Cela fait un an que l’association Glacière 1920 2020 2120 se bat contre la démolition de l’emblématique Glacière de Lorient, prévue pour la fin de l’année 2021. L’édifice inauguré en 1920 incarne depuis un siècle le symbole d’un patrimoine maritime rayonnant. Alternative à la démolition, l’association souhaite reconvertir la Glacière en tiers-lieu maritime et citoyen.
Située au carrefour entre le port de commerce de Kergoise et le port de pêche Lorient-Keroman, la Glacière surplombe la Rade de Lorient et les centaines de bateaux qui y naviguent chaque jour. Construit en 1920 afin de moderniser le port de pêche de Lorient-Keroman, le bâtiment est devenu un acteur clé du développement économique de la ville. Il permettait la fabrication de blocs de glace transformés ensuite en glaçons pour être livrés à bord des bateaux. Les pêcheurs pouvaient ainsi garder au frais les poissons et les conserver. La Glacière a été mise en service dès 1922 et a ainsi fonctionné jusque dans les années 80. « C’était un projet très ambitieux pour la ville de Lorient, mais aussi pour la région Bretagne. C’est un lieu central aux 6 ports avec une vue imprenable. Lorsque l’on rejoint la ville par bateau, c’est la Glacière que l’on voit en premier lieu. C’est grâce à elle que le port de pêche de Lorient est devenu le premier port de pêche français. »
Surnommé autrefois le « frigorifique » et vanté pour ses mérites techniques, le bâtiment n’est plus qu’une épave laissée à l’abandon. Alors qu’il avait échappé aux bombardements de la Seconde Guerre mondiale, il n’a pas pu faire le poids face aux avancées techniques maritimes apparues dans les années 80 qui le rendent alors obsolète. La glace pouvant être fabriquée directement à bord des bateaux, les pêcheurs n’avaient donc plus besoin de la Glacière. Victime d’un manque d’entretien et d’un besoin de rénovation au budget considérable, son identité patrimoniale et architecturale s’est petit à petit détériorée. « À l’origine, c’était un site industriel qui possédait énormément de caractéristiques soignées. L’isolation était faite à base de liège donc très performante et naturelle. Les murs et les voûtes étaient en pierre avant d’être enduits de béton pour des raisons de maintenance, ce qui explique aujourd’hui le mauvais état du bâtiment. »
Aujourd’hui, l’édifice emblématique du port de pêche est voué à disparaître. Alors qu’il venait de fêter son centenaire, le Conseil régional de Bretagne, propriétaire du bâtiment, et Lorient Agglomération ont pris la décision de le démolir. Cela faisait plusieurs années que la question était sur la table, mais le coût de la démolition, estimé à 1 million d’euros, face au coût de sa réhabilitation, estimé entre 12 et 15 millions, a fait pencher la balance du « mauvais côté », celle de la démolition programmée.
L’association Glacière 1920 2020 2120 s’est donnée la mission de sauver la Glacière de Lorient en proposant un projet de reconversion alternatif à la démolition. Créée en juin 2020, l’association veut réhabiliter l’édifice en un tiers-lieu maritime dans une démarche de co-construction participative. Un projet avant tout citoyen, car l’association rassemble des habitants venant de tout horizon : professionnels du bâtiment, artistes, photographes, professeurs ou encore voyageurs. « Nous avons créé l’association avec l’intérêt de conserver et diffuser la mémoire du bâtiment tout en gardant une perspective plus dynamique. L’idée n’est pas seulement de garder la Glacière, mais de la réinventer. Ainsi nous voulons faire cohabiter des activités économiques et culturelles autour de la pêche et du maritime pour faire de cet équipement un vrai lieu de vie citoyen. Nous voulons en faire un lieu ouvert et participatif pour que les futurs usagers soient inclus dans le processus de construction. »
Dès la création de l’association, les membres se sont concertés avec les habitants et les acteurs économiques de la ville pour s’assurer qu’ils pouvaient se projeter dans ce futur lieu. « Dans ce projet de tiers-lieu, il y a l’importance de répondre aux besoins des habitants du territoire, mais aussi des acteurs économiques du milieu maritime. Il était nécessaire d’élaborer ce projet avec chacune des différentes parties. Nous avons donc organisé deux réunions publiques afin de présenter le projet et y organiser des ateliers pour recueillir des idées. Nous avons ensuite rencontré isolément un syndicat de pêcheurs, un centre de formation maritime, des mareyeurs… »
Le tiers-lieu hébergera, sur 6 000 m2, des activités destinées aux entreprises du port de pêche de Keroman, des locaux associatifs liés au milieu maritime, des lieux de restauration, une terrasse panoramique ouverte à tous ainsi qu’un mur d’escalade. « Nous tenons à garder un fil rouge autour de l’univers maritime, car la pêche est un secteur économique majeur pour la ville de Lorient. La proximité de l’espace urbain classique à la zone industrielle du port de pêche est une chance. Grâce à cela, nous pourrions créer un espace pivot afin de sensibiliser le public aux problématiques du milieu maritime. Nous croyons qu’il est possible de répondre aux enjeux de modernisation sans avoir à démolir le bâtiment. Nous risquons de perdre un marqueur de notre histoire et notre ville a déjà beaucoup souffert de cela. »
Pour rendre possible la reconversion de la glacière de Lorient, l’association Glacière 1920 2020 2120 a lancé un financement participatif sur la plateforme KENGO. Elle espère pouvoir donner plus de visibilité à ce patrimoine et atteindre l’objectif de 10 000 euros. « L’objectif de la cagnotte, c’est surtout de financer des actions de communication. Depuis la fermeture du bâtiment, il n’y a eu aucun travail de transmission autour de la mémoire de la glacière et des activités du bâtiment. Nous avons besoin de financement pour organiser des expositions ainsi que notre escape game autour de la Glacière. »