Léonel Houssam (nouvel avatar d’Andy Vérol) commet sa première autopublication (aux éditions Fictives Burn-out). La mort dans Marcelle, ma mère, est un microroman inédit suivi d’une nouvelle, Dracula, fille de joie (initialement publiée dans la revue Short Stories, aux éditions La matière noire). Si le volume semble mince, les probabilités sont fortes qu’un certain nombre de personnes non averties éprouvent un dégoût irrémédiable pour ces deux textes. Personnes non averties ou, peut-être, non éclairées. Voilà un énième provocateur trash, entendra-t-on dire. Ce Léonel Houssam est ignoble. Comment peut-on écrire des choses pareilles ?
L’étouffement, le souvenir de l’air. Le vent. Sur les souvenirs. Les plaines. La place. Le pan entier de mon passé se chie sur la minute/l’instant. Correctement. (La mort dans Marcelle, ma mère)
La littérature n’est pas un jeu d’enfants. Toute sortie hors de soi d’une pensée qui se manifeste par un texte traduit un écart et un rappel. L’écart entre la plénitude perdue (qu’on l’appelle comme on veut) et la viande, le corps, le monde sublunaire saisi par l’entropie, dès la naissance, peut être refermé par la mort ; en attendant, la littérature occupe cet espace intermédiaire. Le langage humain, qui est la conscience d’avoir conscience, la conscience de la finitude physique, l’expression d’espoirs universels, est un dispositif d’une puissance terrible. Son usage suppose une responsabilité, une intelligence et un courage peu communs.

Les yeux rougissent, les mains tremblent et la cellophane craque. Les muscles se mettent en branle, le ciel noir me crie « L’AMI ! », je lui souris, je sors les crocs, ça craque, ça pète ! Je reviens d’entre les tombes, la bave aux lèvres, l’estomac creux criant famine, je viens, je sors, je jaillis mes amis, je déverse des cris, je me libère et bondis ! Pas un ne bouge. Une béquille translucide s’affaisse sous le poids de mon assaut. Je voulais leur amour, j’ai eu leurs molécules. (Dracula, fille de joie).

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Léonel Houssam, alias Andy Vérol (jusqu’en 2013), est né en 1973. Il a créé des fanzines expérimentaux, été rédacteur de webzines et de revues papier. Il est l’auteur d’une biographie de Noir Désir / Bertrand Cantat, et de Manu Chao. Il a également fait paraître un roman (type road-récit), Les derniers cow-boys français. Il a animé des discussions littéraires et artistiques avec Eric Naulleau, Vincent Ravalec, Franca Maï, etc. Récemment, les éditions La matière noire ont publié de lui Les sur-intégrales, Seconde chance et Le manifeste de l’acharniste. |
L’écriture de Houssam, serrée, aux impacts violents, est volontairement l’écriture des restes. Sans échappatoire : le personnage principal de La mort dans Marcelle, ma mère, tente une manœuvre finale désespérée. Celui de Dracula, fille de joie, cherche aussi la reconquête (impossible) d’une organicité primale ; comme si, par le corps, on pouvait repartir à zéro. Mais non. Ici, il n’y a pas d’utopie, pas de promesses électorales, aucune prostitution systémique, quoi qu’on en dise. Ne subsiste que l’antagonisme de l’animal humain contre lui-même, en famille, en meutes, et qui, au bout du compte, aura échoué dans son projet de civilisation. Dans cet échec, Léonel Houssam ne montre pas la lumière mais une formidable sincérité. Loin de la Bisounours’attitude et les promesses de « croissance » des « communicants » décérébrés.
Léonel Houssam, Andy Vérol, La mort dans Marcelle, ma mère (avec Dracula, fille de joie), 31 pages pour l’édition imprimée, 157 KB pour l’édition numérique ; prix : 1,61€.
Léonel Houssam, Andy Vérol, La mort dans Marcelle, ma mère, 14 pages pour l’édition imprimée, 487 KB pour l’édition numérique ; prix : 1,53 €.
Une édition de La mort dans Marcelle, ma mère, proposée sans Dracula, fille de joie. Dans un cas comme dans l’autre, les photographies de couverture et les illustrations sont de la talentueuse Yentel Sanstitre.
