Paris, une histoire. Le Mémorial du Bazar de la Charité à découvrir un mardi par mois et aux Journées du Patrimoine.

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Bazar de la Charité.

Le Mémorial du Bazar de la Charité et la chapelle Notre-Dame de Consolation rappellent le souvenir des victimes de l’incendie du 4 mai 1897.Le mémorial est ouvert à la visite le premier mardi de chaque mois à 14 h 00 et à l’occasion des Journées du Patrimoine, du 19 au 21 septembre 2025.

Le Bazar de la Charité était une vente de bienfaisance organisée depuis 1885 à Paris. Les comptoirs étaient tenus par des dames appartenant à la plus haute aristocratie française et à la grande bourgeoisie. L’objectif était de vendre des objets d’arts, des bibelots, des tableaux, des bijoux, des meubles, des livres et toutes pièces provenant de dons, au profit des plus démunis et des pauvres. Il se déroule rue du Faubourg Saint Honoré les premières années, puis place Vendôme.

En 1897, on organise le Bazar de la Charité pour quatre jours de vente sur un terrain sis 17 rue Jean Goujon dans le 8e arrondissement. La vente de charité se déroule alors dans un hangar fait de planches de bois et de poutrelles, un bâtiment provisoire de 80 m de long sur 13 m de large. Le lieu est décoré à l’image d’une rue de Paris au Moyen Âge avec ses vingt-deux comptoirs en bois, ses échoppes aux enseignes pittoresques, et ses murs tapissés de lierre et de feuillage. Ce jour-là, le Bazar de la Charité propose aussi un spectacle de cinématographe où le public peut assister aux images animées des Frères Lumière.

Le deuxième jour, le 4 mai 1897 à 16h15, la lampe de projection du cinématographe a épuisé sa réserve d’éther. L’assistant du projectionniste, qui a besoin de lumière, commet l’erreur d’utiliser une allumette… Les vapeurs d’éther s’enflamment car l’appareil est mal isolé ! Le rideau prend feu, enflamme les boiseries, puis le feu se propage au plafond goudronné. En quelques minutes la toiture s’effondre. Le feu embrase rapidement le décor, court le long des boiseries, dévore tout sur son passage : les tentures, les rubans et les dentelles. 

Les 1 200 personnes présentes, en très grande majorité des femmes, tentent de s’enfuir en perdant leur sang-froid. Leurs imposantes robes s’embrasent ! Certaines personnes tombent et ne peuvent se relever ; elles sont piétinées par la foule qui tente désespérément d’échapper aux flammes.

Bazar de la Charité

Malgré des tentatives de secours et l’intervention des cuisiniers de l’hôtel du Palais, un quart d’heure à peine après le début de l’incendie tout est consumé : le hangar offre l’aspect d’un amoncellement de poutres de bois calcinées, mêlées de cadavres mutilés et carbonisés. Le Régiment des sapeurs-pompiers de Paris arrive sur les lieux en à peine 10 minutes au moment où des groupes surgissent du bazar transformé en brasier, par la seule porte qui reste accessible, celle de gauche étant bloquée par des corps.

Bazar de la Charité

Le bilan est terrible : 250 personnes sont blessées et 126 périssent ce jour-là, dont 120 femmes et jeunes filles : trois ne seront pas reconnues. Enfants, religieuses, mères et grands-mères sont ainsi sacrifiées dans l’exercice de la charité. Parmi les décès, on ne compte que deux garçons et quatre hommes âgés d’au moins soixante ans. Face à l’écrasante majorité de femmes parmi les victimes et d’après certains témoignages, une rumeur se propage : « les hommes de la haute société présents au moment de l’incendie auraient tout fait pour se tirer des flammes et pour se frayer le passage ; ils auraient bousculé, piétiné, renversé des femmes livrées au feu, allant jusqu’à les écraser au sol… »

Bazar de la Charité
les victimes de l’incendie

Quelques récits personnalisés 

La Duchesse Sophie Charlotte d’Alençon, 50 ans, sœur de l’impératrice Elisabeth d’Autriche tient un comptoir : elles sont cinq vendeuses au total : Mme et Mlle Hauducoeur, leurs voisines parisiennes Mme Suzanne Rabéry et sa fille unique Mme Louis Genty. Toutes les cinq seront victimes de leur dévouement dans l’incendie du Bazar de la Charité. En mourant, Mme Genty laisse orphelin de mère : son fils Paul âgé de 15 mois. Elle est rapidement reconnue par son père et son mari, mais les recherches pour retrouver sa mère resteront vaines, malgré la vingtaine de visites de son époux à la morgue qui espère toujours un hasard miraculeux. Le doute n’est plus permis lorsque l’alliance et la bague de sa femme sont finalement retrouvées fondues dans les décombres…

Mme Louise Gosse, l’épouse du notaire et maire de Bourg-la-Reine, arrive au Bazar de la Charité avec ses deux plus jeunes filles : Angèle 20 ans et Zoé 18 ans. Au moment de l’incendie, les deux filles parviennent d’abord à échapper au désastre. Mais en se retournant, elles constatent l’absence de leur mère ; elles retournent alors dans la fournaise pour la sauver. Elles périssent alors asphyxiées toutes les trois. Les corps seront identifiés car on retrouve le billet de retour à Bourg-la-Reine d’une des filles Gosse. Les corps de la mère et de ses filles sont ramenés le 5 mai au soir à Bourg-la-Reine et déposés dans l’église où la population afflue jusqu’aux obsèques le 7 mai 1897. Le même jour, se déroulent les obsèques de Madame Frédéric Dillaye, victime elle aussi de l’incendie du Bazar de la Charité avec sa sœur Madame Edmond Cuvillier et sa nièce Esther Cuvillier, âgée de 4 ans, la plus jeune victime de l’incendie. 

Bazar de la Charité

Louise, la femme et Hélène, la fille du poète José-Maria de Heredia seront rescapées de l’incendie. Elles arrivent par hasard au Bazar de la Charité ce 4 mai 1897. En effet, un retard de la couturière chez qui elles ont à essayer des vêtements, les oblige à revenir au bout d’une demi-heure. Elles décident donc de passer un moment au Bazar de la Charité. Elles discutent avec une des vendeuses, madame d’Avenel, quand l’incendie se déclare. Hélène de Heredia aperçoit la lucarne et la chaise qui sert à la sortie des victimes ; elle entend les coups de pioche des sauveteurs qui ouvrent un passage. Hélas, étourdie par la chaleur, sa mère tombe le visage contre terre. Avec une force et une détermination admirables, la jeune fille relève sa mère et avec l’aide d’une autre femme, réussit à la hisser sur la chaise. Après le passage de sa mère, Hélène de Heredia invite l’inconnue à passer à son tour, mais elle refuse généreusement. C’est ainsi que la femme et la fille du célèbre poète purent échapper à l’incendie du Bazar de la Charité. La nièce du poète, Louise Lourmand, meurt quant à elle dans l’incendie.

Bazar de la Charité

Mme Marie Borne arrive à la vente de charité dès le lundi 3 mai 1897 en tant que vendeuse. Cette jeune femme de 33 ans est la femme d’un entrepreneur de travaux publics à Paris et la mère de 4 jeunes enfants âgé de 6 à 12 ans. Le 4 mai, elle vient accompagnée de Lise sa fille aînée, de sa belle-sœur et de sa tante. Dans la panique de l’incendie, l’enfant est projetée par une fenêtre ; elle est recueillie saine et sauve avec uniquement quelques brûlures. Seule, la mère décède dans l’incendie.
Deux mois plus tard, Lise Borne fait sa première communion, encore marquée par ses blessures. 

Bazar de la Charité

Au comptoir n°19 du Bazar de la Charité, Emilie Nitot est venue pour vendre au profit des écoles de Saint-Louis-en-l’Isle. Elle est accompagnée par sa fille Suzanne qui a 9 ans ; elle est aidée par Hélène Barassé, la fille de l’ancien maire et notaire de Crecy-en-Brie. Quand l’incendie éclate, elles se trouvent proches de la porte de sortie, mais seules Emile Nitot réussit à sortir. Constatant cependant l’absence de sa fille, elle retourne dans la fournaise et sera victime de son dévouement, et toutes trois périssent dans l’incendie ! Son époux, le docteur Emile Nitot, médecin de la crèche et de l’orphelinat de Saint-Louis-en-l’Isle vient reconnaître les corps de sa femme et de sa fille avec l’aide de leur dentiste. Quant à Hélène Barassé, son corps a été reconnu aussi par son dentiste, le docteur Ducornet.

Bazar de la Charité

Le docteur Henri Feulard, chef de laboratoire à l’hôpital Saint Louis, accompagne sa femme, vendeuse au Bazar de la Charité avec leur fille Germaine et leur femme de chambre Ernestine Moreau. Les Feulard ont déjà perdu deux enfants : Robert, 3 ans et Geneviève, 2 ans. Le destin va encore s’acharner sur eux ! Lorsque l’incendie se déclare, le docteur Feulard et sa femme sortent blessés du Bazar. Le docteur constate alors l’absence de leur fille de 10 ans, il retourne dans le brasier. Il réussit à sauver des religieuses. Hélas, lorsqu’il retrouve enfin sa fille, le toit tombe sur eux. Avec la bonne, ils périssent tous les trois : la petite Germaine Feulard est reconnue grâce à ses bagues, le docteur Feulard à son trousseau de clés et Ernestine Moreau à ses bas. Les Feulard sont enterrés au cimetière de Montmartre et Ernestine Moreau dans l’Yonne.

Bazar de la Charité

La chapelle Notre-Dame de la Consolation, mémorial du Bazar de la Charité, a été érigée en 1901 sur le lieu même de l’incendie du 4 mai 1897.

Bazar de la Charité.

Les deux ailes du monument enveloppent le double escalier qui conduit aux portes de la chapelle. Elles sont ornées de colonnes encadrant les statues de la Foi et de la Charité. Le dôme est surmonté d’une statue dorée de la Vierge montrant le ciel et symbolisant l’Espérance…

A l’intérieur, la richesse et la beauté de la décoration néo baroque  font de ce lieu un des chefs-d’œuvre de l’architecture de la fin du XIXème siècle. La chapelle abrite les 86 000 objets sortis des décombres de l’incendie. Dédiée aux victimes, les 126 noms sont inscrits sur six plaques de marbre noir en lettres d’or dans la chapelle

Le site est la propriété de l’Association du Mémorial du Bazar de la Charité qui est composée des descendants des victimes. Entre 1901 et 1953, les bâtiments sont habités par les Soeurs auxiliatrices du Purgatoire. De 1953 à 2013, ils sont confiés aux Missionnaires de Saint-Charles-Borromée, une mission catholique italienne à Paris, puis depuis 2013 aux prêtres de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X.

Bazar de la Charité.

Parce que la pollution, la poussière, les infiltrations d’eau et le temps ont fortement altéré le bâtiment, une importante restauration est observée et concerne les deux coupoles, ainsi que celle des vitraux, et également les décors et le chemin de croix à l’intérieur de l’édifice.

Bazar de la Charité.

23, rue Jean Goujon – 8e arrondissement de Paris

Martine Gatti
Martine Gatti est une jeune retraitée correspondante de presse locale à Paris et dans le pays de Ploërmel depuis bien des années.