J’aurais bien aimé être Picasso : la misère, la gloire. Les combats, les taureaux. Les Demoiselles d’Avignon, Guernica. Les visages torturés, les corps disloqués. Et les femmes ! Aimées, dessinées, redessinées, rejetées, oubliées, remplacées. Ah, les femmes de Picasso !
Mais je n’étais vraiment pas bon en dessin. Ni en peinture, d’ailleurs.
Alors comme j’étais plutôt habile de mes mains, j’ai eu à choisir entre la menuiserie et la chirurgie. J’aime bien le bois et le contreplaqué mais je crains par-dessus tout la scie sauteuse et la toupie. C’était décidé, je serais chirurgien. Chirurgie maxillo-faciale et plastique. Les gueules cassées pour être clair. Mais pas que, bien sûr. Je me débrouille plutôt bien, surtout avec les accidentés de la route et les sorties de boîte. Vous savez, les coups de batte de base-ball dans les prémolaires… C’est sûr, que parfois le résultat final est légèrement différent de ce que j’escomptais… À tel point que les infirmières m’appellent le Picasso du bloc. Ce n’est pas pour me déplaire.