Olivier Hodasava est un voyageur virtuel. Il arpente quotidiennement les artères du monde de Google Street View. Pour Unidivers, l’arpenteur – qui se fait un peu géomètre – avance à la façon d’un fildefériste sur une ligne (presque) imaginaire : le 48e parallèle Nord. La latitude sur laquelle est située la ville de Rennes. Aujourd’hui découvrons Priest river, Idaho, Etats-Unis.
Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force. Il va de la vie à la mort. Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé. C’est un roman, rien qu’une histoire fictive. Littré le dit, qui ne se trompe jamais. Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux. C’est de l’autre côté de la vie. (Céline, Voyage au bout de la nuit)
Il est difficile de ne pas s’arrêter quand, voyageant, on tombe sur un patelin qui s’appelle Priest River, Idaho – un jour, du reste, entreprendrai-je un tour des villes aux noms fascinants : Nameless, Corpus Christi… Enfin bref. En attendant, c’est bien à Priest River que je viens de passer la journée (Priest River, Idaho, une trentaine de rues au carré, 1500 habitants à tout casser).
Je me suis nourri du peu que j’ai vu : des rondins fraîchement coupés et couverts d’une bâche bleue, une piscine gonflable jaune fluo à l’eau passablement saumâtre, un chemin de bois, parallèle ou presque à une allée de béton et sans doute dessiné par un enfant (à cinq, six ans, je crois me souvenir que j’en dressais de similiaires).
J’ai relevé des panneaux routiers et des nuages, des balles de tennis sous les pieds d’un déambulateur (la femme qui le poussait cheminait avec peine). Je me suis abreuvé de mots : Priest River Community Church – Sower Teaching Ministry. Ou plus loin : Community Church Thrift Shop Open. Ou alors, sur le trottoir d’en face : Open 7 Days a Week – Body Jewelry.
Il est maintenant dix-huit heures. La clarté, à cause des montagnes tout autour, bien qu’on soit en plein été, ne va pas tarder à diminuer vraiment… Une fin de samedi au fin fond de l’Idaho… Je sais déjà comment je vais occuper ma soirée : tout à l’heure quand je suis passé devant le Kings Bar, j’ai repéré une pancarte qui annonçait Karaoke Saturday. Je suis prêt, je crois, à relever le défi.