Les vendredi 2, samedi 3 et dimanche 4 février 2018 s’est déroulée la première édition du week-end de festivités littéraires Jardins d’Hiver aux Champs libres de Rennes. Un havre de paix littéraire ponctué d’intermèdes musicaux.
13h20 : Une petite file d’attente commence déjà à prendre forme devant l’entrée des Champs Libres. Devant nous attendent deux étudiantes de l’IUT Info-Com de Lannion, Esther et Aglaé, venues à l’origine pour réaliser une étude sociologique au sujet des pratiques culturelles dans les bibliothèques. Elles découvrent par hasard que se tient aujourd’hui Jardins d’Hiver et en sont enchantées. C’est l’occasion de découvrir. Originaires de Vitré et de Lannion, elles viennent aux Champs Libres ponctuellement et parfois lorsque certaines conférences les intéressent. Une chose est sûre, elles sont convaincues que les Champs Libres constituent un exceptionnel équipement culturel : « Proche des cinémas et du Liberté et non loin de la gare, les Champs Libres est un peu “the place to be”, un lieu bouillonnant de culture. »
Annie, retraitée, les rejoint complètement sur ce point. Elle adore les Champs Libres et y vient tous les jours ! Son programme en main, elle peut nous parler de tout ce qui s’y passe comme les conférences scientifiques du mardi ou les concerts du vendredi midi. Elle trouve ce lieu exceptionnel et se demande s’il est possible de trouver une telle programmation, accessible à tous, autre part en France. Annie fait donc partie des adeptes convaincues du Centre culturel breton.
Hier, elle a particulièrement été émue par la chanson improvisée d’Hallelujah de Léonard Cohen par une jeune lycéenne lors de la rencontre entre Carole Martinez et Léopoldine HH. « Globalement tout m’a plu vendredi alors je reviens aujourd’hui. » Elle nous explique que « durant ces trois jours, à l’image d’Étonnants Voyageurs, mais en plus petit, les auteurs de Jardins d’Hiver partagent leur jardin intérieur ». En effet, le public a l’opportunité de se sentir proche des auteurs qui viennent échanger avec leur lectorat lors de rencontres, de promenades aux différents étages de la bibliothèque ou bien de séances de dédicaces. Cette proximité plaît beaucoup à Anne, 54 ans, conquise par l’intervention de Lola Lafon qui achète ses livres et ne manque pas de poser des questions à l’auteure qu’elle vient de découvrir avec joie.
Nous avons, nous, manqué Lola Lafon — impossible de tout voir malheureusement — au profit de la discussion entre Carole Martinez et Michel Le Bris, le fondateur d’Étonnants Voyageur justement. Le directeur du festival littéraire de Saint-Malo avait été l’un des premiers à accrocher au premier Romain de l’écrivaine, Le Cœur cousu (2007). La jeune professeure de lettres gagnera le prix, puis de nombreux autres, dix-huit en tout. Elle obtiendra en 2011, le prix Goncourt des lycéens pour son roman intitulé Du domaine des Murmures.
Parlant de Kong, son nouveau roman, Michel Le Bris décrit la magie du processus d’écriture : il s’agit de « se risquer à son propre inconnu (…), s’affronter à ce mystère, ces ténèbres ». « On sent passer toute la puissance du monde ». Quant à Carole Martinez, elle déclare que le roman est sa cohérence, son identité, ce qui lui fait tenir debout. Les deux auteurs évoquent également, à plusieurs reprises, le souffle du roman et de l’importance de la phrase porté par le rythme, par la musique.
Nous nous laissons nous aussi portés par la musique : celle des élèves du Pont Supérieur qui, avec les élèves du TNB (Théâtre National de Bretagne), mettent en musique des textes de leur choix le temps de lectures musicales. Les textes magistralement déclamés sont sublimés par leur accompagnement à la guitare acoustique ou électrique. L’intensité des récits est magnifiquement mise en lumière par la prestation des jeunes étudiants.
Retour à la discussion avec Florence Aubenas qui invite Laurent Chalumeau pour son nouveau roman VIP. L’auteure du Quai d’Ouistreham, nous présente VIP, en le comparant aux films des années soixante tels les Tontons flingueurs. Comme pour ces films, le lecteur est porté par les dialogues plus que par le fil de l’histoire. Les voyous du livre de Laurent Chalumeau sont le président de la République, des paparazzi ou des actrices de cinéma. De façon burlesque et ironique, l’auteur dépeint dans son roman le milieu journalistique, celui des avocats, des people, mais également la police scientifique.
L’occasion pour Florence Aubenas d’évoquer la question de la censure, question qui lui est souvent posée. Aujourd’hui en France, les journalistes sont confrontés parfois encore à ne pas pouvoir écrire sur certains sujets. Mais, plus encore, les journalistes sont souvent face à une « obligation » d’écrire ce qui leur est demandé et moins ce qu’ils pensent. Les paradoxes du métier de journaliste sont décrits et le thème du nouveau roman de Laurent Chalumeau annoncé : le harcèlement au travail, l’actualité teinte souvent la discussion de cette rencontre.
Nous finissons l’après-midi sur un ton plus léger — quoi que… – avec une dernière lecture musicale de Point Cardinal par Emily Loizeau et Léonor de Récondo accompagnées par la soprano Claire Lefilliâtre et le guitariste Csaba Palotaï. La salle de conférence bat son plein. Nous serons donc au balcon pour écouter le récit poétique d’un homme qui se découvre transgenre. Lectures et musiques s’alternent et magnifient le texte de Léonor de Récondo pour clôturer la soirée.