J’aurais bien aimé vivre au paléolithique ou même, tant qu’à faire, au néolithique. J’aurais été une femme puissante, musculeuse, généreusement poilue, dégageant une forte odeur féline et capable de briser en deux un ragondin entre le pouce et l’index. Bref, une tueuse, mais aussi une grande séductrice des cavernes obscures.
Mais voilà, je suis née bien après cette époque bénie et j’ai hérité d’un petit corps fluet et sans grande odeur.
Alors je suis devenue dame-pipi à l’Hyper des Mousquetaires. La musique de la galerie me parvient à peine aux oreilles, pareilles aux sautes légères d’un vent de printemps. J’aime les allées et venues des mâles et des femelles silencieux, pressés et bientôt soulagés. Et les odeurs ! Une vraie fête, forte et fleurie, sans cesse renouvelée. Je ferme les yeux. Le tonnerre d’une cataracte envahit la caverne. Je suis à Lascaux. Couverte de sang. Le combat a été rude. Mais nous avons tué la bête, Yargl et moi. Yargl me regarde, l’auroch à ses pieds. Dans ses yeux, la flamme du rut. Je suis prête.