Le ciel sous nos pas : c’est l’histoire d’une jeune femme d’aujourd’hui qui rêve de totale émancipation, qui souhaite vivre en totale adéquation avec son époque peu importe l’endroit où elle se trouve.
En l’occurrence la jeune femme vit dans une ville du Maroc avec sa « mère officielle » et sa sœur Tifa. Elle aspire à faire des études pour trouver sa place en temps que femme active et libre de tout, affranchie des diktats politiques, sociaux, moraux et religieux. Et elle semble y parvenir jusqu’à la mort de sa mère. (on est même sérieusement surpris de constater comment la jeune fille semble vivre son adolescence, sa vie de jeune femme comme une occidentale lambda au-delà même des connaissances culturelles que le lecteur peut posséder de la société marocaine).
Arrivée à Paris pour s’inscrire dans une faculté d’économie afin d’entamer un cursus en études de marketing et communication, elle va devoir apprendre à vivre en banlieue auprès de sa sœur Tifa et de son époux fondamentaliste, le dénommé Barberousse (ça ne s’invente pas !). Elle va également devoir côtoyer les petites frappes qui traînent en bas de l’appartement situé au cœur même de barres d’immeubles, se frotter aux femmes voilées et bâchées, épouser la condition des immigrés pestiférés et condamnés à des vies chaotiques. Elle ira de désillusions en désillusions. Non la France n’est en rien un Eldorado où l’on échappe à sa condition d’origine.
Un premier roman de Leïla Bahsaïn qui nous permet non seulement d’entrevoir depuis la France les conditions d’existence de pays qui basculent dans une occidentalisation de leur économie, de leur culture, de pays qui versent sauvagement dans un ultra-libéralisme qui transforme les comportements quotidiens des uns comme des autres sans venir satisfaire les attentes, sans changer profondément la société, à savoir sans faire du lien mais en développant l’individualisme et en renforçant dans le même temps les fondamentalismes en tout genre. Et c’est inquiétant. Mais c’est aussi le rôle de la littérature que de nous alerter sur les dangers de nos choix économiques et politiques. En filigrane aussi la pertinence quant à la place de la femme dans toute société (ici sont mises en abîmes celles marocaine et française), leur difficulté à exister en tant que telle, leur difficulté à être respectées, à s’émanciper, à étudier. Il est encore loin le temps éclairé où LA FEMME, ici comme ailleurs, aidera la société à évoluer, par l’éducation des jeunes, par la grandeur qu’elle donne aux couleurs de toute démocratie digne de ce nom.
Une jeune plume éclairée à découvrir en ce début d’année.
Le ciel sous nos pas – Éditions Albin Michel – 240 pages. Parution : janvier 2019. Prix : 17,00 €.
Couverture : Philippe Narcisse – Photo auteur Leïla BAHSAÏN © DR
Leila Bahsaïn est née en 1981, Franco-marocaine, elle vit en France depuis dix ans. Après avoir travaillé dans la communication, elle s’occupe désormais de Zitoun, une association qu’elle a fondée au Maroc, qui se consacre à l’alphabétisation des femmes. Sélectionnée par Hubert Haddad, elle a publié deux nouvelles dans la revue Apulée, puis des nouvelles dans le Magazine littéraire du Maroc. Elle a reçu le prix de la nouvelle de Tanger, décerné par l’institut français de Tanger et la bibliothèque nationale du Royaume.