Dans l’univers du Rennais Antoine Bouthmy, alias Boutzer, le noir et blanc est maître : il nourrit la représentation d’un univers musical porteur d’une énergie cathartique. Jusqu’au 2 novembre, il présente l’exposition Faune dans le café du Jardin Moderne.
Comme tout enfant, Antoine Bouthmy dessinait puis a arrêté à l’adolescence. Le jeune homme de 28 ans n’a repris le crayon et la feuille blanche qu’en mars 2020, alors que la France entrait dans une période de confinement à cause de la Covid-19. À l’image d’autres personnes pour qui la création a été un échappatoire, il a pris le temps de se documenter sur cet art qu’il affectionnait particulièrement sans oser s’y plonger, en lisant des articles et en regardant des vidéos. « Je me suis dit que, si j’avais envie de continuer après le confinement, je pouvais reprendre des études dans cette voie », déclare-t-il.
Et c’est ce qu’il a fait : diplômé d’un master LEA, il ne s’épanouissait pas dans cette voie. Boutzer décide d’effectuer un service civique à la radio Canal B, où il découvre le milieu culturel ; rencontrer des personnes créatives lui donne envie de se reconnecter à sa propre créativité. Il retourne alors sur les bancs des amphithéâtres de l’Université Rennes 2, en arts plastiques cette fois. Il est aujourd’hui en deuxième année de master Design.

Un jeu de composition en noir et blanc
Si l’on s’appuie sur l’exposition Faune, au Jardin Moderne jusqu’au 2 novembre, pour comprendre l’expression plastique de Boutzer, on y décèle un amour de la musique : une exploration du noir et blanc, du clair-obscur.
« Mes premières années d’études ont été marquées par les concerts en bars », confie celui qui organise aujourd’hui des concerts avec l’association rennaise Désordre. Si cet univers festif l’intéresse, ce ne sont pas les concerts en eux-mêmes ou les groupes sur scène qu’il aime observer et représenter, mais les personnes qui font vivre l’événement, le public qui vibre au gré de la musique. « 70 % de la véritable action pendant un concert vient de ce qu’il se passe autour de la scène. » Un verre qui se renverse, des jambes qui dansent, une personne qui slalome : si cette masse humaine n’existait pas, les concerts auraient moins de saveur, quand bien même la musique est de qualité.
Le dessinateur cherche à retranscrire l’énergie cathartique des événements musicaux, ces moments suspendus où l’on ressent une liberté des corps et une émancipation du quotidien. Et surtout, ce microcosme qui se crée à la nuit tombée, le temps d’une soirée alors que les notes se réverbèrent contre les murs des salles. « Le concert, ce n’est pas seulement des musiciens sur scène. J’essaie de retranscrire visuellement une énergie sonore. »

Ses dessins naissent d’abord de la simplicité des formes. Puis, des détails viennent construire une composition contrastée où seuls règnent le noir et le blanc. Pas de nuances de gris : le clair-obscur est marqué et donne une dynamique de bande dessinée plutôt rock et underground. Les contrastes portent le propos avec vivacité et donnent du caractère aux personnages représentés.
Son travail rappelle, quelque part, les formes et le traitement de Roy Lichtenstein, mais sa référence principale n’est autre que Raymond Pettibon, artiste des années 1970-1980. « Son style est très cru, presque exclusivement fait de noir et blanc », indique Antoine. « Le fait de ne pas avoir de moyens construisait son esthétique, et je trouve ça très inspirant. »

Pour la première fois, l’illustrateur ajoute du texte à ses dessins, clin d’œil au journaliste et écrivain américain Hunter S. Thompson (auteur de Las Vegas Parano), qu’il apprécie particulièrement. « Il a un style irrévérencieux. Il écrit des articles qui rendent compte d’événements, mais il retranscrit une atmosphère plus que des faits concrets », analyse Antoine. « Quand on relit ses textes, on se rend compte qu’ils décrivent avec plus de justesse les années 1970 que bien des articles plus factuels. » Il rend hommage à ces textes inspirants en écrivant lui-même des situations décalées, « comme si elles étaient racontées des années plus tard par une personne qui exagère ».


Parallèlement à l’illustration, Antoine est également graphiste freelance. Ses deux activités se nourrissent mutuellement : là où ses illustrations s’épanouissent dans le noir et blanc, son travail de graphiste est marqué par la couleur, avec un univers où affleure toujours une légère veine punk. « Pour le graphisme, je vais chercher des imaginaires proches du fantastique et de la science-fiction. »
L’univers musical ne sera peut-être qu’une période de création de Boutzer, mais il ne manque pas d’idées. Après l’image fixe, il envisagerait volontiers de s’aventurer dans le domaine du jeu vidéo et de la création interactive, « quelque chose qui change du print pour voir ce que l’écran peut offrir ». À suivre, donc.
Infos pratiques :
Exposition Faune d’Antoine Boutzer, à découvrir jusqu’au 2 novembre, au Jardin Moderne
Rue du Manoir de Servigné, Rennes
Ouvert du mardi au vendredi, de 12h à 00h ; samedi et dimanche, de 14h à 20h
Restaurant (sur place ou à emporter) : du mardi au vendredi, de 12h à 13h45
Réservation conseillée au 02 99 14 37 24
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