Si vous résidez à Rennes, il est fort probable que vous l’ayez déjà croisé, voire même que vous ayez échangé quelques mots avec lui. Depuis 23 ans, Jean-Pierre vit dans les rues de la capitale bretonne, accompagné de sa fidèle chienne, Nougatine. Dans un court-métrage intimiste, les journalistes Hugo Murtas et Frédéric Le Guennec s’immiscent dans le quotidien de ce SDF sans-abri doté d’une âme de poète à travers un regard singulier sur ses habitudes de vie.
Hugo Murtas et Frédéric Le Guennec ont au moins deux points communs : ils vivent dans le même immeuble et sont tous les deux journalistes. Pour ce qui est du reste, les choses se sont faites naturellement : « Fred avait envie d’un nouveau projet et moi j’avais envie de tester la vidéo. En parallèle, ma rédactrice en chef m’a parlé de Jean-Pierre », explique Hugo. Ce point de départ leur a permis de commencer leur projet en mettant en commun leurs compétences. Les deux amis ont suivi ce poète de la rue pendant deux ans. Inspirés par l’émission franco-belge culte Strip-Tease, les réalisateurs ont adopté les principes de ce format, en laissant une large place aux protagonistes, dans le but de restituer un récit aussi authentique et réaliste que possible.
Un regard authentique et sincère à travers l’objectif
Devenu une figure emblématique dans les rues de Rennes, Jean-Pierre se distingue notamment par ce cadi qu’il emporte toujours avec lui. Enfin, pas seulement. L’homme, âgé de 63 ans, passe le plus clair de son temps à écrire dans des carnets qu’il garde ensuite bien au chaud. Jean-Pierre a rapidement été partant pour le projet : « Nous avons directement parlé de ses écrits et il était content de partager ça. On a eu un lien de confiance et il nous proposait même des idées de plan à la fin ! », confie Hugo. Le projet a évolué au fil des discussions et du temps passé avec Jean-Pierre : « Au début, c’est l’écriture qui nous intriguait. Il remplit ses grands cahiers selon son humeur du jour. Il nous a ensuite partagé son quotidien. Le but n’était pas du tout de faire du misérabilisme », précise Frédéric. « Il dit lui-même que c’est son choix d’être dans la rue ». À travers ce court-métrage, les réalisateurs ont voulu montrer ce qu’il y a de plus beau dans le quotidien de Jean-Pierre, en brisant les stéréotypes.
« Nous avons directement parlé de ses écrits et il était content de partager ça. On a eu un lien de confiance et il nous proposait même des idées de plan a la fin ! »
Jean-Pierre est un sacré personnage et a surtout beaucoup d’humour : « Il a toujours une blague, une punchline qui sort de nulle part. Le film est construit autour de trois chapitres et chacun d’entre eux est introduit par une punchline de Jean-Pierre », s’amuse Hugo. Jean-Pierre a un regard positif sur ce qui l’entoure : « Malgré l’humidité, les rats, la difficulté de la rue, il parle des canards, de ce qu’il y a de beau ». Nougatine et Jean-Pierre ne passent pas inaperçus : « Il lit son journal tous les jours, il est très au fait de ce qui se passe. Les gens lui donnent souvent des sandwiches et discutent avec lui. Certaines personnes ont réservé la séance en précisant qu’ils connaissent bien Nougatine ! »
Le projet n’était pas destiné au cinéma à l’origine : « On avait un simple appareil photo caméra, un micro et un trépied avec du scotch », détaille Hugo. « On a envoyé le film à Eric Gouzannet, le directeur de l’Arvor qui a accepté de le projeter, car il a été touché par l’émotion et le message de fond », expliquent les co-réalisateurs. Ces derniers ont par ailleurs apprécié la dimension interactive que le cinéma pouvait offrir : « Jean-Pierre sera présent dans la salle et c’est un bon moyen pour le mettre en avant tout en montrant notre travail ». Frédéric et Hugo sont fiers de leur travail et reconnaissants d’avoir eu une liberté absolue : « Nous avons appris à prendre le temps. On a travaillé dans de bonnes conditions et cela nous a permis de faire quelque chose dont on est sûrs et que l’on assume complètement. »
Le projet a rapidement pris une ampleur inattendue dans les médias, qui ont relayé cet événement pourtant dénué de toute campagne de communication. La première projection qui a lieu ce vendredi 17 janvier à l’Arvor affiche déjà complet. Frédéric et Hugo envisagent de diffuser le court-métrage sur d’autres plateformes. En attendant, une seconde projection est déjà programmée dans ce même cinéma le dimanche 26 janvier à 11h30. La séance sera cette fois-ci payante et une partie des recettes sera reversée à Jean-Pierre. Les deux journalistes souhaitent également élargir ce concept à d’autres domaines, en privilégiant un format portrait sur Rennes, tout en conservant ce regard positif qu’ils ont su poser sur Jean-Pierre.
Infos pratiques :
Avant-première : 17 janvier 2025 à 19h (complet)
Prochaine projection : dimanche 26 janvier à 11h30 au cinéma Arvor (4,90 et tarif réduit avec la Carte Sortir, réservation à la billetterie du cinéma)
Cinéma Arvor (11 rue de Chatillon)