Vous avez besoin d’une grande bouffée d’air pur pour vous décoller du canapé, lisez le dernier roman de Guillaume Siaudeau et partez sur l’île de Sainte-Pélagie. Dans La dictature des ronces Guillaume Siaudeau vous donne envie de mettre du sable dans vos chaussures.
Le narrateur « plutôt du genre à ne pas croire au paradis, mais à craindre l’enfer », harassé de problèmes de fric et de femmes est au plus bas de sa forme. Le postérieur rivé au canapé, il broie des idées noires lorsque son ami Henry lui propose de venir pendant un mois garder son jardin et son chien à Sainte-Pélagie pendant son absence pour voyage professionnel.
Sainte-Pélagie était bel et bien la destination parfaite où envoyer un ami à qui on souhaitait faire une mauvaise blague.
Panne de voiture, hamburger décoiffé, rien n’empêche notre ami de prendre le bateau pour rejoindre cet île de fous selon son maire peu enclin à vendre sa destination.
Un mois, c’est trop. Si l’île a mauvaise réputation, ce n’est pas pour rien. Vous verrez, ils sont tous cinglés, j’vous dis. C’est pas un cadeau qu’il vous a fait là, votre ami Henry !
Certes, les rencontres sont insolites. De l’enfant aveugle qui appelle inlassablement son père disparu en mer au lanceur de couteaux alcoolique en passant par un voisin énigmatique, chacun a sa part de folie, mais des rêves plein la tête. Tout en s’occupant du jardin et du chien à trois pattes d’Henry, le narrateur découvre la magie des lieux. C’est un peu le pays des merveilles avec des personnages inattendus, de la neige en plein été, des avions tirant des banderoles où s’inscrivent d’étranges coïncidences personnelles, des colporteurs qui démarchent les clients à trois heures du matin « pour être sûrs qu’ils sont chez eux ». Mais aussi et surtout, des êtres simples, un peu portés sur la bouteille, qui ont « des étincelles au fond des yeux ».
Le vacancier improbable découvre les bars, la bibliothèque, les bains de mer.
La puissance de l’eau sur ma conscience. Son étau. Son projet de tout engloutir et puis son renoncement. A ce moment précis, j’ai eu la conviction qu’elle aurait pu ramener à la vie ou tuer n’importe qui. C’était une puissance retenue. Un mastodonte de plume. Un animal féroce qui s’était endormi près d’un arbre et que le sommeil avait désarmé…
Par la suite, pas un jour ne s’est écoulé sans que je descende à la crique prendre un bain. C’était un rituel agréable, un secret bien gardé entre elle et moi…
J’aimais cette relation dans laquelle mon mutisme laissait le champ libre à ses murmures.
Cet éloignement dans un univers magique et naturel donne à notre narrateur désespéré un goût de renouveau. Le temps passe de plus en plus agréablement et la fin du séjour a déjà un goût de regret. Qu’il ferait bon vivre ici, à ramasser les étoiles filantes, à remplacer Snoopy le pilote de la navette à touristes, à désherber les ronces…mais Henry va bientôt rentrer, mettant fin « à une vie plus simple, plus imprévisible, plus attentionnée, plus amoureuse. »
Guillaume Siaudeau sait nous donner envie de larguer la grisaille des villes, de quitter le confort d’un canapé pour découvrir les richesses de la nature, la sympathie de gens simples et un peu fous. Pour l’auteur, « chaque livre est l’enfant d’un gros rêve et d’un petit courage. » J’ai beaucoup apprécié cette ballade parmi les ronces et j’y ai même trouvé quelques mûres…
Guillaume Siaudeau, né en décembre 1980, vit à Clermont-Ferrand. Son premier roman, Tartes aux pommes et fin du monde est paru chez Alma en 2013.
Guillaume Siaudeau La dictature des ronces, Alma, 2015, 140 pages, 16€