À Sandrine, Jeanne et Paula,
Pour qu’elles dévorent des yeux ce que j’ai dégusté sans elles
La dédicace de l’ouvrage annonce la couleur : on a affaire à un globe-trotter gourmet et sensible. Cette première impression se confirme avec la préface d’Emmanuelle Jarry, ethnologue de la gastronomie qui baigne « dans le monde des casseroles par goût et par passion ». Son chemin a donc croisé celui de Jean-François Mallet, reporter photographe qui « s’intéresse à la cuisine comme moyen de compréhension du monde ». L’auteur de cet épais et bel ouvrage a compris que « la cuisine, ce n’est pas que des recettes » : elle nous apprend autant que la politique, la religion, l’économie, l’art, sur les autres cultures. Côté cuisine, on s’incline – il est sorti major de l’école supérieure de cuisine française. Côté saveur, il invite à un monde meilleur.
S’il est citoyen du monde, il ne prône pas pour autant l’uniformisation. Car « les diktats de la haute gastronomie font aussi des ravages », déplore Emmanuelle Jarry qui se demande « combien de chefs ils ont rencontrés à Phnom Penh, Shanghai ou Oaxaca, fiers de faire venir leur agneau d’Aveyron et leurs huitres du bassin d’Arcachon, mais complètement ignorants des produits locaux ».
Pour lui, « l’exotisme ne procède pas de la distance parcourue, mais du regard porté sur le sujet » et on le sent à travers les admirables portraits qu’il a photographiés. Citons le boucher de Buenos Aires, le pêcheur qui met les poulpes à sécher à Mykonos, la poissonnière de l’ile de Lantau à Hong Kong, la gaveuse d’oie du Gers… Car son périple se termine en France avec des tripoux, des escargots et du foie gras. Home, sweet home – on pense à la fameuse phrase de Pierre Daninos « L’une des choses que j’apprécie le plus quand je voyage à l’étranger, c’est de penser que je vais retourner en France » !
Mais avant de rentrer au pays du camembert, Jean-François Mallet nous emmène en Asie, manger :
- une salade de tomates vertes en Birmanie
- un cari de porc au lait de coco au Cambodge :
- un nasi goreng aux œufs de cane à Java
- un och plov, pour fêter Nawrouz à Samarcande
- des beignets de lentilles Vada au Kerala
- un biryani de poulet à Singapour
- la soupe pho au poulet de Sapa
- des fromages grillés aux poivrons verts à Mumbay (super Lunchbox !)
- des rouleaux à la papaye verte à Hanoi
- un miso de praires à Tokyo
- une poitrine de porc aux ormeaux à Pékin
Il nous offre quelques escales au Sud pour savourer :
- un kofta d’agneau en Egypte
- un tiboudienne au Sénégal
- une friture de sardines à Tanger ou à Essaouira
- un rougaille de saucisse à La Réunion
- des huitres chaudes au bacon Australie
Il fait un détour par l’Amérique pour découvrir :
- le jambalaya en Louisiane
- le pouding chômeur (sic !) au Québec
- le carrot cake à Los Angeles
- une pâtisserie en chocolat, sucre et sésame en forme de tête de mort, à Oaxaca.
On se rapproche de chez nous avec :
- la viande de renne bouillie en Laponie
- une soupe au Tahiné en Arménie
- des piroshkis à la viande à Moscou
- des empanadas aux légumes de Majorque
- un triffle à la fraise et au whisky en Ecosse
- des croquettes de morue au Portugal
- des spaghettis alla vongole à Venise
- du poulpe à feira en Galice.
- du maquereau fumé au thé et à la crème de raifort du Duke of Cambridge à Londres
Citer (une partie de) ses plats ne suffit pas à synthétiser le bonheur qu’on éprouve à partager les rencontres de Jean-François Mallet. En plus de l’excitation gustative, on se prend à vouloir paresser sur des chaises longues de la plage de Blankenberge (Belgique), ou monter dans le taxi d’un Sikh à Bombay, ou s’asseoir sur un banc avec des mammas de Galice, ou déguster une tire d’érable sur la glace avec une blonde, ou encore boire un verre de tursu à Istambul. Cette préparation de légumes marinés dans le vinaigre et le sel est servie dans des verres en plastoc – en principe, on n’aime pas çà, mais avec Mallet, c’est super beau !
Planet food Jean-François Mallet aux éditions de la Martinière (le 20 mars), 528 pages, 32€
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Planet food : A la recherche d’un monde meilleur