Avec Juste la fin du monde de Xavier Dolan, si vous pensiez vous payer une toile un peu pépère dans une ambiance familiale, c’est raté ! Juste la fin du monde n’est probablement pas le film à conseiller, car ce huis clos tendu, violent, déstabilisant, résume sans concession les antagonismes qui peuvent exister au sein d’une famille. C’est au fond plutôt triste, mais aussi d’une cruelle banalité. Ce sera également l’occasion de retrouver l’acteur Gaspard Ulliel, tout simplement éblouissant de retenue et de sensibilité.
Douze ans après sa dernière apparition, Louis, écrivain de théâtre, se décide, soudainement, à rendre visite à sa famille pour leur annoncer une nouvelle importante, mais les choses ne se déroulent pas comme il l’aurait souhaité. Si l’intention de bien le recevoir semble prévaloir, le ressentiment lié à ce qui a été pour chacun un abandon va très vite refaire surface, et derrière les phrases aimables l’amertume pointe son nez à chaque instant. La mère d’abord, interprétée par une pétulante Nathalie Baye, qui mime ce que pourrait être la joie de recevoir un fils prodigue après une si longue absence, mais s’englue dans la narration d’un bonheur passé, réel ou hypothétique. Elle incitera Louis à relancer le dialogue interrompu avec son frère et sa sœur, sans réussir à deviner le pourquoi de ce retour inopiné. Tous s’interrogent à ce sujet, mais personne ne prête réellement l’oreille à ce que Louis voudrait exprimer.
La sœur, remarquablement incarnée par une talentueuse Léa Seydoux, donne une véritable dimension au concept de souffrance. Alors qu’elle ouvre son cœur à Louis pour épancher sa douleur, sans oublier les reproches, elle crée en lui une douleur nouvelle puisqu’elle ne le comprend pas plus que les autres. En adolescente égocentrique, elle ne parle que d’elle même quand il eut été utile de savoir écouter l’autre. Pour Antoine, le frère aîné, puissamment joué par un Vincent Cassel qu’on a, comme dans beaucoup de ses films, envie de détester, on rentre dans une dimension de perversion narcissique digne de passionner le plus déjanté des psys. Avec un culot et une mauvaise foi sans égal, il pousse les autres à bout, puis quand tout explose à cause de lui, les rend responsables des événements, se dédouanant avec un bel aplomb du chaos qu’il vient d’engendrer. Il est magnifiquement odieux, véritable con détestable, incarnation du beauf, haineux de la réussite de son frère. La scène en « aparté » dans la voiture, ou pour être plus exact, le soliloque, est un véritable bijou de manipulation et de militante méchanceté.
Personnage plus en retrait dans le film, la belle sœur de Louis, qui emprunte pour l’occasion le visage de Marion Cotillard, réussit à nous toucher, en ce qu’elle apporte, ou du moins le tente, les moments d’apaisement. Elle a deviné que Louis venait en toute sincérité parler de sa mort prochaine et qu’il est blessé par l’impossibilité de communiquer. Sans doute écrasée par la tristesse de partager la vie d’un Antoine violent et agressif, elle préfère dissimuler ses sentiments et souffre en silence pour éviter la perpétuelle cacophonie qui résume la vie de cette famille.
Le réalisateur canadien Xavier Dolan, après le succès de son film « Mommy », vient de signer une nouvelle production de qualité. Basé sur la pièce éponyme de Jean-Luc Lagarce, « Juste la fin du monde » met en scène un quintet d’acteurs de qualité, qui donne une véritable densité à l’intrigue et explique sans conteste l’obtention de deux prix au festival de Cannes et d’une nomination au festival du film Francophone d’Angoulême. Ce n’est pas un film facile, il met en évidence la difficulté des relations familiales, laissant apparaître en filigrane de sourds ressentiments, sans oublier la jalousie et dans ce cas précis l’homophobie. Il mérite véritablement un déplacement, nous vous le conseillons sans restriction.
Juste la fin du monde Xavier Dolan, Diaphana Distribution, Drame franco-canadien, 1h35 min, avec Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Léa Seydoux, Marion Cotillard, Vincent Cassel…
1 prix et 3 nominations dans les festivals pour le film « Juste La Fin Du Monde ».
Festival de Cannes 2016 (Edition 69)
CANNES, France | 11/05/2016
2 prix
Prix du Jury Oecuménique Xavier Dolan
Grand Prix Xavier Dolan
Festival du Film Francophone d’Angoulême 2016 (Édition 9) 23/08/2016
1 nomination
Réalisation & Scénario XAVIER DOLAN
Image ANDRE TURPIN
Musique GABRIEL YARED
Montage XAVIER DOLAN
Décors COLOMBE RABY
Conception sonore et mix SYLVAIN BRASSARD
Effets spéciaux ALCHEMY24
Etalonnage JEROME CLOUTIER
Produit par NANCY GRANT, XAVIER DOLAN, SYLVAIN CORBEIL, NATHANAEL KARMITZ, MICHEL MERKT
Producteur exécutif PATRICK ROY
Crédits photo : ©Shayne Laverdière – Sons of Manual