Paul Ariès, politologue et sociologue de la mondialisation, de la consommation et de la décroissance porte ses recherches depuis le milieu des années 90 sur les mouvements intellectuels et politiques représentés par ceux qu’on appelle les « objecteurs de croissance ».
L’idée de la croissance zéro, voire de la croissance négative est soutenue par un certain nombre de mouvements d’opinion et d’actions anti-productivistes et écologistes radicaux. Paul Ariès est l’un des inspirateurs de ces groupes de pensée qui estiment que toute croissance, y compris le développement durable, est à rejeter. Toute croissance en effet même contrôlée aboutit à terme à un épuisement des richesses et des ressources naturelles. Le développement économique continu et infini, et même s’il est durable ou soutenable, générera progressivement la destruction d’un capital naturel par définition limité et non durable.
Les « objecteurs de croissance » préconisent sur le plan individuel une attitude dite de « simplicité volontaire » – lien social fort et multiple, gratuité et partage organisés que théorise l’Observatoire international de la gratuité – et sur le plan collectif un réexamen fondamental des choix et des sources d’exploitation et de production pour diminuer l’emprise prédatrice des entreprises industrielles sur la nature. L’outil de mesure de la croissance de nos sociétés contemporaines, le fameux PIB, se fonde en effet sur l’hypothèse d’une croissance continue et quantitative, sans se soucier prioritairement de la raréfaction de la ressource, de l’équilibre écologique, du rapport de l’homme à la nature.
Le terme « décroissance », à présent régulièrement utilisé, n’est pas spécialement récent même si les mouvements politiques et sociaux qui s’en réclament ne se sont guère constitués avant les années 60. Paul Valéry, dans « Regards sur le monde actuel », en 1945, s’inquiétait déjà de certaines conséquences du progrès : « Songez à tout ce qui se consume chaque jour dans cette quantité de moteurs de toute espèce, à la destruction de réserve qui s’opère dans le monde. » Et dans la deuxième moitié du XXe siècle, des théoriciens et philosophes comme Jean Baudrillard ou Ivan Illich, et de rares hommes politiques ont fait figure de pionniers, tel René Dumont, qui avaient posé certains des fondements de la pensée actuelle de la décroissance. Il y a cinquante ans, en 1972, le Club de Rome, constitué d’experts et acteurs du développement économique commandait au MIT, à Boston, un rapport publié en français sous le titre « Halte à la croissance ? » qui pointait les dérives d’un système économique sans conscience aiguë des enjeux humains et écologiques, et des équilibres naturels et sociaux. A l’époque du rapport, 1/5è de la population mondiale consommait déjà les ¾ des ressources planétaires.
La publication de ce rapport – « The Limits to growth », titre original du texte appelé aussi « Rapport Meadows » – du nom de ses principaux auteurs, les écologues Donella Meadows et Dennis Meadows – a eu un impact considérable sur le monde scientifique, social et politique. Ce rapport était le premier en date à pointer les liens entre croissance économique, conséquences écologiques et limitation des ressources. Il affirmait, à grand renfort de graphiques et modèles mathématiques, que le système planétaire allait s’effondrer sous la pression de la croissance démographique et industrielle. À moins que l’humanité ne décide délibérément de stabiliser sa population et sa production.
La croissance continue et exponentielle allait créer une très forte pollution que la planète ne pourra absorber indéfiniment, conclusion des versions successives du rapport en 1992, 2004 et 2012. Personne à ce jour, y compris nombre de responsables politiques ou économiques tenants de la doctrine la plus libérale, ne peut nier que la croissance matérielle perpétuelle risque de conduire tôt ou tard à « un effondrement du monde qui nous entoure » (Club de Rome)
Paul Ariès, qui a dit et prédit la catastrophe écologique et humaine il y a 30 ans déjà, est de ces experts et « lanceurs d’alerte » qui ont publié nombre d’ouvrages sur la mondialisation, l’alimentation, la répartition et le déséquilibre des richesses, les dérives commerciales et le consumérisme. Lectures indispensables !
Dans la trentaine d’ouvrages écrits seul ou en collaboration par Paul Ariès, retenons quelques titres en particulier :
►Décroissance ou barbarie, Éditions Golias, 2005.
►La Décroissance : un nouveau projet politique, Éditions Golias, 2008
►La simplicité volontaire contre le mythe de l’abondance, coll. Les empêcheurs de penser en rond / La Découverte, 2010.
►Gratuité vs capitalisme, Éditions Larousse, 2018.
À consulter aussi :
L’article à propos du « jour du dépassement » sur le site d’Info durable.fr