Désirée se rend régulièrement sur la tombe de son mari, qui a eu le mauvais goût de mourir trop jeune. Bibliothécaire et citadine, elle vit dans un appartement tout blanc, très tendance, rempli de livres. Au cimetière, elle croise souvent le mec de la tombe d’à côté, dont l’apparence l’agace autant que le tape-à-l’œil de la stèle qu’il fleurit assidûment. Depuis le décès de sa mère, Benny vit seul à la ferme familiale avec ses vingt-quatre vaches laitières. Il s’en sort comme il peut, avec son bon sens paysan et une sacrée dose d’autodérision. Chaque fois qu’il la rencontre, il est exaspéré par sa voisine de cimetière, son bonnet de feutre et son petit carnet de poésie. Un jour pourtant, un sourire éclate simultanément sur leurs lèvres et ils en restent tous deux éblouis… C’est le début d’une passion dévorante. C’est avec un romantisme ébouriffant et un humour décapant que ce roman d’amour tendre et débridé pose la très sérieuse question du choc des cultures.
Un livre avec un titre pareil ne passe pas inaperçu. Paru aux éditions Gaïa, puis en poche chez Actes Sud dans leur collection Babel, Le mec de la tombe d’à côté conjugue-t-il profondeur et humour ?
L’histoire est très simple. Le lecteur suit deux protagonistes, à parts égales : à chaque chapitre, le narrateur change. Tout d’abord Benny, trente-sept ans, un paysan suédois vivant dans une ferme qu’il gère seul depuis la mort de sa mère. Puis Désirée, trente-cinq ans, bibliothécaire solitaire depuis la mort de son époux. Les deux protagonistes vont se rencontrer dès le début du roman, au cimetière où les tombes sur lesquels ils se rendent sont côte à côte.
Avant même de se parler, ils ne s’aiment pas : l’un trouve la tombe de l’autre ostentatoire ; l’autre trouve la sienne glacée. Mais un seul sourire change tout. En un sourire, en effet, ils se rapprochent, se découvrent. Ce livre narre leur histoire d’amour. Amour avec un grand A. L’amour envers et contre tout. L’amour qui n’obéit à aucune loi, aucune bienséance. Le problème qui sous-tend l’ensemble est le choc des cultures. Totalement opposés, ces deux personnages savent qu’ils ne sont pas faits pour s’entendre ; pourtant ils souffrent de l’absence de l’autre. Ils se cherchent, mais quand ils sont ensemble ils se tancent plus souvent qu’ils ne rient. C’est un amour violent qui les enchaînent l’un à l’autre malgré eux.
Le mec de la tombe d’à côté met joliment en lumière les problèmes rencontrés lorsque l’on vient de mondes si divergents, quand on n’a l’impression de ne pas pouvoir échanger. Pour vivre ensemble, l’un ou l’autre doit changer sa façon de vivre. Mais Désirée ne comprend pas que Benny puisse aimer travailler dans sa ferme. Et Benny ne comprend pas qu’une femme ne sache pas faire à manger pour son mari.
Les personnages sont attachants, ils mettent le lecteur face à lui-même. Serait-on capable de changer du tout au tout par amour, si l’être aimé nous le demandait ? La réponse est aussi peu évidente qu’il est facile de juger Benny et Désirée. La fin est émouvante et conclut intelligemment l’histoire. L’effet de surprise est au rendez-vous…
Simple mais intelligente, l’écriture distingue le narrateur Benny et la narratrice Désirée. Leur façon de parler et de penser est très différente, et parfaitement retranscrite dans le roman. Un petit récit bien mené à recommander à tous les amateurs de récit contemporain.
Marylin
Gaïa, 253 pages, 20€