Dans Duo Solo – Dialogue, les Rennais Jean-Louis Coatrieux et Albert Bensoussan parlent du monde et la vie alors que celui-ci était en proie à une crise désarmante. Dans l’immatérialité d’une correspondance numérique, leur échange prend aujourd’hui la forme d’un livre, publié aux éditions Chemins de tr@verse, dans lequel le duo révèle une relation amicale authentique.
Jean-Louis Coatrieux est un homme de Sciences – chercheur spécialisé dans l’imagerie médicale numérique ; Albert Bensoussan est homme de Lettres – romancier et traducteur de l’écrivain péruvien (naturalisé espagnol) Mario Vargas Llosa, disparu le 13 avril 2025. Ces deux amis de longue date ont plus d’un point commun : ils ont tous deux été enseignants, le premier à l’Université de Rennes, le second l’espagnol à l’université Rennes 2. « Toi à l’ouest, moi à l’est, toi dans l’effervescence et l’exubérance des gens de lettres, moi enfermé dans la tranquillité et le silence de sciences », écrit Jean-Louis Coatrieux (page 47). Mais l’un des plus forts est sans nul doute cette sensibilité commune pour l’écriture, les mots tout simplement. L’un comme l’autre ont plusieurs ouvrages à leur actif et cette capacité à faire naître des histoires dans la sincérité d’un ton qui leur est propre, souvent sur la base d’une réalité transformée en fiction qui atteint les lecteurs et lectrices avec émotion.


Ces deux âmes narratives coexistent aujourd’hui dans une correspondance épistolaire débutée au printemps 2020, dans l’isolement de la pandémie du coronavirus. Quand le pays sort de l’obscurité et respire de nouveau, leur échange se poursuit pendant quatre années, quatre années portées par la sincérité d’un lien et la liberté d’un ton. « On a commencé à écrire nos impressions à être enfermés chacun chez soi, et notre dialogue a pris forme dès l’instant », souligne Albert Bensoussan. « Nous avons rassemblé pendant 4 ans ces courriels, sans en changer un mot, et les avons publiés tels quels, en introduisant des titres pour aérer le texte suivant l’orientation qu’il prenait » Si Duo Solo est né dans l’immatériel du virtuel, la connexion entre eux est quant à elle bien palpable : avec la finesse qu’ont les intellectuels, l’érudition et la pédagogie qui les caractérisent tous deux, ils parlent du monde et de ses fractures, des lumières de l’enfance, du vertige du temps, des livres, des peurs, des renaissances.
« Nous avons trop de choses à nous dire pour avoir trop tardé à nous rencontrer. Comment se fait-il d’ailleurs, qu’arpentant les mêmes rues et souvent les mêmes trottoirs de Rennes, nous ne nous soyons pas croisés dans notre jeunesse ? » (Jean-Louis Coatrieux, page 47)
La forme épistolaire rappelle les grands ouvrages qui ont marqué le genre, et même la littérature : Les Liaisons dangereuses de Laclos, La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau ou encore Lettres persanes de Montesquieu. « Il y a eu des quantités de livres fondés sur des échanges de lettres, l’un des plus célèbres étant les lettres de Madame de Sévigné. Mais nous n’avions pas cette ambition », exprime le romancier et traducteur. « Ce livre est une réflexion courante, ordinaire sur les mille et une choses de la vie quotidienne et les événements, souvent dramatiques ou tragiques qui défilaient devant nous (sur l’écran ou à la radio). »
Cet ouvrage est à l’image des deux hommes, modeste, mais riche d’un savoir qu’ils aiment partager. Quand on les connaît, on apprécie ces échanges riches qui cultive la curiosité, fasciné par cette connaissance qui semble infinie et dit beaucoup sur leurs passions pour l’humain et la culture ; on se nourrit de leurs réflexions pointues qui donnent à réfléchir sur le monde. Duo Solo, c’est au final Albert Bensoussan et Jean-Louis Coatrieux.

On entre dans l’intimité de leur relation, dans la profondeur de deux protagonistes qui se connaissent, s’écoutent et se laissent librement parler. En publiant cet échange, les deux se mettent à découvert. Se livrer sur le monde et sa vie dans l’espace réduit d’un tête-à-tête amical, c’est une manière de se confier sans crainte sur ses peurs et ses espoirs. Ne pas avoir modifié le texte et avoir conservé cette spontanéité renforcent justement l’authenticité du lien. « Chacun évoque son vécu, son enfance, son exil, les avatars de la vie. Dans l’intimité de l’échange amical, il est certain que, sans artifice et sans fards, chacun se met à nu. Après coup, nous avons bien vu à quel point chacun était sincère, mais l’amitié n’est-elle pas fondée sur cette exigence ? »
Duo Solo – Dialogue de Jean-Louis Coatrieux et Albert Bensoussan. Éditions Chemins de traverse. 230 pages. 20€. Parution : 15/05/2025
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