Après avoir publié l’Infographie de la Rome Antique, les éditions Passés-Composés éditent une histoire révisée de la Révolution Française. Pédagogique, instructif, ludique, indispensable pour appréhender dix années qui ont changé la France et le monde.
La science historique a changé. En quelques décennies, elle a intégré de nouvelles sources, d‘autres disciplines : économie, sociologie, météorologie et beaucoup d’autres ont déconstruit le « roman national », fresque narrative d’un récit chronologique linéaire et idéal d’une nation, pour lui substituer un récit complexe, multiple, non manichéen. À cette modification du fond s’ajoute désormais une modification de la forme et cette « Infographie de la révolution française » témoigne de cette évolution. « Il ne s’agit pas d’illustrer un texte mais de permettre une autre lecture de l’histoire, à la façon d’un kaléidoscope ». Tout est dit dans cette phrase introductive sur ce livre dont la conception originale qui associe un historien reconnu, Jean-Clément Martin à un Data Design, Julien Peltier. La lecture de cet ouvrage démontre en effet combien des faits, mille fois racontés, décryptés, peuvent encore être observés sous de nouveaux angles.
La Révolution Française est complexe, multiple et de nombreux facteurs s’imbriquent les uns dans les autres. Difficile d’appréhender la globalité d’années aussi mouvementées et contradictoires. Aussi pour simplifier, depuis des décennies, chacun a raconté, retenu ce qui allait dans le sens de « son » histoire. Soboul et les historiens marxistes ont privilégié la révolution sociale, l’égalité, pendant que les historiens de droite montraient les ravages de la Terreur. À chacun son angle, son approche pour rendre le récit discontinu et multiple, cohérent et simple. À cette manière de penser, Jean-Clément Martin veut substituer la complexité des situations et donne en trois parties des clés pour appréhender ces dix années, de la convocation des États Généraux à la fin du Consulat.
Jean-Clément Martin montre ainsi combien la société se transforme bon gré mal gré et modifie, dans la violence presque toujours, la France et intervient même dans l’histoire du monde. « La marche de la Révolution », dans un récit chronologique, relate les principaux moments de cette histoire du 14 juillet à la fuite du Roi à Varennes et encore les massacres de septembre 1792. À chaque double page un texte dit l’essentiel, montrant ce qui est certain, contestable, ignoré et la mise en page décrit l’évènement en l’accompagnant de graphiques, d’illustrations de portée plus générale. Un « camembert » statistique est beaucoup plus parlant que des dizaines de lignes chiffrées, alignées les unes sur les autres. Une échelle chronologique est plus facilement mémorisée qu’un récit de plusieurs pages.
En utilisant l’infographie, ce sont des milliers de mots qui sont traduits en un coup d’oeil, mis à disposition de notre cerveau, facilitant la compréhension de l’essentiel traduit sous une forme visuelle riche et variée. Il ne faut cependant pas imaginer que cette innovation se résume à des statistiques mises en courbes. Le graphisme de Julien Peltier montre, démontre, raconte une histoire, explique comme des mots. Par des bulles occupées par des acteurs, des institutions, des évènements et disposées de bas en haut, mais aussi de gauche à droite, la vacance du pouvoir en septembre 1792 devient visuelle et permet, en un coup d’oeil, de comprendre comment les sans-culottes ont pu, pendant quelques jours, pratiquer la Terreur. Mais la chronologie ne dit pas tout et la deuxième partie est consacrée aux « Grands bouleversements » qui ont remodelé, durablement, la société française. Rôle des femmes omniprésentes puis écartées, église et déchristianisation, abolition de l’esclavage, régime de la propriété sont décrits selon les mêmes principes avant qu’une troisième partie « Rivalités et concurrences » éclaire la contre-révolution, le rôle des sans-culottes, et l’arrivée progressive de Bonaparte.
Rendre accessible et compréhensible ne signifie aucunement simplifier, édulcorer. La lecture complète permet de poser une vision globale d’une période d’une complexité imposante. Atermoiements, extrême violence, minorité et majorité, politique à court terme, fluctuante, apparaissent clairement et distinctement. La Révolution se construit au jour le jour, sans plan préétabli, sans perspectives précises. Elle s’improvise. Sans jugement de valeur, les deux auteurs nous donnent le sentiment à la fin de l’ouvrage d’être plus intelligent, ce qui peut être une illusion certes, mais une illusion agréable. Ce livre est de ceux que l’on doit laisser à portée de main, tant il est peut être pris et repris pour examiner un aspect spécifique, une période, un phénomène particulier. Remettre en ordre des évènements dispersés. Accessible à un profane comme un spécialiste, il a sa place dans toutes les bibliothèques d’amateur d’Histoire.