Encore tout ému du souvenir que nous avait laissé la première édition du Grand Boum en 2023, c’est presque en courant que nous nous sommes rendus à l’Opéra de Rennes, samedi 14 juin 2025. Pour vous rafraîchir la mémoire, le Grand Boum est un rassemblement de chorales d’enfants et d’adolescents venus de tous les horizons, qui se retrouvent le temps d’un week-end pour partager et présenter leur travail.
À tout seigneur, tout honneur : c’est un bel ensemble, formé par les membres de pas moins de sept établissements scolaires bretons, qui va donner le « la » et interpréter une œuvre créée pour l’occasion par le compositeur Mathieu Lamboley. Son titre, Au chœur de l’océan, est porté avec un soin tout particulier par plus de deux cents participants, chantant, soupirant, tapant du pied, grondant même pour évoquer les bruits de la mer, qu’elle soit calme ou en furie. L’effet est saisissant : on croit entendre au loin des marins chanter dans la tempête. On ne peut que s’incliner devant une telle réussite, fruit de la volonté d’une dizaine d’enseignants motivés et de leur cheffe de chœur, Éléonore Le Lamer. Elle dirige son imposante troupe avec précision et fermeté et reçoit, à juste titre, l’ovation d’un public conquis et tendrement complice.

Le second spectacle, donné par la Maîtrise de Bretagne, nous propose Tchikidan, œuvre imaginaire d’Étienne Perruchon. L’action se déroule à Dogora, cité fictive d’Europe de l’Est qui se prépare à une fête annuelle de sept jours au cours desquels les enfants prennent le pouvoir. Le thème de l’éducation et, plus précisément, de la domination adulte traverse le livret : nombre de violences dites « mineures » sont perçues comme légitimes parce qu’exercées à des fins éducatives. Où placer la frontière ? Comment éduquer sans violence, sans sombrer pour autant dans un laxisme générateur de « sauvageons » ? Avec une belle autorité, la jeune Fanny Deterre ouvre le spectacle et lance la réflexion, aussitôt rejointe par le bouillonnant Joachim Picolli-Costa et le très appliqué Édouard Pouget-Cacault. La souriante Angèle Hervien clôt le débat… et nous invite à écouter.
La qualité du travail de la Maîtrise s’impose comme une évidence. Pendant près de quarante minutes, les choristes chantent dans une langue entièrement inventée par l’auteur — sa mémorisation relève déjà de l’exploit. Ajoutez-y une chorégraphie exigeante qui les fait changer de place, se croiser, danser : on comprend à quel point ils méritent nos chaleureux compliments. Ceux-ci vont également à leur cheffe de chœur, Maud Hamon Loisance, qui démontre avec éclat ce qu’une autorité bienveillante peut produire : nous sommes en plein dans le sujet !

Dans une esthétique un peu plus classique, le chœur de jeunes du conservatoire présente un programme intitulé « Zéphyrs, cerisiers et autres paysages du monde ». La poésie y est omniprésente ; les titres ne laissent aucun doute.
— Dans le jour naissant l’arbre se dentelle, l’arbre s’ensoleille
— Un rossignol chante la nuit entre les étoiles
— Des averses passagères comme des brumes du soir
— Autour de ma maison, des arbres dansent le long du chemin
Accompagnée au piano par Maxence Gutierrez, la cheffe de chœur Mathilde Vincent entraîne le public de l’Opéra dans une rêverie délicieuse et pleine de subtilité.
Aiguisons maintenant notre portugais : pour clore cette journée musicale mémorable, le Coro Infanto-Juvenil da Universidade de Lisboa nous assène l’estocade finale… et quelle estocade ! Cet imposant groupe de jeunes adultes offre, en bouquet final, un spectacle de niveau professionnel totalement époustouflant. Quatre siècles de musique chorale se succèdent et s’entremêlent avec une redoutable cohérence. On entend aussi bien les mélodies aériennes de Claude Debussy que la lancinante supplication du Lamento d’Arianna de Claudio Monteverdi (« Lasciatemi morire ») : c’est sublime. Érica Mandillo conduit sa jeune troupe avec brio ; la chorégraphie complexe qui accompagne la musique est hypnotique et place sans conteste l’ensemble au sommet de tout ce qui nous a été présenté ce weekend.


Vous l’aurez compris à travers ces lignes : nous avons vivement apprécié ce que le Grand Boum nous a offert. Plus qu’un concert, c’est un formidable message d’espoir : tous ces jeunes, venus d’horizons si différents, nous ont proposé quelque chose d’unique. Ils sont le ferment d’un avenir meilleur.
