Grand angle sur la Redonnaise Gwenola Furic ! Après une entrée en matière avec la Pacéenne Valérie Lesaige et la restauration de peintures, place au patrimoine photographique. Tour d’horizon avec la restauratrice Gwenola Furic.
C’est à l’arrière de sa maison sise à Redon que Gwenola Furic, restauratrice indépendante spécialisée en photographie, a installé son atelier. Dès l’entrée, les outils, étagères, livres, boites et photographies qui envahissent l’espace. « Un espace qui commence à devenir un peu petit… » avoue-t-elle avec un large sourire.
Actuellement en pleine restauration d’une œuvre d’art contemporain, Unidivers tombe à pic pour entrevoir l’étendue du champ d’action de la restauratrice et les moyens employés pour traiter le grand format, chose qui s’avère parfois fastidieuse. Sur son grand plan de travail de fortune, réalisé avec les moyens du bord, repose Écran sensible d’Alain Fleischer.
Réalisé au cours d’une performance durant l’automne 2014 à Nantes, cette oeuvre est constituée de 3 lés de papier photographique de 1,30 x 2,40 m chacun (l’œuvre mesurant 3,90 x 2,40m en son entier). Un parfait exemple du travail de Gwenola Furic qui a pour mission d’aplanir le papier gondolé et de traiter les marques d’agrafes laissées par l’accrochage. Les laisser tels quels ou les traiter pour qu’elles soient moins visibles ? « Dès qu’il y a une intervention directe sur le papier, même si ce n’est qu’un nettoyage, il y a restauration. »
Quelques précisions sur la manière de procéder dans ce cas précis nous sont livrées. Malgré les procédures assez proches, les techniques vont changer selon la spécialité. Pour la mise à plat, elle a opté pour le papier japonais et un voile de polyester. Après l’humidification, elle encolle le papier pour qu’il s’aplanisse. Une procédure longue qui peut durer plusieurs jours. Comme elle le souligne : « en restauration, chaque cas est particulier, avec une approche particulière. C’est assez drôle parce qu’on nous compare parfois à des chirurgiens. » Pour le moment, la restauration s’arrêtera là, mais le papier peut encore bouger et évoluer. La moindre intervention implique une communication entre l’artiste, l’institution et la restauratrice. Au cours de ces échanges, les meilleures solutions sont envisagées.
« Une des caractéristiques de l’art contemporain est la transgression des règles par les artistes ». Dans ce cas, du point de vue du restaurateur, comment gérer cette facette de leur démarche ? Ils doivent tout simplement composer avec. Il est déjà fascinant de voir un si grand format que celui d’Alain Fleischer sous les mains expertes de cette restauratrice, obligée de monter sur la table pour travailler convenablement, mais un projet encore plus impressionnant se profile… Travaillant essentiellement avec les institutions, elle nous apprend que sa prochaine restauration se fera directement au Musée d’Art de Nantes qui ouvre ses portes cet été. Sa collaboration régulière avec une restauratrice d’arts graphiques lui a permis de connaître les techniques adaptées à ce genre de projet.
Ce n’est pas moins de six mètres de long qui l’attendent pour la mise en place d’un système de montage destiné à soutenir le poids d’une photographie de… huit kilos. Un travail qui semble titanesque alors qu’il ne demande pourtant pas une intervention importante. Là encore, un travail collaboratif entre artiste, institution et restauratrice sera mené ; il permettra de traiter au mieux l’œuvre autant pour sa conservation que pour la démarche de l’artiste. Rendez-vous au Musée d’Art de Nantes dès le mois de juillet pour voir le résultat !
Après un tour d’horizon contemporain, Gwenola Furic dévoile une petite boite discrète où se cachent des anciens dossiers d’archives : photographies et documents d’époque. Le travail est différent ici : il demande autant de technique que de réflexion de fond. « L’un apporte vraiment à l’autre. Les deux sont importants et j’aime autant travailler l’un que l’autre. Dans toutes mes interventions, je cherche à conserver au maximum l’originalité. » Précise-t-elle.
Qu’en est-il des particuliers ? Tout le monde possède dans ses cartons d’anciennes photographies de famille usées par le temps. Pour autant, la demande est seulement ponctuelle ; les personnes entrent en contact avec elle surtout pour des photographes qui ont une valeur sentimentale. Sur le côté de son atelier, une photographie d’Anne Catherine et un portrait d’homme attendent patiemment leur tour. On retrouve là l’image que tout un chacun se fait d’une restauratrice de photo : de vieux clichés photographiques vieillis et abîmés par le temps en attente d’être soignés. De plus en plus exploités dans les institutions, il est fréquent également que des personnes lui donnent d’anciens albums. Elle les conserve soigneusement et attend le bon moment pour les sortir du placard.
« La limite entre l’artistique et le documentaire n’est parfois pas évidente » quand il s’agit de patrimoine photographique, mais une chose est sûre : il est la trace d’une histoire, d’un passé. Ce n’est pas pour rien que l’aspect ethnologique des photographiques est de plus en plus mis en valeur dans les structures. Il n’y a qu’à songer aux musées de sociétés qui intègrent de plus en plus les photos de familles dans leurs collections ou encore à la galerie des dons à la Cité de l’Immigration, à Paris, qui expose des témoignages à travers des objets de migrants, dont des photographies, afin de retracer la vie de ces témoins d’une histoire. »
Le sujet du patrimoine photographique est inépuisable. Voyez-vous ces petits clichés photographiques qui accompagnent les photos et qui sont négligemment jetés la plupart du temps ? Ils sont pourtant plus importants qu’on ne le pense. « Il faut faire prendre conscience aux particuliers que les négatifs sont en péril ». Pour cette raison, elle investit du temps dans la sauvegarde des négatifs.
Sans date précise pour le moment, un événement en lien avec ces objets photographiques aura lieu à la rentrée en Ille-et-Vilaine afin de sensibiliser le public. Une occasion de mieux comprendre ce travail passionnant qui donne une seconde vie à des clichés effacés et parfois oubliés.
À propos de Gwenola Furic:
Diplômée de l’École des Beaux-Arts de Nantes en 1994 et de l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles en 1997, Gwenola Furic affine son parcours par une formation patrimoniale avec l’ Institut National du Patrimoine de 1998 à 2002, au Département des Restaurateurs. Elle exerce en statut indépendant depuis 2003, principalement auprès des institutions patrimoniales du Grand Ouest, sur des missions de conservation préventive, de restauration ou de formation. Au-delà de son cœur de métier, sa curiosité naturelle et sa volonté de travailler de façon décloisonnée l’amènent à élargir toujours plus son champ d’intervention. Ainsi, elle fait découvrir le monde de la conservation-restauration du patrimoine en tant qu’intervenante, de l’école primaire à l’université, en passant par le grand public lors d’événements comme les Journées du Patrimoine. Elle participe activement à la réflexion sur la conservation-restauration, au sein de la FFCR (Fédération Française des professionnels de la Conservation-Restauration), dont elle est déléguée régionale, ainsi que dans la Commission Scientifique de Restauration de la DRAC des Pays de la Loire.
Infos pratiques : Gwenola Furic
29 rue du Paradet, 35600 Redon (sur rendez-vous)
Tél : 06 13 57 68 25 / Courriel : gwenola.furic[@]orange.fr
***
Retrouvez nos articles sur les restaurateurs de notre patrimoine
Valérie Lesaige, restauratrice de tableaux à Pacé
Guy Maffart ébéniste d’art à Rennes