Après une parution en Ebook en septembre dernier, Les Suppliciées du Rhône (éd. Préludes), premier roman de Coline Gatel, paraît ce 6 février 2019. Alors que les équipes d’experts cartonnent dans les séries télévisées, l’auteure nous plonge ici dans les balbutiements de la police scientifique.
Lyon, 1897. À la veille du XXe siècle, la police scientifique se développe. On tente les prises d’empreintes ici et là, le travail des légistes fait des avancées… Bien sûr, on est encore bien loin de la découverte de l’ADN, qui a changé le travail des chercheurs mandatés par le ministère de l’Intérieur pour traquer les tueurs les plus sordides, mais on progresse.
Et nos personnages qui travaillent dans la capitale des Gaules ont fort à faire. Depuis plusieurs semaines, des corps exsangues de jeunes filles sont retrouvés dans la ville, disséminés dans tout Lyon, entre Fourvière et la Croix-Rousse…
Après autopsie, il s’avère que les jeunes femmes, tout juste pubères, ont été torturées. Plus précisément, avortées, maltraitées, et qu’elles ont rendu l’âme suite à une hémorragie létale. Ont-elles été violées ? Peut-être. Pas si sûr, encore que. Qu’est-ce qui les relie ? Peu de choses, hormis le fait qu’elles étaient toutes enceintes. Il faudra creuser. A-t-on affaire à des actes gratuits, à un sadique, à un tueur en série… À un homme ou à une femme ? Les recherches nécessitent persévérance et logique.
Irina, journaliste d’origine polonaise, qui n’a pas froid aux yeux, Félicien, légiste venu de Montpellier, Bernard, médecin, sous la houlette du professeur Alexandre Lacassagne se voient confier le cas des Suppliciées du Rhône. Comme si ces jeunes femmes avaient été sacrifiées. Au nom de qui, de quoi ? Est-ce que ces morts participent de rituels ? L’Église serait-elle derrière cette bien sombre affaire ? Le suspens est savamment entretenu, on ne décroche pas une minute durant ces 440 pages.
Coline Gatel réussit également à nous entraîner dans la cité des Lumières et ses ambiances fin XIXe siècle. On devine un quotidien dans une ville qui peine à organiser son territoire en termes de praticité, de sécurité et d’hygiène. On est fort loin de nos habitudes de précaution. On plonge aisément dans la vie des Lyonnais, les tisserands, les jacquardiers, les canuts.
On déambule dans les traboules, on se sustente comme les personnages dans les bouchons, célèbres gargotes où l’on pouvait faire ripaille pour quelques sous.
Mais l’auteure ne cache pas non plus la façon dont la gent féminine est traitée par les hommes : source de plaisirs, chargée d’assurer la descendance ainsi que la tenue du logis, souvent sous les viols, les coups, voire pire. Quant aux œuvres de charité — la fameuse Croix-Rouge venue de Suisse —, soutenues par les dames de la bonne société, elles révèlent des coulisses parfois bien peu reluisantes.
Et puis les relations entre protagonistes ne manquent pas non plus de sel… La confiance réciproque maintes fois remise en question… Des doutes grandissants… Des mœurs légères pratiquées malgré la condamnation de l’Église, encore plongée dans le royaume de l’unisexualité. En définitive, si le monde a quelque peu évolué, l’essentiel de la teneur de ce roman n’a pas pris une ride en à peine plus d’un siècle. Quant à la force des non-dits, elle est permanente.
Les Suppliciées du Rhône de Coline Gatel – Éditions Préludes – 448 pages. Parution : 6 février 2019. Prix : 16,90 €.