Oh les beaux jours résonne dans le paysage théâtral comme une pièce détonante. Détonante donc novatrice. Par sa forme, mais aussi et surtout par son fond. Au lever du rideau, Winnie apparaît, à moitié enfoncée dans un gros mamelon, déblatérant un magma de paroles à son avis importantes. Et, rapidement, quelque chose s’étiole. Le spectateur ne sait quoi. Si ce n’est que cette pièce incarne le questionnement, le détournement insoluble des choses de la vie.

Marc Paquien signe ainsi une nouvelle vision de la pièce. Willie – dont les répliques sont peu nombreuses, mais dont le rôle est fondateur dans l’approche psychologique de Winnie – est interprété par un très bon Pierre Banderet, dont les courtes interventions portent une réelle densité psychologique. Winnie est, quant à elle, incarnée merveilleusement par Catherine Frot. C’est donc elle qui sera le fil conducteur de la pièce. C’est elle qui tiendra les ficelles de la représentation, du symbole beckettien : attendant quelque chose, sans réellement savoir quoi.
Le texte original est chargé de didascalies, laissant à Marc Paquien un éventail de possibilités restreint, et surtout pas le droit à l’erreur. Pari réussi. Comme le décor retenu pleinement onirique qui se nivelle à l’évolution de la journée contée par Winnie. Il peut tout représenter, sans pour autant signifier quelque chose. C’est typiquement le symbole de cette représentation déconstruite, de cette pièce délabrée, raturée. Le ton inspiré par le metteur en scène est empli de contemporanéité. On ne peut s’empêcher de le comparer à celui de Madeleine Renaud. C’est alors que l’on se rend compte combien Marc Paquien se démarque et impose son style. Et la comédienne en est brillamment le marqueur. Catherine Frot se place en comédienne de talent, portant haut et fort la pièce.

Marc Paquien signe là une réelle vision de Oh les beaux jours. Arrimé par Madeleine Renaud, Catherine Frot fait écho à ce rôle et s’empare de Winnie en la rendant on ne peut plus vivante. Pleine de courage, de grâce et de candeur, elle offre une autre dimension au texte de Beckett. Mettre en scène cette pièce, lui trouver une comédienne et de la jouer était un vrai pari, un vrai défi pour le metteur en scène. Pari réussi, sans aucun doute. On ressort de la pièce hanté par son ambiance si particulière et rassasié par le caractère jouissif que procure ce théâtre.
Thomas
Oh les beaux jours
De Samuel Beckett
Mise en scène : Marc Paquien
Avec Catherine Frot et Pierre Banderet
Scénographie : Gérard Didier
Lumière : Dominique Bruguière
Costumes : Claire Risterucci
Maquillage : Cécile Krestschmar
