Jusqu’au 2 janvier 2022, le musée de Pont-Aven rend hommage à Jean Puy, artiste français mal connu, associé aux fauves et dont les toiles ne sont pas sans rappeler celles d’artistes de renom comme Matisse, Derain ou encore Manguin. L’exposition Jean Puy/Ambroise Vollard, Un Fauve et son marchand s’attarde sur sa relation avec le célèbre marchand d’art Ambroise Vollard, de 1905 à 1925.
« L’expo maudite », comme le souligne avec humour Sophie Kervran, directrice et conservatrice du musée de Pont-Aven, voit enfin le jour.
Initialement prévue à l’été 2020, Jean Puy/Ambroise Vollard, Un fauve et son marchand a été ouverte, « seulement trois semaines », au musée Joseph Déchelette à Roanne avant de combler les murs désespérément vides du musée, fermé pendant 200 jours. Les couleurs harmonieux de Jean Puy s’évadent des tableaux pour une immersion totale dans l’univers de l’artiste.
À Morlaix, en 1995, le musée des Jacobins avait rendu justice à la production des œuvres de Jean Puy sur la Bretagne, « sa seconde patrie » comme aimait le souligner son frère et critique d’art Michel Puy, avec l’exposition Jean Puy, un fauve en Bretagne. Originaire de Roanne, son jeune frère avait succombé, comme nombre d’artistes de son époque, aux côtes armoricaines. Dès 1897, le peintre revint à plusieurs reprises dans la région – Pouldu, Concarneau ou encore Belle-Île-en-mer.
Plus récemment, la rétrospective Plénitude d’un Fauve. Jean Puy, 1876-1960 (2016) au musée du château des ducs de Wurtemberg (Montbéliard) revenait quant à elle sur l’ensemble de sa carrière artistique, malgré une connaissance encore imparfaite de son œuvre.
À l’occasion du soixantième anniversaire de sa mort, le musée de Pont-Aven a décidé de saluer ce peintre injustement oublié, « qui n’a peut-être pas eu la place qu’il méritait au sein de l’histoire de l’art », déclare Sophie Kervan. Pour cette nouvelle étape dans la connaissance de son travail est mise en exergue la relation entre l’artiste et le marchand d’art « affable et visionnaire » Ambroise Vollard, entretenue entre 1905 à 1925. « Les archives Jean Puy/Vollard, conservées au musée d’Orsay et dans la famille, ont permis de suivre mois par mois les relations entre l’artiste et le marchand, grâce aux carnets dans lesquels Jean Puy notait les tableaux vendus à Vollard et à la correspondance épistolaire qu’ils entretenaient », précise Claude Allemand, conservatrice générale honoraire du patrimoine et co-commissaire de l’exposition. « Elle éclaire beaucoup sur la relation entre un artiste et son galeriste, qui relevait finalement de l’amitié. »
Mort tragiquement d’un accident de voiture en 1939, Vollard était perçu comme le marchand de tous les grands artistes au début du XXe siècle. « Il organisait par exemple la première exposition monographique de Cézanne en 1895. Matisse a exposé pour la première fois chez Vollard en 1904 », poursuit-elle.
Tableaux, dessins, céramiques, mais aussi illustrations pour le livre Ubu à la guerre (1923) et dessins non publiés comme ceux de Candide de Voltaire, l’exposition immerge le public dans la variété de la création artistique de Jean Puy, remarqué par le marchand d’art au salon d’automne de 1905. « Jean Puy exposait dans la salle 3, mais la salle 7, où exposaient Matisse, Derain, Vlaminck, Maguin, Marquet, Camoin et d’autres, a fait scandale. Au centre de l’exposition se trouvaient deux petites sculptures en marbre blanc », clarifie Claude Allemand. « Le critique Louis Vauxcelles dira d’ailleurs : « Au milieu de ses tableaux extrêmement colorés violents, Donatello parmi les fauves ». Dès lors, l’expression, en référence aux « excès colorés, destructuration des sujets, choquantes pour l’époque », resta et le mouvement prit le nom de fauvisme. « Jean Puy a été assimilé à ce groupe, à juste titre, mais également grâce à une publication dans le journal de L’Illustration. Travaillant déjà avec Matisse et Manguin, Flâneries sous les pins de Jean Puy à côté du fameux Portrait de femme de Matisse. »
Le travail du Roannais n’échappa pas à l’œil expert et rusé de Vollard qui acheta la totalité de son atelier. Et, suite à un accord oral, il suivit l’artiste pendant une vingtaine d’années. « Vollard a permis à Jean Puy, et aux autres, d’être des artistes visibles sur la scène française et internationale. 200 artistes étaient présents dans sa galerie, dont une trentaine, dont Puy, qu’il a vraiment suivi. »
« Entre 1900 et 1910, sa pratique était plus postimpressionniste. Il était proche de Paul Signac, avec qui il entretenait des échanges à la fois techniques sur le néo-impressionnisme, mais aussi sur la navigation, une passion commune », raconte Éric Moinet, conservateur du patrimoine et co-commissaire. Au tournant du nouveau siècle, l’expérience fauve se développe. Les formes simplifiées aux couleurs vives et saturées imprègnent peu à peu les toiles du peintre.
« À partir de 1910, l’expérience de la guerre va être une rupture dans sa carrière. Il en sort traumatisé et abandonne l’expérience fauve, se détachant progressivement de Matisse. » Jean Puy se révèle alors un grand illustrateur. Également éditeur et écrivain, Vollard reprend le personnage de l’Ubu, créé par son ami Alfred Jarry. Il confia les illustrations de Le Père Ubu à la guerre à Jean Puy, alors mobilisé sur le front depuis 1915. Des illustrations étonnantes sortent de l’imagination de l’artiste.
L’exposition Jean Puy/Ambroise Vollard n’est pas à appréhender comme une rétrospective, mais cette période concentrée de sa carrière n’en est pas moins riche et variée, et révélatrice de la totalité des aspects du travail de Jean Puy et du talent d’un marchand « qui a su conquérir le monde de l’art et des collectionneurs ».