Deadline à Ouessant
Joli titre qui réunit la ligne de mort associée proverbialement à Ouessant et la date ultime de rendu d’un travail dans le monde de la com’ et de la presse. Direction Ouessant, donc. Pourtant pas question de boire son sang (quoique…), mais biture obligatoire au pimousse (traître breuvage mélangeant le rosé et le sirop de pamplemousse) et même de la gnôle issue d’un tonneau où a séjourné un macchabée. Luc Mandoline ne recule devant aucun sacrifice pour s’immerger dans la culture locale, et tenter de comprendre ce qui est arrivé à son ami déclaré mort dans un étrange accident maritime (on pense au Bugaled Breizh). Le héros n’est pas né de la dernière pluie : n’ayant pu devenir médecin légiste, il s’est engagé dans la Légion étrangère avant de se reconvertir dans le funéraire, comme thanatopracteur itinérant. L’Ankou l’a visiblement à la bonne, qui fauche avec vigueur dès son arrivée sur l’île des individus aux secrets oubliés depuis des lustres – précisément ceux de la Seconde Guerre mondiale, qui comme on sait, a profondément divisé la Bretagne. Mandoline va reconstituer le puzzle de l’histoire avec l’aide d’un ami policier nantais. Tout en picolant, il devise (« La seule amitié qui vaille est celle qui nait sans raison »), cite Tristan Corbière, Édouard Glissant (dont on retiendra cette belle idée : « agis dans ton lieu et pense avec le monde ») et accompagne ses rencontres avec son juke-box mental où défilent Miossec, Rover, Renaud, Capdevielle, Consuelo Velasquez…
Un brin abracadabrantesque, l’intrigue est (bien) construite par Stéphane Pajot, journaliste à Presse-Océan, qui a signé plusieurs enquêtes, de Léo Tanguy au Poulpe, et nous offre une belle virée dans l’île mystérieuse. Comme l’affirme Jean-Luc Manet en préface : « avec un Pajot à la barre, on voyage toujours en première classe ».
Deadline à Ouessant, éd. L’Atelier Mosésu, mai 2013, 9,95 €
Rêver Ouessant
Une idée d’enfer pour avoir l’image (et la carte !) en lisant l’ouvrage de Stéphane Pajot : poser ouvert sur votre bureau ce bel ouvrage. Préfacé par Oliver Py, il livre la quintessence ilienne restituée par la plume de Jacques Poullaouec et l’objectif d’Hervé Inisan. « L’ailleurs s’y déploie jusqu’à se confondre à l’horizon avec nos désirs inassouvis, et nos destins interrompus ».
Rêver Ouessant, éd. Georama (Brest), juin 2012, 27 €
Marie-Christine Biet