Le procès devant la 15ᵉ chambre correctionnelle de Bobigny visait trois anciens cadres d’Ubisoft – Serge Hascoët, Tommy François, Guillaume Patrux – poursuivis pour harcèlement moral et sexuel lors de leur passage à l’entreprise entre 2012 et 2020. Initialement renvoyée, l’affaire est revenue devant la justice ; le verdict est désormais prononcé.
Verdict du 2 juillet 2025
Mercredi 2 juillet, le tribunal correctionnel de Bobigny a reconnu les trois ex‑cadres coupables et les a condamnés à des peines de prison avec sursis :
- Thomas “Tommy” François, ex‑vice‑président éditorial, a écopé de 3 ans de prison avec sursis et 30 000 € d’amende, pour harcèlement moral, sexuel et tentative d’agression sexuelle. Des faits extrêmement violents avaient été rapportés, tels que l’obligation pour une collègue de faire le poirier, l’usage d’insultes récurrentes (« bitch » ou « morue »), ou une tentative de baiser forcé lors d’un événement festif.
- Serge Hascoët, ancien directeur créatif et numéro 2, a été condamné à 18 mois de prison avec sursis et 45 000 € d’amende pour harcèlement psychologique et complicité de harcèlement sexuel. Il avait notamment imposé des tâches personnelles à ses subordonnées et tenu des propos sexistes.
- Guillaume Patrux, ex‑game director, a été condamné à 12 mois de prison avec sursis et 10 000 € d’amende pour harcèlement moral, liés à des comportements intimidants (simulations de tirs, claquement de fouet, allumage de briquet près du visage de collègues)
Un tournant juridique : l’open‑space comme terrain pénal
Les avocats des parties civiles estiment que la décision ouvre une brèche importante dans la jurisprudence : le tribunal reconnaît désormais le harcèlement sexuel environnemental comme un délit — laissant s’installer un climat toxique en entreprise peut être puni pénalement. Il ne s’agit plus de simples reproches moraux : ces comportements répétés créent une situation intimidante, hostile et offensante, qualifiée désormais comme un délit passible de sanction.
#MeToo et industrie du jeu vidéo : une lame de fond
Ce procès est perçu comme un “#MeToo” dans le monde du jeu vidéo, longtemps dominé par une culture de l’immédiateté, du « fun » et d’une structure hiérarchique très masculine. Les témoignages en France, notamment via Libération et Numérama dès 2020, avaient déjà déclenché une onde de choc. Aujourd’hui, la justice transforme ces révélations en recours effectif.
Conséquences pour Ubisoft et au‑delà
- Ubisoft : l’entreprise n’a pas été poursuivie pénalement et n’a pas publié de réaction officielle au verdict. Mais l’affaire met en exergue les failles persistantes dans la gestion interne du harcèlement.
- Culture d’entreprise : ce jugement met sous pression les directions pour renforcer les politiques DEI (diversité, équité, inclusion) et les dispositifs de prévention et de signalement au sein des entreprises.
- Juridiquement : la reconnaissance du harcèlement environnemental risque d’impulser un mouvement de fond, poussant les entreprises à agir préventivement sous peine de poursuites pour climat toxique.
À retenir
- Verdict prononcé : peines de prison avec sursis allant de 12 à 36 mois, amendes de 10 000 à 45 000 €.
- Étendue juridique : premier procès reconnu pour harcèlement environnemental en open‑space.
- Impact sociétal : possible basculement de la culture d’entreprise dans le jeu vidéo vers des environnements plus responsables.
