Près de la cheminée, l’occasion est belle de se réchauffer auprès de belles lectures. Les éditeurs de BD ouvrent l’année avec quelques parutions… souvent guerrières…
Les agapes sont passées ou, plutôt, en passe de s’évanouir dans des vapeurs évanescentes ! Pour permettre un retour en douceur sur la terre ferme, les parutions BD repartent d’un pied ferme et nous proposent au cours de ce premier mois de l’année quelques nouveautés originales.
La vedette de ce mois pourrait probablement être la publication du tome 10 (l’or maudit) de Bouncer (1), ce fameux « manchot » qui a en charge la sécurité d’un saloon et concurrence le succès d’Undertaker ou de Stern dans le cadre de ces westerns inspirés de professions annexes comme celle de croque-mort. Premier ouvrage d’un diptyque qui a la particularité d’être publié intégralement en deux mois, le Bouncer partira à la recherche d’un trésor dans des contrées inhospitalières. Des décors probablement sublimés par le talent graphique de Boucq.
Autre forme de la guerre, celle d’une guerre civile cette fois-ci. Avec Seule (2), nous est racontée la guerre d’Espagne, du point de vue d’une petite fille de sept ans, Lola, qui découvre l’anéantissement de son village par un bombardement d’avions franquistes. Un récit qui allie l’intime avec l’histoire d’un pays, puisque les faits sont tirés des souvenirs de la grand-mère de Ricard Efa, l’un des auteurs de la BD.
Autre guerre civile, irlandaise cette fois-ci, que met en image Pierre Alary qui adapte en BD l’exceptionnel roman de Sorj Chalandon, dont il conserve d’ailleurs le titre : Mon traître (3). On attend avec impatience le résultat de ce défi et de la mise en image de ressorts psychologiques liés à la trahison d’une cause politique par un membre de l’Ira, en fait agent britannique pendant plus de 25 ans.
De guerre il en est encore question avec la réédition de Notes pour une histoire de guerre (4) de Gipi, BD publiée en 2005 et primée notamment au festival d’Angoulême. Le succès immense en 2017 de La Terre des Fils n’est sans doute pas étranger à ce retour du récit d’une histoire d’adolescents acteurs d’une « guerre » entre villages et zones de non-droit. L’occasion de découvrir les débuts d’un auteur immense et original.
Bruno Duhamel débute presque chez Grand Angle avec son deuxième ouvrage chez l’éditeur, « Jamais » (5), l’histoire de Madeleine, 95 ans, aveugle de naissance qui refuse la menace de l’effondrement des falaises normandes de Troumesnil (sic). Normand, l’auteur a probablement été inspiré par son environnement naturel. Une couverture qui appelle à la tendresse dans une collection toujours remarquable.
Les plus petites maisons d’édition réalisent souvent des prouesses avec des moyens publicitaires réduits et en osant des sujets a priori moins « porteurs ». « La Boîte à bulles » qui a notamment publié des BD de Bruno Loth consacrées à la guerre d’Espagne (« Ermo ») ou aux mémoires de son père ouvrier (« Apprenti ») s’attache cette fois ci aux conditions de vie en Territoire occupé. José Pablo Garcia est ainsi parti dans « Vivre en Terre Occupée » (6) à la découverte des habitants de Cisjordanie et de Gaza pour livrer un témoignage annoncé comme « sans a priori et plein d’humanité ».
Chez le même éditeur sort également « Bleu Amer » (7), BD qui raconte l’irruption au printemps 44 d’un parachutiste américain sur l’île de Chausey, perturbant la vie quotidienne des habitants.
Autre soldat américain, le soldat Lincoln qui se morfond en 1944 à Douvres et va renouer le lien avec les mémoires d’Angéla Brown, domestique qui décide de transformer le premier drapeau américain en hommage révolutionnaire. « Cinq branches de coton noir » (8) est une BD en noir et blanc qui se propose de retranscrire les deux siècles d’histoire des États-Unis.
Le continent américain est décidément l’honneur en ce premier mois de l’année avec le tome 2 de « Giant » (9) cette série, qui a débuté magnifiquement en situant son histoire dans le cadre de la crise de 1929 et des gratte-ciels New Yorkais, et devrait prolonger son succès initial.
Le huitième tome de « L’Ambulance 13 » (10) sera sans aucun doute conforme aux attentes de ses lecteurs habituels pour une série consacrée à la première guerre mondiale. Cette BD annonce la dernière mission du capitaine Bouteloup en 1918.
Le hasard de cette sélection démontre que la guerre est un thème récurrent en ce début d’année 2018 chez les éditeurs, alors que comme l’écrit Yuval Noah Harari dans « Homo deus », elle n’a jamais été aussi peu présente sur la terre. Une manière pour les auteurs de s’infiltrer dans des espaces d’exception. Et de partager ces moments avec leurs lecteurs…
1) « L’Or Maudit » tome 10 de Bouncer. François Boucq. Sortie le 10/01/2018. Le deuxième volet sera édité le 07/03/2018. 80 pages. 18 €.
(2) « Seule » de Ricard Efa et Denis Lapière. Éditions Futuropolis. 72 pages. 16€ ; Parution le 04/01/2018.
(3) Éditions Rue de Sèvres. 144 pages. Parution le 10/01/2018. 20€.
(4) Éditions Futuropolis. 144 pages. Parution le 04/01/2018 . 23€.
(5) Parution le 10/01/2018. 54 pages. 15,90€.
(6) Parution le 10/01/2018. 88 pages. 15 €.
(7) Parution le 10/01/2018. Scénario : Sylvère Denné. Dessin : Sophie Ladame. 128 pages. 20€.
(8) Parution le 19/01/2018. Dessin : Cuzor. Scénario : Sente. Collection Aire Libre.176 pages. 24€. Édition spéciale éditée à 777 exemplaires : 40 €.
(9) Parution le 19/01/2018. Auteur : Mikael. 14€.
(10) : L’Ambulance : D’un enfer l’autre. Scénario : Ordas. Dessin : Mounier. Collection Grand Angle. Parution le 10/01/2018. 46 pages. 13,90€.