Des vacances à Stromboli, cela vous fait rêver? Mais attention, avec un peu plus de dix personnages sur une île pas tout à fait déserte, le nouveau roman de Gilles Paris, Le Bal des cendres, peut se révéler aussi noir qu’un certain livre d’Agatha Christie. Surtout quand le volcan se réveille, charriant dans son sillage toute la noirceur de son âme.
Nous sommes à l’hôtel Strongyle, un établissement géré par un Français, Guillaume et sa fille adolescente, Giulia. Avec Mathéo, son ami de l’époque des commandos armés, Guillaume a racheté l’hôtel aux parents de sa femme, prénommée elle aussi Giulia. Celle-ci a disparu à la naissance de sa fille. Guillaume ne parle jamais d’elle, il la dit morte à la naissance de leur enfant, il n’a gardé aucune photo. Si Giulia en souffre, elle affiche toujours sa bonne humeur et réserve à chaque client un mot gentil.
L’adolescente de quinze ans discute souvent avec Thomas, un photographe éploré depuis la disparition de son amant en mer. C’est avec lui qu’elle monte sur les pentes du volcan confiant ce qu’elle ne peut dire à son père.
Gilles Paris construit un passé très sombre à chacun de ses personnages. Guillaume et Mathéo ont travaillé pour la direction militaire du renseignement. Ils ont tué des civils pour démanteler des réseaux terroristes. Lior, un océanographe de vingt-cinq ans est hanté par la maladie de sa mère et sa résurrection dont il est responsable. Elena, une comtesse handicapée, pense en permanence à son seul amour mort brutalement dans un accident. Ethel, une Uruguayenne, retrouve en cet hôtel son frère, longtemps interné en hôpital psychiatrique à la demande abusive de leur mère. Sevda, ancienne infirmière turque et combattante acharnée, brûle de jalousie. Son mari, un chirurgien rencontré en Serbie ne peut résister aux aventures. Quant à Abigale Cook, préférant la liberté des liaisons adultères, elle retrouve dans ce lieu paradisiaque son amant marié. Et puis, il y a Tom, un jeune garçon de dix ans qui parle à Gris, son ami imaginaire. Des locaux, comme Pippa, Gaetano ou Marco s’immiscent dans ce tableau. Mais eux aussi ont approché la mort de près.
Comme souvent dans les romans de Gilles Paris, au milieu des pierres et des mensonges, il y a la lumière de l’adolescence et de l’enfance. Giulia et Tom semblent souvent plus responsables et observateurs que leurs aînés. Malgré les mensonges ou les secrets de leurs parents, le temps n’a pu les corrompre. L’auteur sait que cette innocence, cette légèreté doivent être protégées à tout prix. Mais aussi que cette âme d’enfance est en chacun de nous et qu’il faut parfois aller la chercher pour surmonter les épreuves. L’éruption du volcan fera remonter à la surface les mystères et les peurs de chacun. À chacun de les affronter et de trouver la trajectoire pour apaiser les consciences.
Nous sommes loin d’un séjour idyllique dans une des plus belles îles éoliennes. Dans ce roman choral, certains viennent ici revivre les drames de leur passé. D’autres cherchent un refuge pour échapper aux démons de leur vie. Ils vont apprendre à se connaître, des liens vont se nouer. Alors que le volcan crache sa lave, certains se retrouvent face à la cruelle vérité et vont devoir affronter leur destin. Il faut parfois toucher le fond pour renaître et trouver un chemin vers une vie apaisée.
Plongé dans ces tragédies humaines, on en oublierait presque que nous sommes sur une île paradisiaque. Mais l’auteur connaît bien les îles et il sait nous émerveiller en évoquant les magnifiques paysages et les savoureuses spécialités locales. La magie naît de l’oeil que l’on porte sur les choses et les êtres. Et, Gilles Paris, avec ce dixième livre, nous prouve une fois de plus qu’il a le pouvoir de faire jaillir de la lumière d’un bal de cendres.
Gilles Paris travaille dans l’édition depuis trente ans. Il est l’auteur de Papa et maman sont morts (Seuil, 1991), d’Autobiographie d’une Courgette (Plon, 2002), best-seller traduit dans une douzaine de langues, d’Au pays des kangourous (Don Quichotte, 2012, récompensé par six prix littéraires) et de L’Été des lucioles (Héloïse d’Ormesson, 2014).
Le bal des cendres de Gilles Paris paru chez PLON le 7 avril 2022, 291 pages, Prix : 19 euros, EAN : 9782259311373