peau de Pierre Rissient. - A la Quinzaine des réalisateurs : The Pluto moment de Zhang Ming.
Dans une moindre mesure : Les Oiseaux de passage de Cristina Gallego et Ciro Guerra, Amin de Philippe Faucon, Miraï ma petite sœur de Mamoru Hosoda, Mon cher enfant de Mohamed Ben Attia, The Load de Ognjen Glavonic. - A la Semaine de la critique : Woman at war de Benedikt Erlingsson, Monsieur de Rohena Gera, Chris the Swiss de Anja Kofmel, Nos batailles de Guillaume Senez.
- A l’ACID : Seule à mon mariage de Marta Bergman et Dans la terrible jungle de Caroline Capelle et Ombline Ley.
Mes prédilections sont allées nettement à des films d’origine d’asiatique (Chine, Japon, Corée du sud, Inde, Iran), a fortiori si l’on ajoute les films venus de Russie ou du Moyen-Orient. Et encore, je n’ai pas vu les films de Ryusuke Hamaguchi, Jian Zhang-ke, Wang Bing… Je ne crois pas que ce soit un hasard, une simple affaire de goût personnel.
Le cinéma américain était peu présent dans les différentes sélections à Cannes et, même si je n’ai pas vu le Spike Lee, aucun film venu des Etats-Unis n’a pour moi surnagé. Under the Silver Lake en compétition officielle me paraît emblématique d’une certaine impasse d’un cinéma « post-moderne ». Deux hypothèses possibles, différemment préoccupantes : soit le festival de Cannes n’a pas pu attirer cette année les meilleurs films américains, soit il n’y a plus de bons films américains, les talents se déplaçant vers les séries, les jeux vidéo, la réalité virtuelle…
En dehors de l’ovni godardien, j’ai vu de bons films français et européens, mais d’une manière générale, m’a-t-il semblé, pas au niveau des meilleures productions asiatiques. J’ai relevé dans plusieurs films européens, comme Woman at war, Le Grand bal, Heureux comme Lazare, Un violent désir de bonheur, In my room…, une petite tendance – peut-être encore peu convaincante, mais insistante – à explorer des tentatives d’utopies ou dystopies communautaires à l’écart du grand « lien social ».
Les films que je n’ai pas vus
Il est impossible de tout voir à Cannes. Je n’ai donc pas vu Everybody Knows de Asghar Farhadi, Ash is purest white de Jia Zhnag-ke, Blackklansman de Spike Lee, Asako 1 & 2 de Ryusuke Hamaguchi, En guerre de Stéphane Brizé, Le Poirier sauvage de Nuri Bilge Ceylan, L’Homme qui tua Don Quichotte de Terry Gilliam, Les Ames mortes de Wang Bing. Pas plus que la plupart des films primés dans les sections parallèles : Gräns (Border) d’Ali Abbasi, Les Morts et les autres de Joao Salaviza et Renée Nader Messora à Un certain regard, Climax de Gaspar Noë, En liberté de Pierre Salvadori, Troppa Grazia de Gianni Zanasi à la Quinzaine des réalisateurs, Diamantino de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt et Sauvage de Camille Vidal-Naquet à la Semaine de la critique. Pas non plus Gueule d’ange de Vanessa Filho, Leave no trace de Debra Granik, Shéhérazade de Jean-Bernard Marlin et beaucoup d’autres films.
Les films que j’ai mal vus.
Il est très difficile de se fier à ses premières impressions. L’enchaînement des séances a tendance à aiguiser l’attention mais aussi à exagérer les emballements et les rejets. La perception d’un film peut évidemment s’affiner ou se modifier avec le temps, après discussions avec d’autres spectateurs, lectures de critiques plus élaborées, etc. Déjà avec le recul de quelques jours je me dis que j’ai peut-être surestimé certains films comme Les Oiseaux de passage, Mirai ma petite sœur, Woman at war… Je serais sans doute plus réservé aussi vis-à-vis du film Plaire de Christophe Honoré (décidément, il continue à m’irriter) qui vaut surtout pour moi par ses acteurs, en premier lieu Vincent Lacoste. Inversement, j’ai sans doute été trop sévère sur Heureux comme Lazare d’Alice Rohrwacher et plusieurs films de la sélection de l’ACID, comme Un désir violent de bonheur.