Mars 2018 : le printemps s’annonce. Avec lui les bonnes feuilles de BD ressurgissent au détour de quelques parutions attendues. Petit inventaire des albums essentiels à paraître.
Une rareté dans l’édition : la publication à deux mois d’intervalle d’un diptyque. Il faut préciser qu’il s’agit d’une série très attendue puisque le tome 11 de « Bouncer » (1), ce cow-boy manchot va devoir sortir de l’enfer dans lequel l’album précédent l’a laissé. Le dessin de Boucq, unique et grandiose, colle parfaitement à ce héros des grands espaces de l’Ouest sauvage.
Dans le domaine des BD ou des auteurs déjà évoqués à Unidivers on ne peut passer sous silence l’adaptation du roman de Sorj Chalandon, « Profession du père » (2), par Sebastien Gnaedig, le journaliste du Canard Enchainé, aimant visiblement la mise en images de ces romans, après les adaptations notamment du « Quatrième mur », de « Mon traitre (voir article Unidivers). Nous avons hâte de découvrir le visage et la silhouette donnés à ce père terriblement fantasque et dangereusement fou. Un dessin au crayon noir et blanc, épuré, devrait restituer l’atmosphère familiale étouffante du roman initial.
Beaucoup plus reposant et contemplatif, chez le même éditeur, « Mon Voisin Raymond » (3) devrait renvoyer une image totalement opposée à celle proposée par Chalandon. Inspiré là aussi de la réalité, Troubs, le dessinateur fait parler son voisin Raymond, en Dordogne, un paysan octogénaire dont le mode de vie ressemble à celui de parents, de ses grands-parents. Un album annoncé comme un hymne à la nature, à l’esprit de Pierre Rahbi, et une démarche qui n’est pas sans rappeler celle de Davodeau auprès d’un voisin viticulteur de l’Anjou. Surement une belle respiration optimiste que nous promet la couverture tout en douceur et tendresse.
Une place particulière ce mois-ci pour une maison d’édition, qui sort des sentiers battus, dans cette BD qualifiée d’ « indépendante »: « L’Association ». Deux ouvrages attendus. Dans la réédition de « Safari Monseigneur » (4), deux journalistes au début du siècle dernier embarquent pour l’Afrique. L’occasion de décrire un univers colonial avec l’ironie de Desproges et des dessins épurés pour montrer un monde clos perverti par la bêtise et le cynisme.
Avec « Alice dans le Sussex » (5), nous retrouvons l’adaptation d’oeuvres littéraires, en l’espèce la réunion de personnages de Lewis Caroll, Jules Verne, Cioran, Voltaire, une rencontre improbable qui amène Alice à côtoyer Frankenstein ou Le Chat de Cheschire, dans un album où le lecteur devra probablement abandonner sa raison pour aller à la rencontre d’un imaginaire poétique et mélancolique.
Unidivers avait aimé la BD de Laurent Bonneau « Ceux qui me restent » (voir article). C’est donc avec impatience, qu’est attendue chez le même éditeur « On sème la folie » (6), Bd dans laquelle cinq amis d’enfance se retrouvent le temps d’un week-end dans une maison louée au bord de mer. Ils vont faire le point de leur jeune passé et échanger sur leurs vies. Une ode à l’amitié que la sensibilité du dessinateur à décrire l’indicible devrait porter très haut.
Il ne vous aura pas échappé que nous allons célébrer le cinquantenaire de Mai 68. Les romans, ouvrages historiques, sociologiques, ont commencé à envahir les rayons des libraires. La BD ne pouvait passer à côté de cet évènement. « La Veille du Grand Soir » (7) est le premier album à paraître sur ce thème. Il s’adjoint les services du journaliste Patrick Rotman, gage de sérieux et d’authenticité, qui raconte ici le récit « des journées de Mai à Paris, vues par les yeux d’un très jeune étudiant », nourries de souvenirs et d’anecdotes personnelles, et par des multiples entretiens d’époque. Un mélange de vécu et de recul historique qu’illustre Sébastien Vassant avec notamment une couverture symbolique: Dany le Rouge bâillonnant le Général sur un fond rouge comme la révolution.
La collection « Jour J » (8) qui s’attache à illustrer les journées décisives de l’histoire mondiale ne pouvait ignorer cet anniversaire. Elle le fait avec une édition spéciale dans laquelle deux hypothèses s’affrontent : Mai 68 accouche d’une utopie ou d’un cauchemar. Deux histoires, « L’imagination au pouvoir » et « Paris brûle encore », sont ainsi réunies dans une édition unique.
Retour historique également avec « El Comandante Yankee » (9) Bd qui s’attache à William Alexander Morgan, figure un peu oubliée de la révolution cubaine, seul comandante avec le « Che », non cubain. Un roman graphique qui devrait nous conduire à nous replonger dans la période de la guerre froide avec la rigueur historique nécessaire.
La couverture de « Serena » (10) nous a séduits simplement, le graphisme de Risjberg, opérant avec charme et efficacité comme d’habitude. Un dessin et une colorisation superbes mis au service d’une histoire que nous laissons deviner à la curiosité des futurs lecteurs.
Comme chaque mois, mars verra également les parutions habituelles de Walking Dead, Une Génération française, Wonderball, Ils ont Fait l’Histoire, l’Histoire Secrète, et tant d’autres.
Beaucoup d’heures de lecture et de plaisir en perspective sous des arbres en fleurs.
(1) Bouncer Tome 11. L’échine du Dragon. François Boucq. 80 pages. Editions Glénat. Parution le 07/03/ 2018. 18 €.
(2) Editions Futuropolis. 232 pages. Parution le 8 mars 2018. 26€.
(3) Editions Futuropolis. 96 pages. Parution le 8 Mars. 17€.
(4) Collection Ciboulette. Auteurs: Jérôme Mulot et Florent Ruppert. 64 pages. 13€. Parution le 10 mars 2018
(5) Collection Ciboulette. Nicolas Mahler. 136 pages. 24€. Parution le 10 mars 2018.
(6) Editions Grand Angle. 21,90€. Parution le 14 mars 2018.
(7) Co édition Le Seuil-Delcourt. 192 pages. Parution le 14 mars 2018. 24,95€.
(8) JOUR J MAI 68 Edition Spéciale. Scénaristes; Duval, Pécau et Blanchard. Illustrateurs: Damien et Fab. Editions Delcourt. Parution le 14 mars 2018. 22,95€.
(9) Auteur: Gani Yakupi. Editions Dupuis. 200 pages. Parution le 23 mars 2018. 28€.
(10) Editions Sarbacane. Auteur: Terkel. Parution le 7 mars 2018. 23,50€.